Gbagbo et l’armée : l’armée de Côte d’Ivoire est-elle “Bétéisée?” : Les révélations troublantes de Christophe Boisbouvier, RFI

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Dysfonctionnements dans la chaîne de commandement, multiplication des centres de décision et des structures parallèles, luttes intestines, purges et promotions politiques… La grande muette vit un véritable malaise. Et la main du pouvoir n’y est pas étrangère. Voyage au coeur des casernes où la crise fait autant de dégâts que dans le reste du pays.
Depuis 1999, c’est l’une des armées les plus putschistes d’Afrique. Quatre complots avérés, à commencer par « le putsch de Noël » qui a fait tomber Henri Konan Bédié. Sans compter les multiples mutineries et actes d’indiscipline. C’est aussi l’une des plus brutales. Derrière les coups de force aux noms fleuris – celui du « Cheval blanc » en septembre 2000, de « la Mercedes noire » en janvier 2001 – se cachent de sanglants règlements de comptes.
Le 26 octobre 2000, jour de l’investiture du président Gbagbo, des gendarmes d’Abidjan massacrent 57 civils suspectés de sympathie pour l’opposant Alassane Ouattara. Leurs corps sont retrouvés le lendemain sur un terrain vague de Yopougon, dans
la banlieue d’Abidjan. Le 6 octobre 2002, les militaires rebelles des Forces nouvelles abattent de sang-froid à leur tour une soixantaine de gendarmes – source Amnesty International – dans une prison militaire de Bouaké. Et le 25 mars 2004, les Forces de défense et de sécurité (FDS) – qui regroupent les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), la gendarmerie et la police – répriment dans le sang une marche de l’opposition à Abidjan.
Au moins 120 morts selon l’ONU. Pour les hommes politiques ivoiriens, l’armée est donc à double tranchant. Qui veut garder le pouvoir doit la contrôler à tout prix. Plus que tout autre, Laurent Gbagbo l’a compris. Il ne veut plus revivre le coup d’État manqué du 19 septembre 2002. Alors il applique une méthode radicale : la « bétéisation ». La promotion de membres de son ethnie, les Bétés, dans les Fanci, la gendarmerie et la police. Ces trois corps réunis comptent environ vingt-huit mille hommes. Le chef de l’État ne peut pas mettre des Bétés partout. Mais il les place aux postes clés. Dans la hiérarchie. Dans cette entreprise, le président ivoirien s’appuie sur un homme en qui il a totalement confiance, son neveu Bertin Kadet, originaire du même village que lui, Mama, dans l’Ouest. Officiellement conseiller au palais pour les questions de sécurité, Bertin Kadet est le vrai patron des Forces de défense et de sécurité. Il s’en cache à peine. Au lendemain de l’insurrection de septembre 2002, Laurent Gbagbo le nomme au ministère de la Défense. Puis, sous la contrainte des accords de Marcoussis, il doit s’en séparer en mars 2003. Aujourd’hui, le consensuel René Amani occupe le fauteuil de ministre de la Défense, mais Bertin Kadet commande le cabinet de l’ombre. Pour bétéiser, il faut d’abord purger. Première victime : le chef d’état-major des Fanci, le général Mathias Doué. Ce Guéré de l’Ouest est pourtant un soutien de la première heure. Le 25 octobre 2000, jour de la prise du pouvoir, il laisse ses troupes pactiser avec les manifestants pro-Gbagbo. « Doué, c’est un chat. Il retombe toujours sur ses pattes », dit l’un de ses anciens compagnons d’armes. Autre atout, il est lisse.
Le 2 décembre 2003, quelques jours après l’irruption à la télévision de sous-officiers demandant son limogeage, il se rend au palais : « Monsieur le Président, si vous ne sanctionnez pas ces individus, je me verrai dans l’obligation de démissionner. » Laurent Gbagbo ne fait rien et, pourtant, le général ne s’en va pas. Bref, Mathias Doué présente toutes les qualités d’une pâte à modeler, mais il a un défaut majeur : il n’est pas du clan.
Premier accroc, le jour où le chef des « Jeunes patriotes » Charles Blé Goudé réclame une garde rapprochée constituée de militaires, Doué refuse. En bon officier formé dans les meilleures écoles de guerre de France et d’Allemagne (Saint-Cyr, Saumur, Hambourg), le général n’aime pas les milices.
Deuxième accroc, le 25 mars 2004, jour de la grande manifestation de l’opposition, le chef d’étatmajor répugne à prendre le commandement opérationnel de la répression. Début novembre 2004,
coup fatal, Mathias Doué confie qu’il ne croit pas au succès de l’opération « Dignité » – la reconquête du
Nord. Il a militairement raison, mais politiquement tort. Le 13 novembre, il est limogé. Ironie du sort, son successeur, le colonel Philippe Mangou, vient justement de commander le théâtre des opérations. Drôle d’armée où le premier responsable de
l’échec militaire est promu chef d’état-major. Sans doute est-ce le signe que – comme son nom l’indique – l’opération « Dignité » était moins destinée à vaincre qu’à rassembler les Ivoiriens derrière leur chef de l’État. De ce point de vue, le bombardement de la
base militaire française de Bouaké le 6 novembre a été un succès. « En changeant d’ennemi, en provoquant un affrontement avec l’ancienne puissance coloniale, Laurent Gbagbo a transformé une défaite militaire en victoire politique »,
reconnaît un officier français.
À la différence de Doué, Mangou est donc un « politique ». Peut-être pas un brillant officier sur le champ
de bataille, mais un communicateur hors pair. Cet ancien porte-parole des Fanci porte beau – grand,
mince, lunettes noires et treillis retaillé – et sait parler à la troupe. Surtout, il doit tout au régime. Sorti
d’écoles militaires moins prestigieuses (Bouaké, Compiègne), promu colonel puis général de brigade
en un temps record, il ne peut rien refuser au chef de l’État.
La preuve, dès son arrivée à la tête de l’état-major, il autorise le détachement de quelques soldats
auprès de Charles Blé Goudé.
D’origine ébrié, donc de la région d’Abidjan, Philippe Mangou est flanqué d’un chef de cabinet bété, le
commandant Nadjé Zadi. C’est sur le bureau de ce commandant qu’atterrissent toutes les demandes
des chefs d’unité pour une dotation en matériel ou la promotion d’un officier méritant. Le commandant
Zadi est un homme pivot. Il est de toutes les rencontres avec les Forces nouvelles (ex-rébellion).
Le 24 juillet dernier, c’est lui qui annonce à la télévision nationale la reprise de la ville d’Agboville
après l’attaque de la localité par des éléments alors non identifiés. « C’est un bon officier d’état-major
et, à la différence du général Mangou, il n’a pas été parachuté », dit un membre de l’Onuci, l’Opération
des Nations unies en Côte d’Ivoire.
Mais la purge ne s’arrête pas au chef d’état-major. En juin dernier, le porte-parole des Fanci est
limogé à son tour. Le lieutenant-colonel Jules Yao Yao est trop indépendant d’esprit. Contrairement au
discours officiel, il a reconnu que le massacre d’une centaine de civils dans la région de Duékoué,
dans l’Ouest, début juin, n’était pas de la responsabilité des Forces nouvelles. « Il s’agit essentiellement
d’un conflit foncier », lâche-t-il. Le 23 juin, la sanction tombe. Yao Yao est remplacé par un « dur », le
lieutenant-colonel Hilaire Babri Gohourou.
Cinq jours plus tard, le 28 juin, Yao Yao est arrêté par la garde présidentielle en compagnie du
colonel-major Ali Désiré Bakassa Traoré, commandant l’Office national de protection civile, et du
général à la retraite, Laurent M’Bahia. Les trois hommes sortent d’un dîner à la résidence de
l’ambassade de France à Abidjan. Ce sont donc des « traîtres » en puissance. L’interrogatoire, qui
épargne l’officier supérieur général à la retraite, tourne au passage à tabac. Les coups pleuvent. Puis
les deux hommes sont relâchés.
Yao Yao s’en sort avec une quinzaine de points de suture. Mais Ali Désiré Bakassa Traoré, 54 ans,
décède le 3 juillet dans une clinique d’Abidjan. Et Yao Yao, qui venait d’être écarté de ses fonctions de
porte-parole des Fanci, se cache non sans avoir invité ses frères d’armes à « ne pas obéir aux ordres
injustes ».
À première vue, cette affaire n’est pas bonne pour Laurent Gbagbo. Elle montre la brutalité des
méthodes de son régime. Elle lui donne mauvaise presse. Mais en réalité le supplice du colonel-major
Bakassa Traoré peut être bénéfique pour le pouvoir. Il installe un climat d’inquiétude, voire de terreur,
dans les rangs des officiers ivoiriens. Si l’on est suspect pour avoir dîné chez l’ambassadeur de
France, il vaut mieux ne plus parler à personne.
Autre mode d’intimidation, les « révélations » de prétendus complots publiées par la presse proche du
pouvoir. Le 8 juin dernier, Le Courrier d’Abidjan annonce que « certains militaires des Fanci ont rallié la
cause des putschistes ». Parmi eux, « six membres de la garde rapprochée du chef de l’État et deux
agents de l’escorte moto ». « La cheville ouvrière de ce vaste complot est un officier supérieur des
Fanci », ajoute le journal. Après un tel article, tout le monde se sent suspect et se tient à carreau…
Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un officier soit convoqué dans le bureau du général Mangou et soit
soumis à un interrogatoire politique. Exemple : « Dis-moi, il y a des rumeurs qui courent sur ton
compte. On me dit que, parce que tu es baoulé, tu es favorable au G7 [NDLR : la coalition de
l’opposition]. Mais je ne veux pas le croire… »
Bref, il ne fait plus bon être baoulé comme Henri Konan Bédié, et a fortiori dioula comme Alassane
Ouattara. Tous les officiers « suspects » sont mutés à des commandements non opérationnels comme
l’Inspection générale. Ou tout simplement renvoyés au village.
Il faut dire que, depuis le coup d’État manqué du 19 septembre 2002, le régime vit dans la paranoïa
du complot et a considérablement renforcé sa sécurité. Finie, l’époque où le ministre de l’intérieur,
Émile Boga Doudou – mort dès les premiers coups de feu du 19 septembre 2002 – et celui de la
Défense, Moïse Lida Kouassi, étaient tellement occupés à se quereller qu’ils ne voyaient pas venir un
putsch. Aujourd’hui, le renseignement est confié à des professionnels.
Et la protection rapprochée du président, à deux hommes sans état d’âme, un militaire, le lieutenantcolonel
Dogbo Blé Bruno, et un civil, Patrice Bahi (voir encadrés). Mieux, pour ne plus être surpris au
milieu de la nuit par des putschistes, Laurent Gbagbo vient de mettre en place un nouveau dispositif
de quadrillage de l’agglomération d’Abidjan. En juin dernier, il a créé le Cecos, le Centre de
commandement des opérations de sécurité.
Officiellement, sa mission est de lutter contre la grande criminalité qui, c’est vrai, empoisonne la vie
des Abidjanais. Mais sa vraie mission est tout autre.
Les états de service de son commandant parlent d’eux-mêmes. Le colonel de gendarmerie Georges
Guiai Bi Poin est l’homme qui a commandé la répression de la manifestation du 25 mars 2004. Ce
jour-là et les deux nuits suivantes, les « corps habillés » – soldats, gendarmes et policiers confondus –
n’ont pas hésité à aller chercher les partisans de l’opposition dans leurs maisons, dit un rapport de
l’ONU.
Le colonel Guiai Bi Poin est aussi l’officier qui a côtoyé les soldats français à l’hôtel Ivoire, le 9
novembre 2004, puis les a accusés d’avoir tiré sur la foule. Politiquement, le coup a été payant.
En se faisant détester des Français, Bi Poin a gagné la confiance du chef de l’État. En moins de deux
ans, cet officier de gendarmerie est devenu l’un des hommes forts du régime. Aujourd’hui, pour
quadriller Abidjan, le général Mangou et le commandant Zadi mettent à sa disposition de vrais moyens
opérationnels : 1 700 hommes triés sur le volet parmi les Fanci, la gendarmerie et la police, des fusils
d’assaut, des véhicules 4×4.
Le colonel Bi Poin a déjà présenté la facture : 2 milliards de F CFA (plus de 3 millions d’euros). Si
l’opposition veut redescendre dans la rue, le régime saura se faire respecter…
Bien entendu, Laurent Gbagbo et Bertin Kadet ne négligent pas non plus le contrôle des unités de
combat. Ils savent qu’un bon putsch passe par l’enrôlement de quelques bataillons clés. Le 24
novembre 2004, quelques jours après le limogeage de Mathias Doué, ils ont placé quatre hommes
sûrs à la tête du 1er bataillon d’infanterie, du 1er bataillon blindé, du bataillon d’artillerie sol-air et du
bataillon de commandement et de soutien, tous basés à Abidjan.
La présidence surveille aussi de très près la poudrière d’Akouédo, au nord d’Abidjan. Dans cette
armurerie sont stockés obus, roquettes, missiles et jusqu’aux bombes que ne peuvent plus transporter
les avions Sukhoï que l’armée française a détruits le 6 novembre 2004. À Abidjan, on a coutume de
dire : « Qui tient la poudrière d’Akouédo tient la ville. »
À l’extérieur d’Abidjan, le régime verrouille encore deux secteurs clés. Au centre du pays, face aux
Forces nouvelles, le commandement du théâtre des opérations – le « com-théâtre » – a été confié fin
2004 à un jeune et brillant officier, le lieutenant-colonel André Gouri. Comme Mathias Doué, il a été
formé à Saint-Cyr en France, mais il est jugé politiquement sûr.
Dans l’Ouest, après les massacres de début juin dans lesquels seraient impliqués des supplétifs
libériens en mal de primes, toute l’administration civile a été suspendue. Aujourd’hui, préfets et souspréfets
sont remplacés par dix-neuf officiers des Fanci, de la gendarmerie et de la police sous
l’autorité d’un « gouverneur militaire » de l’Ouest, le colonel Guié Globo. Au nom de la lutte contre
l’insécurité, l’Ouest est soumis à un état d’exception.
Dans cette vaste entreprise de refonte de l’armée ivoirienne, la troupe n’est pas oubliée. Dès 2001, le
ministre de l’Intérieur de l’époque, Émile Boga Doudou, recrute plusieurs centaines de nouveaux
policiers parmi les Bété et les Dida de l’Ouest. Le 21 octobre 2003, c’est l’un d’entre eux, le sergent
Théodore Séry Dago, qui tue Jean Hélène, le correspondant de RFI à Abidjan. Après l’éclatement de
l’insurrection armée en septembre 2002, le régime lance une vaste campagne de recrutement,
officiellement sur tout le territoire sous contrôle gouvernemental, en réalité surtout en pays bété.
Sur les quelque quatre mille recrues dont les noms sont publiés dans la presse, on ne compte qu’une
centaine de Baoulé. À la manoeuvre, Bertin Kadet, décidément un personnage central. À l’époque, il
est ministre de la Défense, et aujourd’hui il continue d’assumer : « Pour renforcer les capacités de
l’armée en hommes, j’ai été autorisé par le gouvernement à recruter des soldats.
Il y a donc eu quatre mille jeunes recrues qui sont maintenant dans les différentes unités de l’armée.
Leur liste existe au ministère de la Défense. Je réponds de ceux-là » (Fraternité matin, 18 février 2005).
En vertu des accords de Marcoussis et de Pretoria, toutes les recrues d’après le 19 septembre 2002
doivent être démobilisées. Dans les prochaines semaines, ces « soldats de l’an II » devraient donc
revenir à la vie civile.
La CNDDR (Commission nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion) que dirige Alain
Donwahi promet à chacun d’entre eux le versement de 500 000 F CFA en trois tranches pour
accompagner leur réinsertion sociale. Mais ils se méfient. En juin, ils ont exigé d’être payés en une
fois. Sinon, ils ne déposeront pas leurs armes. Évidemment, tout cet appareil sécuritaire coûte cher.
Le régime doit payer non seulement les soldes, mais les primes. Six mille F CFA par jour (presque 10
euros) pour les hommes au front. Trois mille pour ceux de l’arrière. Quand il était porte-parole des
Fanci, le lieutenant-colonel Yao Yao concluait tous ses discours à la télévision par un « Haut les
coeurs, on y va ». Maintenant, tous les « corps habillés » appellent leur prime un « Haut les coeurs »… À
leurs yeux, elle est pérenne, et tout le monde y a droit. Mais le régime a de plus en plus de mal à
décaisser 3,8 milliards de F CFA (5,7 millions d’euros) tous les mois pour financer ces primes.
Le 22 mars dernier, devant des journalistes, Bertin Kadet a envisagé de réduire la prime de moitié
pour les soldats, gendarmes et policiers de l’arrière. Une semaine plus tard, le 29 mars, plus de mille
policiers stagiaires sont descendus dans les rues du Plateau, à Abidjan, et ont paralysé tout le quartier
avec des barricades. Au bout de quelques heures, ils ont touché leur prime.
Autre charge pour l’État : le renouvellement des stocks d’armes et de munitions. Une charge d’autant
plus lourde que, comme les Forces nouvelles, le régime de Laurent Gbagbo doit contourner l’embargo
sur les armes voté par le Conseil de sécurité de l’ONU le 15 novembre 2004, et donc négocier avec
des trafiquants qui monnayent leurs services au prix fort.
À la présidence, l’un des principaux courtiers est une vieille connaissance, Moïse Lida Kouassi,
conseiller spécial à la Défense. Après l’insurrection nordiste de 2002, il est tombé en disgrâce. Mais
sa fidélité à toute épreuve et son réseau d’amitiés en Afrique et en Europe lui ont permis de revenir en
cour.
Dans la nuit du 22 au 23 juin dernier, une patrouille de Casques bleus de l’Onuci tombe sur des
éléments des Fanci qui déchargent d’un cargo une vingtaine de Jeep militaires et des caisses au quai
fruitier du Port autonome d’Abidjan. Pour l’instant, ces caisses n’ont pas été ouvertes, mais
apparemment il ne s’agit pas de cageots de bananes ou d’ananas…
D’où viennent ces matériels de guerre ? Parmi les pays fournisseurs, International Crisis Group pointe
la Guinée-Conakry. Selon l’ONG,  » des hélicoptères d’attaque d’origine ukrainienne qui ont été livrés à
Conakry en mars 2005 étaient, selon de nombreuses sources, simplement en transit en Guinée avant
de rejoindre la Côte d’Ivoire, supposée être leur propriétaire réel « .
Il est vrai que les Fanci manquent d’équipements lourds. L’armée de terre dispose encore de blindés à
chenille BRDM équipés de canons de 30 ou de 75 mm et de blindés à roue de type Sagaie équipés
de canons de 90 mm. Elle conserve aussi un stock de mortiers de 120 mm et de lance-roquettes
multiples de type BM 21.
En revanche, l’aviation est par terre. Depuis les représailles françaises du 6 novembre, un seul
hélicoptère de combat MI-24 a été réparé. Après deux essais en vol stationnaire à dix mètres du sol, il
a été sagement rangé dans un hangar de l’aéroport d’Abidjan. Les autres MI-24 et les chasseurs
bombardiers Sukhoï détruits ou neutralisés en novembre restent sous bâche dans l’attente d’une
hypothétique réparation.
Quelques mercenaires ukrainiens et biélorusses sont encore là pour entretenir le matériel de
fabrication soviétique qui a échappé au feu des Français. Quelques Sud-Africains veillent aussi sur le
MI-24 miraculé. Mais la Côte d’Ivoire n’est plus, comme l’an dernier, l’eldorado des chiens de guerre.
De fait, avec quelque 3 000 euros par mois, ces mercenaires au rabais ne risquent pas de faire
fortune.
Depuis trois ans, Laurent Gbagbo et les siens déploient donc une énergie formidable pour réformer
l’armée. Comme s’ils voulaient se maintenir au pouvoir coûte que coûte. « Avec quatre hommes forts,
Kadet Bertin à la présidence, Nadjé Zadi à l’état-major des Fanci, Guiai Bi Poin à la gendarmerie et
Dogbo Blé Bruno à la garde présidentielle, il verrouille tout », confie un militaire ivoirien qui connaît le
système de l’intérieur.
De plus en plus de postes clés sont tenus par de jeunes officiers qui doivent leur promotion éclair au
régime. Leur fidélité est assurée. Et, aujourd’hui, la grande muette se tient coite, ou presque. Pas de
nouvelle tentative de putsch. Le syndrome de « l’ennemi intérieur » semble s’éloigner.
Le revers de la médaille, c’est que cette armée est bétéisée et transformée peu ou prou en force de
répression.
Gare aux frustrations des officiers non bété. Ils n’apprécient guère d’être doublés par plus jeunes
qu’eux au tableau d’avancement. Ils n’aiment pas non plus être passés à tabac par de simples
soldats, gendarmes ou policiers qui appartiennent à la bonne ethnie. Par ailleurs, certains, comme
Mathias Doué, répugnent à être les chiens de garde du régime.
En 1995, le chef d’état-major Robert Gueï avait déjà refusé de servir de bouclier au président de
l’époque, Henri Konan Bédié, contre son opposition. Limogé, il avait pris sa revanche quatre ans plus
tard, le jour où les « putschistes de Noël » étaient venus le chercher pour qu’il prenne le pouvoir.  » En
Côte d’Ivoire, les militaires désobéissent depuis des années, dit un cadre de l’Onuci, et tant qu’il n’y
aura pas de réforme en profondeur, tout peut arriver. »
CHRISTOPHE BOISBOUVIER, RFI

Ce texte a été publié dans rfi.fr le lundi 29 août 2005

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