Floraison des gargotes ou restau populaires: les femmes bousculent les traditions

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Les gargotes poussent comme des champignons à Dakar. Et ce n’est pas le Sénégalais lambda qui nous contredira. Ce commerce jugé fructueux, par ceux ou celles qui la pratiquent, permet à des milliers de Sénégalais de se nourrir à moindre prix. La plupart des gérantes de gargotes, trouve son compte dans ce métier et arrive à subvenir à leur besoin. Cependant, ils affirment ne pas êtres soutenus par les autorités locales.

Garage de Colobane (un quartier de Dakar), il est 8h 45mn. Le long de la route, plusieurs cars urbains essaient de se frayer un passage pour accéder à l’intérieur du garage. Et c’est dans une anarchie totale que chacun fait de son mieux pour démontrer à l’autre sa pugnacité. Le vrombissement des moteurs couvre le brouhaha de l’ambiance qui règne au sein de ce lieu de rencontre des centaines de Sénégalais. Les passants ne se sentent aucunement dérangés par ce bruit assourdissant. En suivant certains d’entre eux du regard, on constate qu’ils s’engouffrent dans une sorte de buvette faite entièrement de bâches ou de morceaux de tissu enrôlés tout autour d’un pilier en fer. En s’approchant de quelques mètres, on peut sentir une bonne odeur se dégageant des gargotes.

A l’entrée, un morceau de tissu, juste accroché là, fait office de rideau. Un client vient de se restaurer et a l’air pressé. Vêtu d’une combinaison bleue, une torpédo sur la tête, il me lance un sourire béat « Mais venez, il reste encore de la place, vous voulez déjeunez, Nogéye, sert lui le petit déjeuner, c’est moi qui paye », nargue-t-il. Le passage libéré, la gargote se dévoile. Des bols dispersés et entassés sur une table attirent notre attention. Les uns contiennent de la salade, les autres, des œufs déjà cuits, et des frites.

Des espaces de deux mètres carrés

Une odeur de brûlé s’échappe d’un fourneau posé négligemment sur le coin de la table. Des brochettes, faites à base de viande, sont en train d’être cuites. La gargote, un petit espace qui fait peut-être deux mètres carrés. Il faut souvent jouer des coudes pour avoir de la place. Les vendeurs de petit déjeuner squattent le moindre espace, souvent dans des lieux publics. En effet, les gargotes ou « restau populaires » ne sont pas l’apanage des hommes. Les femmes évoluent dans ce secteur informel et elles bousculent les habitudes. Une variété de plats est proposée aux consommateurs qui ont l’embarras de choix entre la cuisine locale et moderne. Nogaye Lam, vendeuse de petit déjeuner, depuis belle lurette, les cheveux bien attachés dans un foulard, est installée dans ce quartier périphérique depuis 2007. Elle déplie minutieusement les papiers contenant les sandwiches déjà préparés et rangés dans un grand bol de couleur grise.

Des plats à la portée de toutes les bourses

Ces plats, prêts à la consommation, sont à la portée de toutes les bourses. Les yeux rougis par la fumée qui s’échappe régulièrement du fourneau, elle se tient debout pour bien nouer son pagne. D’une voix rauque, elle avoue avoir embrassé ce métier après la mort de son mari. « Avec ce que je gagne, je nourris ma famille. J’ai quatre enfants, qui sont tous à l’école, et je paie leurs fournitures scolaires grâce à ce travail », lance-t-elle avec un brin de fierté. Elle ne rate pas une seconde pour bavarder avec ses clients.

Autre lieu, même décor

Cap sur le garage Lat-Dior. Même décor, même ambiance. Ici et là sont dangereusement garés des « cars rapides » et autres bus. Dans ce lieu, jugé trop restreint par certaines gérantes de gargote, l’on constate également une grande affluence. Ndèye Sock, une vendeuse de déjeuner, arborant une ensemble demi-saison de couleur mauve, se pointe sur la porte de sa cantine, pour crier sur une fille qui lave des assiettes. « Fais vite, les clients n’attendent pas, tu es trop lente dans ton travail » vocifère-t-elle. A l’intérieur de la gargote, l’on pouvait à peine échanger des propos tellement que le bruit des cuillères qui grincent sur les assiettes, mêlé au brouhaha, nous empêchent d’écouter ce que dit l’interlocuteur. Ndèye Sock semble imperturbable, elle est habituée à ce scénario « « Cela fait deux ans que je prépare des repas pour les vendre, et j’avoue qu’au début je n’étais pas très motivée, mais maintenant que j’ai compris qu’on peut bien gagner sa vie avec ça, et je m’accroche bien », dit-elle. Dans cet endroit envahi par une chaleur lancinante, les clients semblent bien s’y plairent. C’est le cas d’Abdou Ndao, un commerçant au marché Sandaga de Dakar. « On est à l’aise ici, les plats sont moins chers que dans les fast food, et l’on sert le maximum avec peu d’argent » a-t-il affirmé. Ici les prix varient entre 800 et 1000 Fcfa, au grand bonheur des clients. Dehors une horde de chats attendent patiemment le reste des plats vidés dans les poubelles.

Tentatives d’explication du phénomène

Ce phénomène existe depuis un bon nombre d’année, dans la capitale sénégalaise, comme dans la plupart des grandes villes africaines. Il est marqué par un important dynamisme attribué à la conjugaison de divers facteurs d’ordre géographique. Car la mobilité des populations de la banlieue vers le centre ville est très forte. « Cela s’explique par le fait que les gens de la banlieue quittent à l’aube leur domicile pour partir au travail, et en ce moment ils n’ont pas le temps de prendre le petit déjeuner chez eux », dira Baye Omar Sarr, un mécanicien auto. Ainsi, la fréquentation des gargotes constitue une solution aux problèmes et aux besoins alimentaires des citadins. Ibou Diouf, la quarantaine, bien sapé, confie qu’il n’y pas meilleur que ces endroits.

Le soutien des autorités fait défaut

Malgré son importance dans la vie des populations urbaines, le secteur de la restauration populaire est peu soutenu par les pouvoirs publics. « On paie à chaque fois nos impôts, et taxes, mais on ne sent pas réellement le soutien de la mairie » a déclaré Nogaye Lam. Les conflits avec les autorités locales, liés aux problèmes sanitaires posés par le secteur, sont autant de contraintes auxquelles la majorité des propriétaires de gargotes est confrontée.

ENCADRE

OMAR FAYE, AGENT DE SERVICE D’HYGIENE :

« Ces gargotes n’ont pas le droit d’exister »

Les agents de service d’hygiène déploient des efforts pour contrôler les nombreuses gargotes à Dakar. Ces restaus populaires, pour la plupart, ne respectent presque jamais les normes d’hygiène. Un motif, selon les agents d’hygiène, pour que la justice punisse les contrevenants. Malheureusement, le manque d’effectif des agents de service d’hygiène permet à plusieurs gérants de gargotes d’échapper à ces contrôles sanitaires.

« Ces gargotes n’ont même pas le droit d’exister, à cause de la poussière soulevée par le vent autour de nous » a informé Omar Faye, agent de service d’hygiène à plateau. Rencontré hier, à son lieu de garde, à l’ancienne direction du service d’hygiène au centre ville, il a tenu à préciser que ces services de restauration doivent se dans le respect strict des règles d’hygiène. Car, selon lui, il y’a beaucoup de risque d’intoxication alimentaire. « Les cas d’intoxication alimentaires sont légion au Sénégal à cause de ces aliments vendus souvent sans les normes d’hygiène » a-t-il affirmé. Et d’ajouter « Beaucoup de vendeurs ne prennent pas la peine de se procurer un certificat de manipulation de denrées alimentaires ou un certificat de vente dans un lieu bien salubre ».

Beaucoup de défaillances sur le terrain

Les différents services d’hygiène, éparpillés au niveau de Dakar, sont chargés du contrôle de la salubrité des denrées alimentaires dans ces gargotes. Mais selon, M. Faye, la descente sur le terrain des agents permet de constater plusieurs défaillances. Beaucoup de ces restaus, ne disposent pas de chambre froide. « Des aliments cuits, stockés à côté d’aliments crus ne font pas bon ménage » a-t-il renseigné. Egalement, le manque de matériel réfrigérant approprié est loin d’être la seule raison. « Certains gérants de restaus, peuvent servir aux clients de la nourriture de plusieurs jour » a-t-il affirmé. Et de souligner : « en général, ils touchent directement les aliments déjà cuits ou prêts à être consommés , sans se laver les mains de temps en temps ».

Des consignes non respectées

Ustensiles utilisées après un lavage rapide, aliments rincés à la va-vite. Ce qui favorise la multiplication des germes et bactéries. « Se laver les mains après chaque manipulation, cheveux ramassés, tabliers propres, interdiction de fumer, autant de consignes qui ne sont que très rarement appliquées » a-t-il dit. En plus de cela, les poubelles demeurent une exigence dans ces gargotes, mais on les trouve rarement dans ces endroits.

Des sanctions prévues par la loi

Contre ces infractions aux règles d’hygiène, la loi prévoit des sanctions. Celles-ci portent sur des amendes comprises entre 9. 000 et 18. 000 Francs Cfa. « Le mois dernier, on a interpellé une femme vendeuse de petit déjeuner, et on lui a sommé de payer cette amende, au risque d’être traduite en justice » a souligné M. Faye.

Deux agents pour tout le Plateau

Malgré tous ces efforts consentis par la plupart des agents de service d’hygiène, un problème d’effectif s’impose. « A plateau, il existe que deux agents pour toutes ces gargotes qui pullulent dans le centre ville. De même que dans les autres communes de Dakar », a déclaré M. Faye. Cela permet à beaucoup de propriétaires de restaus populaires d’échapper au contrôle sanitaire, effectué souvent par les agents de service d’hygiène.

sudonline.sn

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