Gaston Mbengue arnaque t-il le fisc?

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De 1960 à nos jours, beaucoup de choses ont changé dans le milieu de la lutte avec frappe. Le vice-président du Comité national de gestion de la lutte avec frappe (Cng) que nous avons rencontré hier dans sa demeure sise à Sacré Cœur III, raconte comment les règlements ont évolué depuis. Cheikh Tidiane Ndiaye est aussi revenu sur l’incursion du fisc dans l’arène, non sans signaler la somme exacte que le promoteur Gaston Mbengue a déclaré, au niveau du Cng, avoir payée à Yékini et à Tyson lors de leur dernier combat.

Wal Fadjri : Le Sénégal a fêté son cinquantenaire le 4 avril dernier. Quel bilan en tirez-vous au niveau du Comité national de gestion (Cng) de la lutte ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : Il faut rappeler que cela a été matérialisé par un grand combat de lutte. Mais au niveau du Cng, cela n’a pas fait l’objet d’une discussion. En fait, la lutte avec frappe n’est pas un sport international, c’est un sport typiquement sénégalais. Quand vous dépassez nos frontières, vous ne verrez jamais de la lutte avec frappe. Même au Sénégal, ce ne sont pas toutes les régions qui sont concernées par ce sport. A part Dakar, Thiès, Kaolack, Saint-Louis, toutes les autres régions ne connaissent pas la lutte avec frappe. Il y a eu donc des évolutions. Et tout est parti d’un constat. Par exemple, il fut des temps où il était impossible de faire lutter des lutteurs avant 19 h 30. Parce que leurs marabouts leur interdisaient de lutter avant le coucher du soleil. Le premier promoteur qui a réussi à faire croiser le fer entre deux lutteurs avant 19 h, avait casqué beaucoup d’argent à l’époque. C’était Ndiambour Sa, dirigé à l’époque par Maguette Diouf (le frère de l’ancien président sénégalais Abdou Diouf, Ndlr). Il avait accepté d’offrir 500 mille de plus sur le cachet à chaque lutteur afin qu’ils démarrent avant le coucher du soleil. C’était entre Moustapha Guèye et Mame Ndieumbane.

J’ai assisté moi-même à un combat de lutte qui a démarré à 21 h. Parce que les lutteurs avaient demandé qu’on leur paye leurs reliquats avant le combat. L’un est allé voir les organisateurs qui se sont arrangés pour le payer. Et après, il est parti dire à son adversaire qu’il a été payé et qu’il n’était plus pressé. Ce qui a poussé son adversaire à mettre la pression sur les organisateurs qui se sont exécutés sur le coup. Et pendant tout ce temps, les amateurs attendaient. Finalement, le combat a eu lieu à 22 h. Tout cela pour vous montrer comment les choses ont évolué depuis.

Wal Fadjri : Comment le règlement a-t-il évolué de 1960 à nos jours ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : Quand nous sommes arrivés, nous avons tout réglementé. Parce qu’une fois, un sponsor avait suggéré que la manifestation soit diffusée en direct à la Rts. Mais quand nous sommes allés voir le directeur général de l’époque (Babacar Diagne, Ndlr), il nous a fait savoir qu’il n’était pas possible de faire un direct avec la lutte d’autant plus que les organisateurs ne respectent pas le timing. C’est ainsi que nous nous sommes réunis et avons décidé de mettre des contrats spécifiques avec des sanctions pour pouvoir les faire respecter. Ainsi, nous avions fixé la convocation à 18 h 30. Et au-delà de cette heure, chaque minute perdue sera sanctionnée. Ainsi, une somme est ponctionnée sur la bourse du lutteur à raison de 1 000 F Cfa la minute. Mais un jour, nous avons organisé un combat avec un champion dont je tairais le nom et qui avait touché presque 5 millions. Alors, quand nous sommes allés le voir à 18 heures 30, pour lui signifier qu’il était l’heure et qu’il risquait de perdre 1 000 F après chaque minute, il nous a répondu que ce n’est pas son problème et qu’on pouvait tirer 2 heures de retard sur son cachet puisque ce n’était rien par rapport à son reliquat. En réunion d’évaluation le lundi, on s’est rendu compte qu’il avait raison. Et depuis lors, on a multiplié la somme par dix. Ce qui fait que chaque minute de retard revient à 10 000 francs Cfa de pénalités au lutteur.

Ensuite, il y a eu les effigies qu’on a interdites. Parce que cela créait beaucoup de tension avec les lutteurs qui venaient au stade avec celles de leurs marabouts. Nous avons aussi interdit les tenues paramilitaires. On a aussi exigé aux jeunes de moins de 15 ans de ne plus accéder dans l’enceinte de l’arène. Parce que l’année dernière, un enfant regardait son père lutter et c’était vraiment triste pour lui.

Wal Fadjri : Quelles sont les grandes innovations apportées depuis lors ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : D’abord le timing. Ensuite la tenue des lutteurs. Comme dans le football, avant d’entrer sur le terrain, l’arbitre vérifie l’habillement des joueurs. Parce qu’il y a des lutteurs qui venaient avec des ‘nguimb’ qui ne sont pas beaux à voir. Nous les avons informés sur le port correct du ‘nguimb’. Il y a aussi la dernière règle que le Cng a arrêtée quelques jours avant le combat Tyson-Yékini. Elle exige aux lutteurs de ne pas dépasser cinq minutes dans l’enceinte pour faire leur bain mystique. Quand cela dépasse les cinq minutes, le lutteur sera obligé de payer 10 000 F par minute. Et Yékini et Tyson ont donné l’exemple à leurs jeunes frères lors de leur dernier combat du 4 avril. Parce qu’avant le coup de sifflet même de l’arbitre, ils avaient fini avec leurs bains et ils n’avaient pas emmené des bouteilles dans l’enceinte.

Wal Fadjri : Le promoteur Gaston Mbengue vous a accusés de ne pas les associer à la prise de ces décisions, en les mettant plutôt devant le fait accompli…

Cheikh Tidiane Ndiaye : On n’a pas à associer les promoteurs pour faire du bien. Seulement, Gaston voulait être dans les bonnes grâces de ses champions. Au contraire, ces derniers ont apprécié, parce qu’ils savent que ce ne sont pas des dizaines de bouteilles qui leur permettent de vaincre leurs adversaires. Un lutteur qui arrive à 16 h 30 au stade, a tout le temps qu’il lui faut pour prendre ses bains. Alors, pourquoi attendre que l’arbitre siffle pour qu’il commence à se laver ? Ce n’est pas bon sur le plan de la santé. C’est, en effet, dangereux de se verser tout ce liquide avant de démarrer un combat de lutte avec frappe.

Maintenant, il faut impérativement des gens qui préparent les lutteurs dans les écuries et les écoles de lutte. A notre niveau, si on l’interdit, les gens vont encore dire qu’on veut briser la carrière des jeunes….

Wal Fadjri : Le problème du fisc a défrayé la chronique ces derniers jours. Qu’en est-il réellement ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : Il faut d’abord préciser que le Cng n’a pas de problème avec le fisc. On part du principe que tout citoyens doit payer les impôts. Comme la lutte est une profession libérale, à la fin de l’année, le lutteur doit faire une déclaration au niveau des Impôts. On dit que nul n’est censé ignorer la loi, mais eux, ils sont censés ignorer la loi. C’est pourquoi les lutteurs qui ont payé les impôts ses derniers jours ont eu des redressements fiscaux. Normalement, ils (les lutteurs) devraient se constituer pour aller voir le ministre des Finances ou le directeur des Impôts pour plaider leurs cas. Parce que, même au niveau du Cng, on ne savait pas que le lutteur qui gagnait de l’argent, devrait faire une déclaration au niveau des impôts. La lutte avec frappe n’est pas encore un sport universel. C’est un sport de chez nous. Et le lutteur qui paye 5 millions à son marabout ne peut pas le notifier aux impôts….

Wal Fadjri : Qu’est-ce que compte faire le Cng pour protéger les lutteurs contre les redressements fiscaux ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : Le Cng est un démembrement de l’Etat. S’il (l’Etat) nous demande de prélever systématiquement un pourcentage sur le cachet des lutteurs, on le fera. Parce que nous sommes en train de le faire pour les assurances. Chaque fois qu’il y a un combat de lutte, il y a un sur prime de 1 % que nous retirons et que nous versons à l’assureur. Si le service des impôts nous avait envoyé une lettre par le biais de notre ministère pour nous demander de prélever un pourcentage à reverser sous forme d’impôt, on aurait averti les lutteurs et fait le nécessaire.

Wal Fadjri : Vendredi dernier, lors du face-à-face Yékini-Tyson sur le plateau de la Rts1, vous avez soutenu que Gaston Mbengue n’a jamais déclaré avoir payé 100 millions de nos francs à chacun des deux lutteurs, au niveau du Cng…

Cheikh Tidiane Ndiaye : C’est trop ! Le Cng n’a jamais enregistré un contrat de 50 millions. Au Cng, Gaston Mbengue a déclaré avoir payé 30 millions à chaque lutteur. On retient donc que le cachet de Yékini et Tyson s’élève à 60 millions de nos francs. Ainsi, il a donné une avance de 15 millions à chacun d’eux et c’est ce que nous avons enregistré dans nos fichiers. Les 70 autres millions, cela ne nous regarde pas. C’est un problème entre le sponsor, le lutteur et lui-même. C’est pourquoi nous ne courons aucun risque si toutefois le promoteur n’arrive pas à respecter ses engagements vis-à-vis des lutteurs sur la somme restante.

Wal Fadjri : Mais où vont les retenues sur les cachets des lutteurs sanctionnés lors d’un combat ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : Nous sommes un démembrement de l’Etat. Chaque année, nous dressons un bilan de nos activités que nous soumettons à la tutelle. Si nous étions une fédération, le trésorier allait faire un rapport financier devant le Comité directeur qui appréciera. Mais nous, nous n’avons pas à le faire parce que nous sommes trop sollicités. Dans nos réunions hebdomadaires, on reçoit beaucoup de demandes sociales. Il faut que les gens sachent qu’au Cng ; c’est du bénévolat pur et dur. A par les arbitres et les médecins qui reçoivent 10 000 F chaque journée, il n’y a aucun membre du Cng qui touche un franc. Si vous allez dans les autres fédérations, après chaque réunion, les membres reçoivent des perdiems. Alors qu’au Cng, les gens prennent leurs propres moyens pour venir aux réunions.

On paye chaque année près d’un million à la fédération internationale de lutte. A chaque fois que l’équipe nationale se déplace, si l’Etat donne 5 000 mille francs par lutteur, on y ajoute 10 000 F. Il nous arrive de faire, avant des tournois comme celui de la Cedeao, des vendredi, samedi, dimanche (Vsd) pour regrouper les lutteurs. Et durant tout ce temps, c’est le Cng qui les prend en charge.

Wal Fadjri : Peut-on s’attendre à ce que le Cng devienne une fédération…

Cheikh Tidiane Ndiaye : Cela dépend de la tutelle. Si le ministre nous demande d’aller vers une fédération, on va le faire.

Wal Fadjri : Le Cng sanctionne-t-il aussi l’arbitre qui passe à côté de son sujet ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : Bien sûr ! Il vous arrive de ne pas voir un arbitre pendant six mois. On sanctionne les arbitres qui commettent des erreurs flagrantes. Seulement, on ne le dit pas.

Wal Fadjri : Mais pourquoi ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : Parce que ce n’est pas important.

Wal Fadjri : Et quand vous sanctionnez un lutteur, vous le dites…

Cheikh Tidiane Ndiaye : On ne le dit pas, ce sont les lutteurs qui crient à tue-tête. Mais les arbitres, quand on les sanctionne, ils ne disent rien.

Wal Fadjri : L’année dernière, le titre de roi des arènes avait l’objet d’une discussion. Alors, qui est le roi des arènes ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : Nous n’avons pas les moyens pour organiser un tournoi pour introniser un roi. Actuellement, si nous devrions tabler sur dix lutteurs pour chercher le roi, on allait débourser deux milliards. Parce que chaque lutteur demandera au moins 50 millions. Et c’est une manne financière que le Cng n’a pas. Mais le meilleur lutteur actuel, c’est Yékini. Si notre tutelle, à savoir le ministère des Sports, nous demandait de lui donner le nom du meilleur lutteur avec frappe, le Cng lui donnerait le nom de Yakhya Diop Yékini.

Wal Fadjri : Et qui est le lutteur du cinquantenaire ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : C’est Yakhya Diop Yékini. C’est le meilleur des meilleurs ! Certes, il n’est pas né avant l’indépendance, mais il est le meilleur lutteur du Sénégal indépendant.

Wal Fadjri : Quels sont les travaux que vous menez pour assurer aux lutteurs un lendemain meilleur ?

Cheikh Tidiane Ndiaye : On travaille actuellement sur la prise en charge médicale et la reconversion des lutteurs. On va leur apprendre à lire un contrat pour comprendre les avantages et les inconvénients avant de le signer. Nous sommes en train de travailler là-dessus, c’est pourquoi je ne peux pas en dire plus…

Propos recueillis par Papa Bakary KAMARA

walf.sn

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