Interventions militaires en Afrique. Albert Bourgi met à nu la nouvelle doctrine de la France

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Le colloque qu’organise le Parti de l’indépendance et du travail (Pit) donne l’occasion d’organiser des panels animés par des intellectuels de renommée mondiale sur des sujets qui préoccupent l’Afrique toute entière, notamment ses relations avec le reste du monde, au vu de la nouvelle donne socio-économico-politique. C’est ainsi que s’est tenu un panel dont le thème est intitulé : « La relation France – Afrique en crise ». Même s’il ne s’est pas présenté, le Professeur des universités en droit public, Albert Bourgi a envoyé une intervention lue par Maguette Thiam qui assurait la présidence de séance. L’intervention du Professeur Albert Bourgi est intitulée : ‘’Renégociation des accords de défense avec les Etats africains et interventionnisme français en Afrique’’. Le journaliste français Thomas Deltombe quant à lui, a présenté, un exposé sur « Rupture avec la Françafrique ? Le discours sarkozien à l’épreuve des relations franco-camerounaises ».

Aux yeux du Professeur Albert Bourgi, les accords de défense conclus entre la France et l’Afrique ont toujours illustré les dérives de la politique de l’ancienne puissance coloniale dans notre continent. Selon lui, d’une manière générale, le volet militaire a été la clé de voute du système de coopération mis en place 1960 et destiné à perpétuer, par delà les changements institutionnels liés à l’accession à la souveraineté internationale des anciennes colonies, la domination multiforme de la France. Il en veut pour preuve la lettre qu’avait adressée Michel Debré alors Premier ministre de France, le 15 juillet 1960 à Léon Mba, premier président du Gabon.

Dans la lettre, Michel Debré y va sans détour et déclare que la France ‘’donne l’indépendance à condition que l’Etat une fois indépendant s’engage à respecter les accords de coopération signés antérieurement. Il y a deux systèmes qui entrent en vigueur simultanément : l’indépendance et les accords de coopération. L’un ne va pas sans l’autre.’’ Pour Albert Bourgi : ‘’Ce qui était vrai du Gabon, l’a été aussi pour tous les autres Etats d’Afrique subsaharienne, anciennement colonisés par la France.’’

Le Professeur Albert Bourgi note : ‘’Même si au fil des ans, l’emprise de la France dans un grand nombre de domaines concernés par les accords signés en 1960 et amendés ou révisés ultérieurement, s’est inévitablement relâchée face à un exercice plus effectif de la souveraineté par les partenaires africains, désormais parties prenantes à la mondialisation, et donc engagées dans de nouveaux espaces de solidarité et de coopération internationale, cette évolution na pas pour autant remis en cause l’esprit, voire l’essence du système mis en place en 1960’’.

Témoin, selon lui, ‘’la perpétuation d’une politique interventionniste de la France, qui tout en ne prenant plus les formes extrêmes, voire caricaturales, d’une action militaire avec l’envoi de parachutistes ou de gendarmes, pour maintenir l’ordre et conforter des régimes « amis » ou plutôt de présidents « amis » confrontés à des oppositions intérieures, n’en aboutit pas moins aux mêmes résultats que naguère.’’

La nouvelle politique interventionniste de la France s’adosse désormais aux dispositifs internationaux de règlement des conflits et utilise les réseaux d’influence dont elle dispose, que ce soit au Conseil de sécurité de l’Onu ou à l’Union européenne, voire à l’Union africaine.

Le Professeur Albert Bourgi fait remarquer que depuis la première intervention en 1964 ‘’qui a permis de rétablir au pouvoir le président Léon Mba, évincé par un coup d’Etat (abstraction faite d’une intervention plus « feutrée » au Sénégal lors du vrai-faux coup d’Etat de Mamadou Dia, en décembre 1962), les relations franco-africaines ont été jalonnées, pendant plus de trois décennies par toute une série d’interventions militaires aux motivations essentiellement politiques’’. Sans compter que les autorités françaises ne se sont jamais embarrassées de savoir s’il existait ou non un accord avec le ou les pays concernés, et de quel type d’accord il s’agissait.

Ce qui est frappant, c’est que les gouvernements successifs français ont toujours agi au cas par cas. ‘’Si dans le cas du Gabon (en se fondant sur une demande formulée par l’ambassadeur du Gabon en France), un an auparavant, elle n’avait pas jugé « opportun » de répondre à une demande d’aide de l’abbé Fulbert Youlou au Congo. Plus tard, le gouvernement français ne donnera aucune suite aux demandes d’interventions que lui avaient adressées les présidents nigérien, Hamani Diori en 1974 et tchadien François Tombalbaye en 1975.’’, souligne Albert Bourgi.

Il ne fait de doute pour Albert Bourgi que la dimension extérieure des accords de défense n’a été que de façade. ‘’Dans les faits, les interventions militaires de la France en Afrique n’ont jamais réellement répondu, à une ou deux exceptions près, au Tchad, en 1983 et 1986, à des véritables menaces ou des agressions extérieures visant les partenaires africains. En revanche, celles-ci ont été souvent brandies pour mener ce qui n’était rien d’autre que des opérations de maintien de l’ordre visant à assurer la survie des régimes en place.’’, soutient-il.

Face aux critiques de plus en plus vives, déclare Albert Bourgi, à l’égard d’un interventionnisme militaire « d’un autre âge », et prenant acte des changements intervenus sur le plan international, les dirigeants français procéderont à un « maquillage » sémantique de leur nouvelle doctrine en Afrique. En était-il de Jacques Chirac qui déclarait en 1997 que ‘’la période des interventions unilatérales en Afrique’’, ce qui ne l’empêchera plus tard de demander l’envoi de gendarmes français pour voler au secours de Henri Konan Bédié, en Côte d’Ivoire.

Sous la cohabitation Chirac – Jospin entre 1997 et 2002, la doctrine de la non ingérence se déclinera sous la formule « ni ingérence, ni indifférence » et sera même plus tard théorisée par Dominique Villepin. Ce qui fait dire à Albert Bourgi : ‘’C’est très certainement de ce même répertoire de la rupture avec les anciennes pratiques interventionnistes, que chacun s’accorde à considérer comme étant l’un des facteurs de la dégradation de l’image de la France en Afrique que procéde le big bang de Nicolas Sarkozy, en Afrique du Sud, en 2008’’.
– Par Mayaram –
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