Gestion de l’aide à la presse de 2008 à 2010 : La Cour des comptes dévoile une suite d’irrégularités

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En cherchant dans les méandres de la gestion de l’aide à la presse pour les années 2008 à 2010, la Cour des comptes a mis à jour une suite d’irrégularités et de violations des règles en vigueur. Le rapport des auditeurs pointe les manquements des ministres qui se sont succédé à la tête de ce département et qui ont usé de la subvention comme Bouky, l’hyène le fit dans le conte.

Une suite d’irrégularités et de violations des règles : C‘est à cela que se résument trois années de gestion de l’aide à la presse. La manne financière qui échoie chaque année aux organes de presse du pays a finalement fait l’objet d’un audit de la part de la Cour des comptes. Les résultats de cet audit, confinés dans un rapport que Le Quotidien a pu consulter, sont tout simplement renversants.

Sur les trois années ciblées par les auditeurs, 2008, 2009 et 2010, il s’avère qu’aucune règle n’a été respectée dans l’attribution de l’aide à la presse, qui a atteint un montant cumulé de 1,5 milliard de francs Cfa. «Le contrôle de la gestion de la subvention de l’Etat à la presse a révélé beaucoup de dysfonctionnements et d’irrégularités présentées dans ce rapport. Dans une large mesure, cette gestion s’effectue en dehors de toute base légale. La Cour retient surtout l’absence d’encadrement de l’utilisation de la subvention», indique la Cour des comptes dans sa conclusion. Il faut dire que les enquêteurs ont relevé de graves dysfonctionnements dans l’utilisation qui a été faite de cette subvention.
D‘ailleurs, la Cour note même l’absence de dispositions légales expresses précisant la destination de la subvention. Dès lors, les organes n’ont eu que l’embarras du choix pour consommer les sommes qui leur ont été attribuées. «Selon (des) responsables rencontrés, l’aide n’est pas versée dans les comptes de l’entreprise, mais souvent dans des comptes privés où elle peut faire l’objet d’utilisations difficilement contrôlables.» Pour le Groupe futurs médias (Gfm), ce sont des largesses aux employés.
«Le Groupe futurs médias, qui considère les montants qui lui sont alloués comme insignifiants par rapport au montant de son budget, distribue sa part de l’aide comme gratifications au profit du personnel de soutien et aux stagiaires», constate le rapport. Pour le Groupe avenir communication (Gac), éditeur du journal Le Quotidien et de Weekend Magazine, l’aide «a été utilisée soit pour des investissements soit pour son fonctionnement », indique le rapport. Tous ces manquements, alors même que les services du ministère de la Communication ont l’obligation de définir de manière précise la destination de l’aide et d’en contrôler l’effectivité, renforcent la chaîne des manquements. Aussi, la Cour recommande-t-elle de faire prendre les actes nécessaires pour fixer la destination de la subvention, exiger la production du compte d’emploi de l’utilisation de l’aide et en faire une condition pour l’obtention d’une nouvelle aide.

Le partage des ministre Sow et Guirassy
Malgré l’existence de critères d’éligibilité très clairement définis dans les dispositions de la loi n° 96-04, en son article 59, il ressort du rap port de la Cour des comptes que ce sont les ministres de la Communication Abdou Aziz Sow et Moustapha Guirassy qui étaient aux commandes durant ces trois années qui ont procédé à la distribution des subventions «suivant des critères autres que ceux prévus par la loi». Ainsi, la Cour indique que «la plupart des responsables des organes de presse n’ont pas déposé de dossier tendant à démontrer qu’ils remplissaient les critères édictés». Interrogé par les enquêteurs, le ministre de la Communication Abdou Aziz Sow se défausse sur le comité consultatif qui lui aurait «donné mandat de faire une proposition de répartition de la subvention». Mais il demeure que «les critères d’éligibilité n’ont pas été respectés».
Des critères très élastiques De même, les critères de modulation ont été allégrement foulés au pied par les autorités dans la répartition.
Si dans les textes, le montant de la subvention doit être modulée en fonction de la régularité du titre, du nombre de professionnels qui y travaillent, du tirage, de la diffusion et des charges sociales, la Cour des comptes marque sa surprise en constant que pour 2008, le Groupe Sud communication, qui dispose d’une station de radio avec au moins 5 stations régionales et un quotidien, ait reçu le même montant de 18 millions que le journal Le Témoin qui ne gère qu’un hebdomadaire.

De même en 2010, la Cour note que «des groupes de communication disposant de plusieurs journaux à l’image du Groupe Avenir communication ont reçu chacun 10 millions de francs Cfa, montant inférieur à celui du journal Le Messager bénéficiaire de 11 millions».
En plus de ces manquements, le rapport relève également que les décisions d’octroi prises par les ministres concernés ne mentionnent pas les noms des directeurs de publication et la composition des équipes rédactionnelles. Tout comme ces ministres n’ont pas respecté la réglementation en ne diffusant pas les actes de gestion en temps voulu. Aussi, la Cour recommande d’intégrer dans les décisions d’octroi les noms des directeurs des organes bénéficiaires ainsi que l’équipe rédactionnelle, de faire procéder à la publication
complète des décisions d’octroi.
Dans la foulée, la Cour des comptes adresse une volée au comité consultatif. «Selon les responsables des organes de presse rencontrés, les réunions du comité ne se tiennent pas régulièrement et ses propositions et suggestions, quand elles sont faites, ne sont pas prises en compte.» Il en est de même des travaux de préparation technique du secrétariat exécutif faits en amont de la répartition.
Les critères d’éligibilité pour l’accès à l’aide à la presse sont pourtant précis. Pour la presse écrite, il faut, pour y prétendre avoir un tirage d’au moins 2 000 exemplaires, employer un minimum de 5 professionnels de la communication sociale à plein temps, consacrer au moins 75% de la surface à l’information politique, économique, sociale, culturelle et sportive, mais aussi tirer au moins un tiers de ses ressources de la vente de ses publications, abonnements et souscriptions.
Pour les organes audiovisuels, il faut être diffusé au moins sur l’étendue d’une région administrative, employer 5 professionnels et respecter le cahier de charges.

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