Hommage au Grand Serigne Elhadji Bachir Diagne Par Isamaila Diagne

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Hommage au Grand Serigne Elhadji Bachir Diagne,
Appel à la sérénité à l’humilité et à la responsabilité
Il était grand, très grand Elhadji Bachir DIagne, par sa haute silhouette d’abord. Si majestueux par
sa démarche altière rehaussée par des habits d’apparat, comme savaient les faire confectionner pour
les arborer fièrement tous ceux que l’on appelle par respect les « dignitaires lébou» ! En fait, les
Borôme ndombou tank. Ce raffinement, cette élégance exquise qui n’est ni ostentation ni
extravagance, se traduit à travers l’harmonie et la symphonie des couleurs, le bon goût surtout
l’attachement à des valeurs d’éthique liées à des normes d’esthétique, en corrélation avec l’exercice
d’une haute fonction déléguée par des hommes d’égale dignité, les «Borôme ndombou ndigeu ».
Quelle éloquence chez cet homme qui improvisait tous ses discours après des moments de
concentration qu’il savait s’aménager. Pourtant, ses propos étaient si cohérents, si pertinents qu’ils
entraînaient l’adhésion de ceux l’écoutaient toujours avec ravissement.
Elhadji Bachir Diagne était un communicateur hors pair. Il assénait ses vérités avec une grande
conviction, dans la courtoisie, sans la moindre volonté de heurter ou de blesser son vis à vis. Son
souci majeur a toujours été de susciter la création d’espaces de concertation d’où devaient sortir des
solutions consensuelles, sur la base de compromis dynamiques.
En 2007, le Président Wade, débordé ,comme à son habitude, par des préoccupations d’ordre
électoraliste ,minimisait encore les risques d’année blanche, suite à des grèves perlées, récurrentes
dans un contexte socio économique difficile, exacerbé par l’arrogance et la cupidité de simples
parvenus, fieffés prédateurs
El hadji Bachir Diagne, en fin analyste de la situation comprit que le pays était au bord de
l’implosion. Il convoqua un conclave, chez le Ndeye Diambour, feu Elhadji Ismaila Gueye pour
recueillir les avis de ses conseillers en matière d’éducation. A la tête d’une imposante délégation, il
se rendit au siège de la C.S.A où Momadou Diouf , digne successeur d’Iba Ndiaye
Diadji ,assurait la continuité avec une claire conscience des responsabilités qui pesaient sur ses
épaules.
Le Grand Serigne parvint à réunir autour de lui, en présence des autorités coutumières, véritables
régulateurs sociaux, les ténors du mouvement syndical enseignant sénégalais : Marième Sakho
Dansokho, Mamadou Diop «Castro », Mbaye Fâl leye, Mamadou Diouf etc. Au terme d’échanges
fructueux, il tira une synthèse lumineuse des discussions : «L’Ecole Sénégalaise traverse une crise
profonde qui nécessite une thérapie de choc. Les revendications salariales, largement justifiées
pourtant, risquent de masquer les problèmes de fond. L’éclatement du mouvement syndical et la
démission des parents constituent un sérieux handicap pour une perception correcte des véritables
enjeux. Il urge de trouver des compromis dynamiques afin de sauver l’année scolaire en cours,
sérieusement compromise. »
Il alerta le Président Wade sur la gravité de la situation. Celui-ci prit des engagements fermes et les
syndicalistes, en vrais patriotes, acceptèrent de retourner dans les classes, sans préalables. Un mois
avant son décès, alors qu’il était miné par la maladie, il envisageait de reprendre son bâton de
pèlerin.
Infatigable, Elhadji Bachir Diagne se démenait entre les cérémonies religieuses et familiales ,rendait
visite aux malades pour leur apporter la même soutien qu’il réservait aux détenus, aux nécessiteux
et dans la même foulée, à des truands qui assiégeaient quotidiennement son domicile. Régulateur
social, il n’en était pas moins présent sur tous les fronts où des Lébou se dressaient résolument, à
nom de la légitimité, pour faire face aux spoliateurs aui clamaient une légalité suspecte, renforcée
par le fait qu’un ministre de la république a déclaré avec une légèreté effroyable : « ledroit
coutumier es caduque» . De bonne foi, certains tranchaient péremptoirement «Lébou mô beug
soûf ! »
Maintenant que la boulimie foncière a atteint son paroxysme, les cris de rébellion fusent de partout.
Le débat de fond sur une gestion rationnelle, équitable et transparente du foncier, sur l’ensemble du
territoire national s’impose. C’est à cela qu’appelait le Grand Serigne Elhadj Bachir Diagne,_ «Kou
bagne souf légui ? Ku niou nara sîf ngua fippou ! »
Parmi tant d’autres frustrés, les populations de Bargny, spoliées de leurs terres puis humiliées par les
forces du désordre recoururent à lui. Comme à son habitude, il leur exprima sa compassion avant de
leur apporter une assistance financière conséquente, tout en leur suggérant de porter le contentieux
devant les tribunaux, en maintenant la mobilisation. Le Président lui en voulut à mort, en l’accusant
d’armer la rébellion contre son régime.
Le Doyen Sellé Diop, puis Latif Gueye, ancien arbitre international, le binôme de Nguirâne Ndoye,
enfin Bâye Seck de Yôf, le chargé de la communication de la communauté Lébou, tour à tour ou en
même temps émissaires du Grand Serigne, ont sillonné régulièrement les 125 villages lébou de
Ngor à Mbidieum et de Ouakam à Dialâw, voire Mbour. Le souci permanent demeurait la nécessité
de s’enquérir de la situation qui y prévalait et de recueillir les doléances afin de les soumettre aux
décideurs, dans une démarche républicaine !
Par le même canal, le Grand Serigne organisait, à ses frais, de grandes cérémonies rituelles de
prières chez feu Elhadji Ismaîla Gueye afin de solliciter la clémence du Créateur et d’exorciser les
démons du mal. Il fallait y penser puis avoir le coeur de prendre en charge les dépenses onéreuses y
affairant. Pour le Grand Serigne Bachir Diagne la fonction était un sacerdoce et non un objet de
jouissance : « Thieur kéne douko déf mbandal »
Elhadji Bachir Diagne n’a-t-il pas financé, avec ses seuls moyens un déplacement de milliers de
lébou de Dakar à Guet Ndar soit près de 270 km ?N’a-t-il pas favorisé, à ses frais, les grandes
retrouvailles de milliers de représentants des différentes collectivités à Yôf Layéne d’abord, avec la
bénédiction de Mame Alassane Laye, ensuite à Mbao, un des sanctuaires de notre communauté pour
un ressourcement et un raffermissement des liens de solidarité, surtout dégager des perspectives ?
Que n’a-t-il pas enduré afin de contribuer à l’insertion harmonieuse des Libano-Syriens dans le tissu
social dakarois ? La relation très forte qu’il a entretenue avec Monseigneur Thiandoum puis son
successeur le Cardinal Monseigneur Adrien Sarr constitue un gage de stabilité dans le
rapprochement entre Chrétiens et Musulmans autour des idéaux que doivent partager «Les gens du
Livre ».
Dés sa plus tendre enfance, sa mère, Marième Diop Matar lui avait inculqué des notions cardinales
telles que l’ouverture et la générosité à travers des gestes à l’endroit du patriarche Seydou Nourou
Tall. D’où son attachement à la famille omarienne et sa propension a oeuvrer au raffermissement des
liens entre les différents foyers religieux où il a joui d’un respect et d’une considération sans bornes.
Allah qui accorde Ses faveurs à qui Il veut a préservé Elhadji Bachir Diagne, du nombrilisme, du
narcissisme et du sectarisme dont sont victimes encore certains Lébou qui on eu à exercer de hautes
fonctions qui auraient dû leur permettre de contribuer à la cohésion de la communauté lébou en
suscitant la création de pôles d’un développement culturel, social économique à partir de projets
structurants. Leur éclectisme, leur instabilité et leur étroitesse d’esprit constitueront du reste un
sérieux handicap pour toute tentative d’impulsion d’une dynamique unitaire ? L’effritement du
pouvoir traditionnel que l’on fragilise par de constante manoeuvre politicienne et sa déliquescence
un peu partout demeurent une vive préoccupation !
Dial Diop, le 1er Serigne Ndakârou a exercé pendant près de vingt ans le pouvoir temporel et le
pouvoir spirituel, avec hauteur et discernement pour tout dire compétence. Il a fini par les dissocier,
judicieusement. Mieux, il a compris la nécessité de procéder à une décentralisation pour une plus
grande efficacité, en fait une gestion de proximité pour ne pas dire une décentralisation avant la
lettre. Aussi a-t-il demandé à chaque collectivité de s’auto-administrer, l’important étant que la
solidarité continue de s’exercer au sein de la communauté Lébou dont la vocation est de contribuer à
l’unité nationale par son aura et les qualités intrinsèques de ses membres, au service du pays.
Les notions de «Grand Serigne », Chef supérieur, Chef de village, Grand Diarâf sont totalement
étrangères à la société lébou qui est d’essence égalitaire. Les décisions se prenaient collégialement à
partir d’instances (le collège des Diambour et celui des Férés) qui fonctionnaient régulièrement et se
renouvelaient périodiquement. Qu’en est il aujourd’hui ?
Elhadji Bachir Diagne est un descendant de Dial Diop par sa mère Maréme Diop, fille de Matar
Diop, 1e successeur de Dial Diop. Ce grand Serigne Ndakârou de 1815 à 1830 n’a reconnu à aucun
des administrateurs coloniaux,ayant rang de gouverneur, qui se sont succédé durant son «règne ».
La moindre prérogative sur le territoire qu’occupaient les lébous leur étaient refusés.
A Dial Diop et à Elhadji Bachir Diagne et à eux seuls, on pourrait concéder le titre de chef
supérieur de la collectivité Lébou, tellement ils ont assumé la fonction avec courage, lucidité et
humilité. Ce titre allait à Elhadji Bachir Diagne, comme un gant ajusté à sa main. Il a été si
disponible, si charismatique et d’une générosité légendaire, de 1986 à 2013 ! Son remplaçant ne
pourra être que Serigne Ndakârou, c’est à dire une autorité coutumière désignée au niveau des 12
pinthie traditionnels de Dakar, n’ayant de prérogatives que dans ce territoire bien délimité.
Que la sagesse, la sérénité et l’esprit de dépassement surtout l’oubli de soi, prévalent sur les
ambitions personnelles clairement affichées !
Elhadji Bachir Diagne, le Grand Serigne, Chef supérieur de la collectivité lébou nélaw na, dem na
yaubâlé bayré ba !
Isamaila Diagne Notable à Ouakam

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