«Fawenatou» de Bathie Ngoye Thiam L’amour sans frontière

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La Maison d’édition «Athéna-édif» vient de publier dans la collection «Va et vient» le troisième roman de l’écrivain sénégalais Bathie Ngoye Thiam. Intitulé «Fawenatou», le récit raconte cette relation fantastique entre la jument du même nom et Samba. Mais le livre est aussi un regard sur la question de l’émigration avec son lot d’échecs et le sort de ces femmes «objets abusées».

«Fawenatou» renvoie-t-il à un conte ? Ou à la légende d’une déesse ? On aurait cru avec un titre si singulier, mais surtout poétique à la prononciation et à l’entendement, que l’auteur parle de ces princesses du Baol, venant du centre du Sénégal ou précisément de Bambey (Njaaréem dans un wolof bien ancré), sa localité natale. Il n’en est rien jusqu’à la dernière phrase de ce roman de 248 pages de Bathie Ngoye Thiam où Fawenatou, le nom d’une jument, cet amour éternel qui prend la place d’une copine, d’une femme chez le narrateur au fil des pages, se transforme en être humain, «une femme noire d’une beauté prodigieuse qui aux formes parfaites s’ajoutent le charme et la grâce d’une Sénégalaise». A huit ans déjà, Samba, un enfant peu ordinaire n’ayant pas grand-chose à partager avec ses copains d’enfance qui l’ennuyaient à mort, entretenait de bon rapport avec les chevaux de Ferdinand Touchetou, un colon, «émigré de luxe», installé dans son village. Cet amour sans faille voué à des chevaux et particulièrement à Fawenatou, «sa jument bien-aimé», a poussé Samba vu comme «un déjanté, un demeuré» à fuir l’école coranique quand ses parents voulaient faire de lui «un humain normal». Pire, il les a abandonnés sans regret pour rejoindre la France avec Fawenatou et ses nouveaux parents adoptifs Jacques Touchetou et Odile afin de ne pas se séparer de sa jument. Et c’est cette histoire entre Samba et Fawenatou qui donne ce caractère de contes au roman de Bathie Ngoye Thiam publié par «Athéna-édif» dans la collection Va et vient.

L’amour traverse tout l’ouvrage. Il est à la fois sentimental à l’image de ces couples qui se font et se défont comme entre Jacques et Odile ou encore Grand-badou et toutes ses conquêtes Bénédicte, Sandra, Anne, Véronique… ; parfois amical entre ces membres du clan Sdf de la station de métro Rambuteau Grand-badou, Antoine, Claudette (la seule femme du groupe), Marcel et L’oiseau. Mais l’amour fraternel presque naïf entre hommes et femmes de bonne volonté semble être le mieux partagé entre ces personnages qui se soutiennent mutuellement, effaçant les frontières de pays, de sexe, de couleur ou de position sociale qui les séparent. On y rencontre des couples entre blanches et noires ou entre deux hommes (Bernard et Laurent)… L’exemple de Samba émigré plus nanti – avec des papiers légaux et ayant hérité une somme importante d’argent de son défunt père adoptif au même pied d’égalité que les propres enfants de ce dernier -, que le Malien Mamadou Traoré, un sans-papiers faisant partie des manifestants de l’église Saint-Bernard qu’il a hébergé au «foyer-hôtel des travailleurs émigrés célibataires», a envoyé de l’argent à ce dernier dans son pays pour sa réussite sociale. Ceci après son expulsion dans un charter, menottes aux poignets, direction Bamako.

La question de l’émigration

«Fawenatou» est un livre qui est dans l’air du temps. Tant la question de l’émigration qui fait aujourd’hui l’actualité du monde est au centre. L’auteur aborde la complexité de l’émigration sous des angles différents et intéressants. Le narrateur est largement revenu à travers Traoré sur l’épisode de l’église Saint-Bernard en juillet 1996 où des sans-papiers ont observé une grève de la faim pour réclamer des papiers en règle. «Quand les Français nous vendaient comme des esclaves pour s’enrichir, demandaient-ils nos papiers», s’interroge Traoré face à l’attitude de ces derniers envers les émigrés africains. La volte-face de l’ancien président français Jacques Chirac sur la question du regroupement familial et ses positions jugées racistes sur les travailleurs migrants sont mises en exergue. L’auteur relève l’attitude de ces imams et autorités africaines, les grands absents du débat comme c’est le cas aujourd’hui d’ailleurs (page 52 à 80).

La plupart des personnages du roman (émigrés ou résidents français) sont décrits très intelligents, mais dont la vie n’a pas souri les poussant à sombrer dans la déchéance avec l’alcool, la drogue, la cigarette. Parmi eux, ces Sdf vivant comme les membres d’une même famille où l’on garde la place de quelqu’un même à son absence pour le voyage éternel. Entre autres sujets relevés dans le récit, la place de la femme vue dès les premières lignes comme objet. D’abord avec ces prostituées africaines dont le sort fend le cœur du narrateur en les voyants brader ce qu’elles ont de plus précieux et ensuite avec ces femmes seins nus posant sur les paquets de kinékéliba vendus en France. Elles sont aussi abusées, car violées comme Claudette…

Dans le style, le roman de Bathie Ngoye Thiam est très descriptif. On se croirait devant un tableau de peinture tant les détails sur les personnages, leurs traits de caractère (émotions ou physique), leurs faits et gestes sont précis. C’est un film qui se déroule à nos yeux à la lecture de ce roman comme l’a si bien relevé le préfacier Khady Mbacké Ndoye «est une ode à l’errance».

Fatou K. SENE
walf.sn

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