Haby Diagne, comedienne du troupe Soleil Levant: «A la nuit tombée, j’ai eu envie de me soulager, je frappais à la porte et c’est à cet instant que je me suis vraiment rendue compte que j’étais en détention»

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Jugée et condamnée à deux ans, dont un mois de prison ferme, pour vol avec effraction et injures publiques, Haby Diagne, élargie depuis le 02 juin dernier, respire depuis trois jours l’air de la liberté. Elle raconte ici à L’Observateur, acte par acte, l’épisode mouvementée de sa vie carcérale. Interview, vérité…

Haby Diagne, vous êtes libre depuis 3 jours après un séjour carcéral d’un mois, dans le cadre d’une affaire de vol avec effraction et injures publiques, qui a nourri beaucoup de passions. Peut-on connaître votre version des faits ?
Pour le moment, je ne peux pas me prononcer sur les faits. J’ai été condamnée à une peine assortie du sursis. Mais, peut-être qu’avec le temps et du recul, je pourrais y revenir. Vous aurez, en temps voulu, ma version des faits. Car, ne rien dire serait trop facile. Se lever un beau jour, accuser une personne avec qui vous n’avez aucun antécédent, c’est trop facile aussi (elle se répète). Je ne ferais à aucune femme une promotion. Je suis certes une femme connue, mais je ne suis pas prête à rendre célèbre qui que ce soit. La vérité finira par triompher tôt ou tard.

D’après la version de la partie civile, vous êtes entrée par effraction dans son appartement, l’avez vandalisé et puis vous avez volé le million de FCfa qu’elle avait gardé à l’intérieur. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ?
C’est loin de la réalité. Si j’étais dans un besoin urgent, j’aurais eu beaucoup d’autres portes sur lesquelles toquer pour m’en sortir. Cette femme-là, nous ne boxons pas dans la même catégorie. Je ne suis pas dans un tel besoin qui me ferait me rabaisser à voler mon semblable. J’ai été éduquée dans une famille modeste et très pieuse. Mon père est un éducateur reconnu de tous, il m’a toujours appris à vivre avec le peu que j’ai. On peut vivre avec peu et être heureuse. Tous ceux qui me connaissent savent que je suis modeste et je me contente de vivre à la sueur de mon front. Je n’ai jamais rechigné à courber l’échine pour travailler. J’ai même enfilé des ceintures de perles, pour les revendre ensuite. Je ne fréquente pas les boîtes de nuit ou les gens de mœurs légères. Tout cela, pour vous dire que je fais tout pour éviter de me retrouver en mauvaise posture, pour éviter la polémique autour de moi. Et ce n’est pas demain, la veille, que je vais me retrouver mêler à des affaires douteuses. Je suis connue, mais je ne vis pas à fond ma célébrité, je préfère rester en retrait. Le Bon Dieu a mis sur mon chemin des gens biens qui n’hésiteraient pas à régler mes moindres soucis. Ils n’auraient jamais cautionné que je rentre dans certaines combines pour me faire de l’argent. Parmi ceux-là, je peux citer Cheikhou Guèye (Sanekh), il m’a toujours demandé de me méfier des gens, de toujours vivre modestement. C’est grâce à lui que je me suis retrouvée dans le milieu du théâtre. En plus de cela, j’ai un fils de 14 ans. Il est une fierté pour moi, une raison plus que suffisante pour que je ne m’embarque pas dans des pétrins.

Pourtant à la police, vous avez reconnu les faits avant de vous rétracter à la barre du tribunal des flagrants délits ?
Lorsque j’étais encore qu’une enfant, j’entendais souvent dire, dans le quartier, qu’il faut toujours maintenir sa version des faits, servie à la police, devant le tribunal. Même si je n’ai pas fait des études, je suis quand même assez intelligente pour ne pas tomber dans ce piège. Si, on devait m’enfermer et jeter la clé à la mer, je reconnaîtrais les faits si je me savais coupable. Toutefois, ce n’était pas le cas dans cette affaire. Je ne vais pas tuer une personne et laisser ma carte d’identité sur place. Encore que, je ne connais pas le mal. Je suis une femme de bonne famille et je ne ferais pas de mal même pas à une mouche.

La géo-localisation de la Sonatel a prouvé votre présence sur les lieux et un témoin vous a identifié…
Il n’y a aucun témoin, sinon il aurait été appelé à la barre. Je vous dis et le répète, j’habite aux Parcelles Assainies, alors qu’elle loge dans un autre quartier. Nous sommes donc à bonne distance toutes les deux. Je ne vois pas pourquoi j’aurais pris la peine d’aller en sa compagnie jusqu’à Thiès pour revenir à Dakar. Si je voulais faire ce qu’on me reproche à tort, je serais restée à Dakar, car je vis seule dans mon appartement. Elle n’a pas pu me forcer à aller avec elle à Thiès, car elle n’en a pas les capacités. Vous savez, au Sénégal, il n’y a rien qu’on ne puisse arranger. Je ne vais pas entrer dans les détails, car c’est très délicat. Mais encore une fois, la vérité va finir par éclater. Je suis quitte avec ma conscience. Je n’ai jamais quitté Thiès le jour des faits, j’étais couchée chez moi, en train de me la couler douce. J’avais mille et une excuses pour rester à Dakar, mais j’ai préféré aller à Thiès, car j’avais des courses à faire et le lendemain, elle avait organisé une cérémonie à laquelle je devais assister. Devant la barre, mes avocats ont clairement démonté la thèse de la géo-localisation et mis en exergue les failles de ce document qui a tout simplement été saisi, sans tampon, ni entête. En plus, elle n’était pas la seule à posséder la clé de son appartement.

Vos relations avec la plaignante devaient être très sincères au point que vous en arriviez à échanger les clés de vos appartements. Qu’a-t-il bien pu se passer pour que vous en arriviez là aujourd’hui ?
Allez le lui demander. Peut-être qu’elle saura vous répondre. Pour ma part, je n’en sais rien.

Elle a clairement soutenu que si elle savait que vous étiez derrière cette affaire, elle n’aurait jamais porté l’affaire devant la justice…
Qui se sent morveux se mouche !

On dirait qu’il y a quelque chose que vous refusez de dire, tout comme votre amie…
Je ne cache rien. J’ai été dans les liens de la prévention pendant un mois, je ne sais pas ce qui se passe. J’ai été dépassée par la tournure des choses. Lorsque l’affaire a éclaté, je l’ai prise et emmenée chez moi. Elle est restée dans mon appartement pendant 5 jours. Quand elle se rendait à la gendarmerie, je l’accompagnais sans arrière-pensée. Je n’avais rien à cacher, pour tout vous dire.

Comment vous êtes-vous connues ?
Nous nous sommes connues par l’intermédiaire d’une amie qui possédait une boutique de prêt-à-porter à Thiès. C’est là-bas où j’avais l’habitude d’acheter mes habits et autres accessoires. A chaque fois que j’y allais, mon amie me faisait savoir qu’il y avait une femme (la cousine à sa coépouse) qui tenait coûte que coûte à me rencontrer, car elle faisait partie de mes fans. Cette histoire remonte à trois ans. A plusieurs reprises, nous nous sommes parlé au téléphone et nous avons tissé des liens sans nous voir dans le blanc des yeux. J’ai fréquenté cette boutique pendant trois ans sans qu’elle la connaisse. Et ce, jusqu’au moment où la propriétaire de la boutique m’avoua de ces choses… (Elle coupe et rigole). Au fait quand elle venait à la boutique pour faire la taupe pour sa cousine (la coépouse de la gérante de la boutique), elle me faisait de ces confidences. Bref, elle venait espionner dans la boutique de la coépouse de sa cousine. Elle venait en quête d’informations qu’elle irait rapporter à l’autre qui se trouvait à Dakar. Celle à qui étaient destinées ces informations qui distribuait les marchandises qui venaient de l’extérieur faisant exprès d’envoyer les plus petites tailles au magasin de sa coépouse. Après, l’autre venait les acheter ici, comme ça le prétexte lui était donné de venir côtoyer la propriétaire, voyez-vous ? Bref, elle faisait ce genre de choses jusqu’au jour où elle vida son sac. Elle avoua à la propriétaire que telles n’étaient pas ses intentions. Elle lui a dit qu’elle était une bonne personne et tout. Même si ce n’est pas commode de juger les gens, je prenais toujours mes distances avec elle. Mais, nous nous sommes rapprochées, puisque ma copine, la gérante du magasin, a joué les bons offices entre nous, en me disant que ce n’était pas la peine d’en faire des masses et que ça n’en valait pas la peine. C’est suite à cela que nous nous sommes rapprochées. Pour vous dire, notre amitié ne date pas de plus 6 mois.

Votre amitié n’a duré que six mois ?
Oui, que six mois ! C’est vrai que je la connais depuis 3 ans, mais notre rapprochement ne date que de 6 mois.

Donc vous ne vous êtes fréquentées que 6 mois, mais vous avez dû vite sympathiser au point d’échanger des clés d’appartements ?
Non, non ! On se voyait régulièrement parce qu’on habite toutes les deux à Thiès, on se rencontrait dans des lieux, on causait et tout. Mais, c’est elle qui m’a imposé l’échange des clés. Et pour preuve, ma voisine de palier qui est venue me rendre visite, hier, m’a dit qu’elle venait ouvrir mon appartement à mon insu. Comme moi d’ailleurs. Mais, c’était normal, vu qu’on est de vieilles connaissances, on est toutes deux de Thiès, on se voyait souvent, on discutait et tout. Si vous demandez à Cheikhou (Saneex, Ndlr) il vous dira que je n’ai pas trop de connaissances. La preuve, si j’étais une fille terrible, la presse en ferait sûrement état. Je ne cherche pas à me blanchir, mais seulement chaque personne sait de quoi elle est capable. Toute ma vie durant, je me suis contentée de rester à carreaux.

Si vous êtes allées jusqu’à avoir des relations aussi étroites, alors quel intérêt aurait-elle à vous accuser à tort ?
Non, je ne dis pas qu’elle avait un intérêt pour m’accuser à tort. Si vous lui demandez, elle vous dira peut-être les raisons qui ont motivé son acte. Quant à moi, jusqu’au moment où je vous parle, j’en ignore toujours les raisons. Laissons le temps au temps, à Dieu appartient la vérité, Il est Celui qui éclaire tout.

Vous n’avez pas votre petite idée sur ce qui l’y a poussé ?
Peut-être qu’elle le sait, peut-être bien, mais moi je ne le sais pas.

Des gens sont allés jusqu’à dire que vous aviez peut-être le même copain ou des choses du genre ?
Non, non (elle rigole).

Vous confirmez ?
Oui, ce n’est pas ça, pas du tout.

Pouvez-vous revenir un peu sur votre séjour carcéral ? Comment l’avez-vous vécu ?
Au moment où vous arpentez la sombre route vers l’inconnu, vous êtes pris de peur. Lorsqu’on vous dit que votre enfant est en prison, que vos amis l’apprennent, ça devient insupportable à vivre. En fait, c’est cela qui m’a le plus semblé bizarre dans cette affaire, puisque c’est précisément à 17 heures et de surcroît une veille de fête que j’ai été mise aux arrêts. Alors que la procédure dit qu’une personne arrêtée doit être gardée à vue pour 72 heures avant d’être déférée. C’était le 30 avril dernier, la veille de la Fête du travail. Je me suis retrouvée seule ne voyant personne à qui parler, j’étais seule avec le garde pénitentiaire. Pendant ce temps, je me disais dans ma tête que je serais déférée le surlendemain. Mais dans la journée du 2 mai, avant midi, j’avais déjà quitté la gendarmerie de Colobane, alors que les 72 heures prévues n’étaient même pas complètes. C’est alors que je m’en suis remise à Dieu. Mais, je n’avais pas peur, puisque je me suis dit que les enquêteurs allaient me relâcher s’ils ne voient rien, car la vérité finit toujours par triompher. Mais à la nuit tombée, j’ai eu envie de me soulager, je frappais à la porte et c’est à cet instant que je me suis vraiment rendu compte que je me trouvais en détention. Malgré tout, je n’avais pas peur. Mais, c’est quand on a pris la route pour le Camp pénal que j’ai commencé à perdre espoir. Pour dire vrai, je n’ai eu aucun problème à l’intérieur de la prison. Et je le disais à mes sœurs, la prison, c’est comme si je rentrais dans la case des hommes. C’était une parenthèse, comme si on m’envoyait dans un lieu pour me reformater, pour me permettre de méditer sur mon avenir. C’est ainsi que j’ai considéré mon séjour carcéral. Parce que j’ai eu le temps de faire le vide et de songer au futur, et d’avoir les idées bien en place, tout en me disant que rien n’était encore perdu, puisque je suis toujours de ce monde.

Ce n’était pas trop dur de vous adapter ?
Pas du tout, franchement je n’ai eu aucun problème avec les gardes pénitentiaires, il arrivait même que le régisseur de la prison me faisait venir auprès de lui pour me raconter des anecdotes. Ces discussions m’ont été d’un grand secours. Grâce au régisseur, j’ai compris qu’il y a une raison à tout. Pour vous dire que tout ce qui arrive dans la vie, c’est Dieu qui l’a voulu ainsi. Cela m’a beaucoup fait réfléchir et prendre conscience de beaucoup de choses. Toute la rancune que j’avais gardée en moi a disparu. C’est une leçon de morale que j’amènerais partout avec moi, désormais.

Votre avenir dans le théâtre n’est-il pas compromis ?
Bien sûr (elle insiste), avec la tête haute. Tous ceux qui sont venus me rendre visite au Camp pénal ont bien vu cette attitude chez moi. Lorsqu’ils étaient en face de moi, ce sont eux qui baissaient la tête et je leur demandais de me regarder les yeux dans les yeux, car je n’avais rien à me reprocher. Je n’ai aucun doute en ce qui concerne mon avenir dans le théâtre. Il n’y a que des gens bien et des innocents qui croupissent en prison. Je n’ai jamais pensé faire de la prison un jour, mais nul ne peut échapper à son destin.

Ne craignez-vous pas d’affronter le regard des autres ?
Au moment où vous m’appeliez, j’étais en train de faire le tour du quartier pour rendre visite à mes voisins. Le tribunal était bondé de monde, lorsque je devais comparaître, pour vous dire que je suis une personne très appréciée. Actuellement, je suis entourée de mes amies, elles me réconfortent. Mon ex-mari était en voyage quand il a appris les faits, il a laissé ses affaires en rade pour venir me soutenir. Il avait même prévu de faire une sortie dans la presse, c’est moi qui l’en a dissuadé. Mon séjour carcéral m’a beaucoup forgée, je suis devenue une autre personne. Vous en aurez la preuve bientôt.

Comment votre fils a vécu cet épisode de votre vie ?
C’est lui qui m’a réconfortée. Quand j’ai été retenue à la gendarmerie, il a été le seul à qui j’ai téléphoné. Je lui ai dit au bout du fil que j’étais entendue par la gendarmerie. Il m’a demandé ce qui se passait et je lui ai répondu que j’étais accusée par une amie. Je l’ai alors rassurée qu’on allait bientôt me relâcher, car je n’avais rien à me reprocher. Il a alors poussé un cri et je lui ai sommé de se calmer, en lui demandant s’il avait, ne serait qu’une fois, entendu mon nom dans une sordide affaire. C’est alors qu’il m’a répondu par la négative et je lui ai quand même dit de s’attendre à entendre le pire, car j’étais une personne publique. Mais, je lui ai aussi dit qu’il ne se fasse pas du mauvais sang et qu’il soit fort, car tout ce que j’ai fait pour lui jusqu’ici est le fruit de ma sueur, de mon dur labeur.

Vos collègues artistes vous ont-ils soutenue durant cette épreuve ?
Tous mes collègues artistes m’ont soutenue. Que ce soient ceux de ma troupe ou les autres, ils n’ont ménagé aucun effort pour me témoigner de leur sympathie. Sanekh a beaucoup fait pour moi durant mon séjour carcéral. Tout ce dont j’avais besoin, il me le procurait, en espèces et en nature. Je profite de l’occasion pour remercier Ndèye Coumba Coulibaly, une amie qui a failli perdre la raison à cause de cette affaire. Elle a laissé son travail et est venue s’installer à Dakar, tout le temps de mon incarcération.

Depuis le début de l’affaire, avez-vous parlé à votre amie ?
Désormais, ma mère et mon fils seront mes seuls amis…

Piccmi.com

1 COMMENTAIRE

  1. ca fait parti de ton destin que dieu te protege ,il y a un proverbe qui dit l homme est le remede de l homme mais moi je dis parfois l homme est le poison de l homme

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