Femmes de premières lignes

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Aminata Tall est candidate à la présidentielle de 2012. Plus que le rôle de directrice de campagne dans lequel voulait la confiner une information de presse vite démentie en son temps, l’ex-Ministre d’Etat directeur de Cabinet du Président de la République (une des dernières fonctions dans différents attelages libéraux) veut prendre le pouvoir. Son expérience de la gestion des affaires publiques autorise à l’exclure de la liste des candidatures présumées « fantaisistes ». Mme Tall a le parcours politique pour donner du poids à ses (nouvelles ?) ambitions. Son compagnonnage de près de trois décennies avec Me Abdoulaye Wade, Secrétaire général national du Pds, son expérience des luttes politiques dans l’opposition avant 2000 et ses différentes fonctions ministérielles depuis l’accession du Sopi à la magistrature Suprême devraient en faire une adversaire de taille pour le Président sortant, si la candidature de Me Wade n’était pas recalée entre temps.

En annonçant dimanche son intention d’aller, sous sa propre bannière, à la conquête du suffrage des Sénégalais, Mme Aminata Tall devient la deuxième femme à se positionner de cette façon sur l’échiquier politique en direction de la prochaine présidentielle. Avant elle, Mme Amsatou Sow Sidibé avait décliné ses ambitions et mène depuis plusieurs mois, d’intenses activités de mobilisation contre le pouvoir libéral. Marième Wane Ly en 2000, Mmes Sow et Tall en 2012, les femmes commencent à voir beaucoup plus grand que les seconds rôles jusqu’ici laissées au genre.

D’autres femmes avaient élevé la voix la semaine dernière pour exiger des postes de responsabilités dans les organisations syndicales. ‘’Nous voulons de l’équité dans les postes de responsabilité des syndicats. C’est cela l’objet de notre actuel combat. Il y a de l’injustice à l’égard des femmes. C’est pourquoi, nous allons nous investir dans le champ syndical pour imposer notre suprématie’’, avait notamment martelé Aminata Ndiongue Sy, présidente nationale de la Convention SAEMS-CUSEMS, à l’ouverture de la conférence tenue à Dakar, sur le thème ‘’Engagement syndical des femmes : enjeux et perspectives’’.

Celui qui devrait applaudir est peut-être aussi le même qui devrait s’inquiéter de cette forme de mobilisation des femmes. Le Président Wade voulait la parité qu’il fit porter au niveau de loi pour les élections électives et semi électives ; le voila servi par la revendication de ses « protégées ». S’il y’avait – ainsi qu’en accusent ses adversaires – un calcul électoraliste derrière la mesure, Me Abdoulaye Wade devrait être le premier à en faire les frais. Celles qui ont contribué à ses succès électoraux depuis plusieurs décennies et surtout depuis 2000, n’entendent plus être de simples porteuses d’eau pour le moulin de candidats supposés providentiels. Le « pouvoir aux femmes » ; le slogan n’est plus un simple effet de mode. C’est un nouveau pas franchi dans la longue marche des femmes politiques, depuis l’entrée en 1963, à l’Assemblée nationale de Mme Caroline Faye Diop/ Première femme parlementaire du Sénégal indépendant, Mme Diop a été la première femme ministre en Afrique et première présidente du Mouvement national des femmes de son parti, le PS, entre 1964 et 1982. On ne parlait pas de parité, mais la constante est que les femmes ont toujours occupé les premières places dans toutes les campagnes électorales. Sur le registre très fourni de celles qui se sont mises en première ligne pour faire gagner leur parti, le Pds doit une fière chandelle à Mme Coumba Ba restée constante jusqu’à son dernier souffle.

Mme Aminata Tall n’a certainement pas les atouts « folkloriques » pour revendiquer de grandes capacités de mobilisation des femmes. Elle a au moins l’avantage d’avoir fait plusieurs fois le tour du pays, d’avoir rencontré des personnalités et des familles influentes et de s’être fait une image de femme d’Etat. Sur ce registre, elle a un léger avantage sur l’autre candidate annoncée à ce jour.

On ne peut toutefois faire abstraction du grand handicap du Genre, dans la lutte pour le leadership. Les quelques brillantes universitaires dont Amsatou Sow Sidibé, et femmes d’affaires qui ont fait et continuent de faire leurs preuves dans différentes sphères de décisions ici et ailleurs dans le monde, ne seraient qu’une étincelle dans la nuit des Africaines. Le niveau d’éducation maintenu très bas par des considérations économiques et sociologiques extrêmement limitatives des ambitions et possibilités, constitue le principal frein à la promotion du Genre.

Si les candidatures de Mmes Tall, Sow, après celle Mme Marième Wane Ly, peuvent permettre de casser une partie de la barrière psychologique, pour que les hommes « osent » laisser le pouvoir aux femmes, le Sénégal ne fera que s’inscrire sur la liste des peuples qui regardent devant. Il est vrai que de la coupe aux lèvres, il y’a encore un énorme travail de « déconstruction sociale » à faire pour « décomplexer » le Genre, dans la perception des hommes. La clé a été donnée par Mme Marième Sakho Dansokho, Secrétaire générale du Syndicat des Professeurs du Sénégal (SYPROS), qui estime que pour gagner le combat, les femmes doivent d’abord « prendre conscience de leurs potentialités et des rôles importants qu’elles jouent dans la société ».

La « déconstruction sociale » passe surtout par « la formation et l’autoformation des femmes afin d’acquérir des connaissances sur le leadership (…) et ne plus occuper des postes stéréotypés dont celui de chargé des affaires sociales ». Le Genre doit viser « plus haut », préconise Mme Dansokho. C’est ainsi qu’on pourrait interpréter les candidatures féminines de 2012.
Par Ibrahima Bakhoum

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