Faire parler le divan par Bacary Domingo Mane

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La Casamance réservera certainement, aujourd’hui, un accueil chaleureux au président de la République, Macky Sall. La région du sud va lui servir de test grandeur nature d’une popularité quasi obsessionnelle qu’il surveille – tel un agent de change sur les grands marchés boursiers – les yeux rivés sur son écran de politique-spectacle. Il foulera le sol casamançais en père Noël dans un lancement en grande pompe du «?Pôle Casamance?», qui fera oublier, l’espace d’une visite, les traumatismes d’un conflit trentenaire.

Les populations n’exhiberont ni les blessures ni les masques qui traceront les contours de visages meurtris par une crise qui a fait perdre à cette région méridionale le goût de la vie. Le sens de l’hospitalité prendra le dessus sur toute autre considération. Pourquoi, d’ailleurs, accabler le visiteur du dimanche des plaintes et complaintes du divan qui ne livrera jamais toute l’histoire de ce que ces populations ont réellement vécu.

Ces populations vous montreront des visages joviaux, pleins de vitalité et les pieds se cramponneront au sol pour esquisser des airs de balafon Balante, de «bouguerebou» Diola, de tam-tam et de Kora Manding etc, pour vous souhaiter la bienvenue. Mais ne vous fiez pas, M. le Président, aux apparences. Elles (ces populations) marchent sur une corde raide et au-dessous, l’abîme?!

Ce conflit a fait plus que déstructurer l’économie sur laquelle, hélas, tout le monde semble concentrer son énergie, en oubliant ce qu’il y a d’essentiel chez l’homme?: le culturel. Combien de bois sacrés sont violés?? Combien de lieux de retraite abandonnés?? Combien de lieux de cultes désacralisés?? Combien de pactes rompus?et dont le ciment n’était que la parole donnée ? Lorsque vous verrez exhibés les masques, étonnez-vous, puis, adressez-vous cette question?: combien (de masques) ont été défigurés, «violés?», désacralisés? du fait de l’égarement des hommes?? La raison du plus fou a fini par l’emporter. Mais pour en saisir le non-dit, faites parler le divan.

Entre vous, M. le Président et ces populations, il y a tellement de haies à franchir?! Tellement de voiles à déchirer, de pagnes à découdre, pour pénétrer dans leur intimité. Ces populations ont quelque chose de très sacré à vous communiquer. Mais tant que ces politiciens opportunistes continueront à former cet écran de fumée, à soulever la poussière là où il n’y a pas un seul grain de sable, vous vous exposez à un rendez-vous manqué. La Casamance n’a pas besoin de sauvetage individuel, encore moins individualiste.

Les populations sont embarquées dans la même galère et tout projet qui prétend les tirer vers le haut doit avoir en ligne de mire l’intérêt général. Elles ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel d’intérêts partisans et égoïstes… pour éviter le festin des vampires. Des vautours et des mange-mil nourris aux OGM des biens publics sont en train de saliver à l’idée de dépecer le butin Pôle Casamance. Rien qu’à voir leur mine envieux pour mesurer leur capacité de nuisance citoyenne. Ce sont des prédateurs des biens publics…

Bienvenue, M. le Président, en terre casamançaise, le Sénégal vous accueille?!
Bacary Domingo MANE
sudonline.sn

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