Financement occulte des partis de la majorité: Des analystes plaident la moralisation de la vie publique

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XALIMANEWS – La sortie au vitriol de l’ex-Secrétaire général de la Ligue démocratique (Ld), Madou Ndoye, sur les ondes de la radio privée Sud Fm, le dimanche dernier, remet au goût du jour les lancinantes questions de la gestion des fonds politiques alloués au chef de l’Etat, tout comme celle du financement des partis politiques, sans oublier la professionnalisation de la politique par les acteurs. C’est du moins le sentiment partagé par les journalistes-analystes politiques, en l’occurrence Momar Diongue et Momar Seyni Ndiaye. Unanimes sur la persistance au Sénégal d’une vieille pratique qui foule au pied la notion de bonne gouvernance, Momar Diongue et Momar Seyni Ndiaye sont, par conséquent, pour la moralisation de la vie publique.

MOMAR DIONGUE, JOURNALISTE ET SPECIALISTE POLITIQUE : «C’est une vieille pratique qui date de très longtemps. Tous les régimes ont eu à la faire»

La sortie de Mamadou Ndoye, l’ancien Secrétaire général de la Ld, remet en suspens au moins 3 questions. La première, c’est la gestion des fonds politiques du président de la République. Ce sont des fonds alloués annuellement au président de la République et sur lesquels on ne lui demande aucun compte. La deuxième chose que nous inspire la sortie de Mamadou Ndoye, c’est ce qu’on a eu à déplorer, à savoir la professionnalisation de l’activité politique qui est devenue un métier. J’ai l’habitude de dire que la politique est maintenant un raccourci et un ascenseur social. La façon la plus rapide de réussir sa vie du point de vue social, c’est de se retrouver dans une activité politique. Il suffit de vous rapprocher du parti au pouvoir ou d’appartenir à un parti qui est allié au parti au pouvoir, soit pour postuler à un poste de Chargé de mission, de Ministre-conseiller, de député, ou de Conseiller économique et environnemental, etc, pour avoir de quoi vivre et réussir socialement. La troisième considération que cette affaire remet en suspens, c’est le financement des partis politiques. Tant qu’on n’a pas une législation claire la dessus, on aura à déplorer cette opacité dans la gestion des fonds politiques du président de la République et dans le financement des partis.

Je veux souligner que c’est une vieille pratique. Ça date de très longtemps. Tous les régimes ont eu à la faire. Si on se souvient de l’époque de Wade, qui est la plus récente, les partis membres de la Cap 221 avaient également droit à des rémunérations pour prendre en charge leurs clientèles politiques. Les partis financent et subventionnent régulièrement leurs structures. Pourquoi il y a autant de convoitise autour des Réseau des enseignants républicains ? Parce que tout simplement, et je crois que quelqu’un le disait, il l’avait accusé de détourner régulièrement les 30 millions mensuels que reçoit le Réseau. Si vous prenez la Cojer, c’est également la même chose. Si vous prenez la Fédération nationale des femmes du Pds, elle recevait une enveloppe de 200 millions par an et qui était donnée à la présidente Awa Diop à l’époque qui en faisait ce qu’elle voulait. Tant que le président de la République a des fonds politiques à sa disposition, il est chef de parti, et qu’il veut soit renforcer son parti en finançant toutes les structures de son parti, ou bien, il est président de la République, mais il est en même temps président d’une coalition et il veut entretenir tous ses alliés, alors que tout le monde ne peut pas avoir droit à une fonction ou à un poste, tant que ce sera comme ça, ça va continuer.

Il y a un travail très sérieux qui a été fait sur le financement des partis politiques à l’époque de Diouf, qui avait confié ce travail-là au professeur El Hadj Mbodj. Le travail était terminé, mais depuis lors, il est rangé dans les tiroirs. Depuis cette date, souvent des acteurs politiques parlent de la nécessité de légiférer pour le financement des partis politiques et de l’organiser, mais il n’y a jamais eu de volonté politique pour aller dans cette direction».

MOMAR SEYNI NDIAYE, ANALYSTE POLITIQUE : «Le financement occulte des partis de la majorité… s’est renforcée sous Wade et se poursuit sous l’actuel régime»

Le financement occulte des partis de la majorité date de la période socialiste. Elle s’est renforcée et étendue sous Wade et se poursuit, malheureusement sous l’actuel régime. C’est une grave perversion politique car on est en présence d’une coalition de relations tarifées, dans laquelle on neutralise la capacité de nuisance et la fronde à coups de billets de banque. Il est regrettable qu’un parti comme la Ld, qui s’est toujours présentée comme un chantre de la vertu, tombe dans de tels travers. C’est une prise illégale d’intérêts. Comment un parti qui réclamait à cor et à cri la poursuite des activités de la Crei, peut-il justifier un tel reniement de ses principes ? Si toutes les 300 formations composant Bby reçoivent de tels subsides, il faudrait en tirer toutes les conséquences. Il faut, cependant, se garder de toute forme d’hypocrisie. Depuis l’éclatement de la crise à And Jef, les Sénégalais sont informés de ces pratiques. Voilà un sujet champêtre pour les députés de la nouvelle législature. Une enquête parlementaire ne serait pas de trop pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur une pratique en vigueur depuis une trentaine d’années. Les révélations de Mamadou Ndoye paraissent bien tardives. Mais elles pourraient servir de déclic à des mesures de correction.

Comment la Ld s’est-elle retrouvée dans cet imbroglio ? La sortie de Mamadou Ndoye ne fait que révéler l’ambivalence politique et l’instabilité directionnelle et éthique de la Ld depuis le gouvernement de majorité présidentielle du Président Abdou Diouf. Partagée entre sa culture d’opposition et de contestation et la logique de partage patrimonial, la Ld a vu depuis 1993, son audience s’effriter et son attractivité politique, fondre comme beurre au soleil. Par sa participation aux gouvernements de Diouf, elle en a cautionné les dérives, avant de s’en retirer, pour mettre en selle Me Wade en 2000. Elle a, ensuite accompagné le régime Wade dans ses indicibles errements avant de croiser avec celui qui voulait faire de Abdoulaye Bathily son Premier ministre. Idrissa Seck avait contrecarré le projet.

Alliés du PS, les Jallarbistes ont pris pourtant le parti de Moustapha Niasse en 2012 dans Benno Siggil Sénégal, lors des présidentielles. Une fois dans la majorité Benno Bokk Yaakaar, la Ld n’a cessé de ronger ses freins dans une coalition où manifestement, elle se sentait mal à l’aise. Prise en tenaille entre l’obligation morale de tenir ses engagements dans la coalition, ses intérêts patrimoniaux et l’image d’opposant dont elle a du mal à se séparer, elle s’est empêtrée dans ses profondes contradictions. Alors que certains responsables soutenaient Khalifa Sall dans son Taxawu Ndakaru, (Cheikh Guèye et Ousmane Badiane) une autre frange (Mamadou Ndoye) visiblement mal dans sa peau, lance des pics contre le gouvernement. Quand elle est rappelée à l’ordre, elle rentre dans les rangs. Pendant ce temps, la Ministre Khoudia Mbaye devenue très Macky développe un activisme débordant pour rester dans les bonnes grâces présidentielles. Le choix porté sur elle contre l’ex-Ministre Seydou Sy Sall avait contraint ce dernier à la démission, tout content d’être casé au Projet de Diamniadio, tout comme à l’époque Mbaye Diack avait tourné le dos à ses compagnons de 50 ans pour un fromage auprès de Wade.

Mis en minorité, Mamadou Ndoye démissionne à la veille des élections et apporte son onction aux irrédentistes de Ld Debout. Sans doute victime de sa porosité aux débats démocratiques, contrairement à l’hermétisme bolchévique du Pit, la Ld est réduite à une sorte d’astre éteint qui se décompose irrémédiablement. Elle espérait trouver un dernier souffle dans un pôle de gauche éphémère. Apparemment, la logique de partage a été tronquée contre celle des principes politiques sous-tendus par la communauté de pensée et d’orientation doctrinale (le patio a été préféré au pencoo)

DE L’EQUATION DES FONDS POLITIQUES AU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES ESQUISSES DE SOLUTIONS

MOMAR DIONGUE : «On a énormément de problèmes à régler. La première chose est la gestion des fonds politiques. Il faut qu’on le définisse. Qu’est-ce qu’un fond politique ? Qu’est-ce que le président doit en faire ? Est-ce qu’on ne devrait pas le supprimer ? Deuxièmement, il faut qu’entre acteurs politiques qu’on cesse de faire de la politique un métier de réussite sociale. Troisième chose, il faut clarifier le financement des partis politiques. C’est ce qui nous permettra de faire une rationalisation des partis politiques. La quatrième considération, c’est la fin du cumul entre les fonctions de chef d’Etat et de chef de parti. Parce que, quand on vote des milliards pour un président chef de parti, il peut être amené à l’utiliser à des fins politiques ou politiciennes comme c’est le cas malheureusement».

MOMAR SEYNI NDIAYE : « Cette sortie de Ndoye décrédibilise davantage les hommes politiques. Hélas, cela apparaît comme une gesticulation de plus, fruit d’une crise interne mal contenue au sein d’un parti sans ambition, sans projet et forcément déliquescent. Il reste constant que la Ld s’était engagée dans Benno Bokk Yaakaar à partir d’objectifs de coalition et de gouvernement. Visiblement ses dirigeants ne sont plus sur la même longueur d’ondes, non pas sur leur projet de gouvernement, mais sur leurs intérêts matériels et leur posture d’accumulation de gains. Le financement des partis est une sérieuse réponse à cette dérive qui se sécularise. Mais, il y a plus urgent, c’est comment ancrer l’éthique politique dans nos mœurs démocratiques».

Source: Sud Quotidien

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