Jacqueline Scoot Lemoine Et la mort ressuscita toute une histoire

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Le Sénégal de la Culture vient de fermer une page bien triste avec la disparition d’une de ses plus illustres figures artistiques. Jacqueline Scoot Lemoine n’était pas seulement liée à ce pays par son statut d’exilée politique qui a valu à elle et son époux, Lucien Lemoine, un séjour éternel loin de leur terroir d’Haïti. Elle aura encore été l’une des plus belles voix ayant vibré sur les planches contemporaines à travers lesquelles elle a pu éblouir son monde. Son histoire, c’est encore et surtout celle d’une passionnée qui a tout donné aux verbes et aux mots, ceux-là qui vont composer désormais son itinéraire exceptionnel ayant pris fin un certain dix juillet.

La jeune génération d’artistes a été, sûrement, tentée de se poser la question à savoir, quelle était l’histoire de cette dame. Celle-là qui imposait son ombre partout où le verbe humain se pèse. L’on faisait appel à la «symbolique» de sa personne jusque vers la fin de sa vie. Ainsi, l’on devait l’apercevoir dernièrement, conduite sur une chaise roulante, pour venir encore percer le mystère des émotions pendant quelques événements ici à Dakar, une ville qu’elle a aimée et où elle a vécu ses passions.

Cette dernière image est celle que beaucoup d’artistes auront gardé de la sublime sénégalaise d’origine haïtienne qui, l’instant d’un souvenir, nous amène dans les méandres des plaisirs universels. Tant elle savait partager en exigeant sur sa personne ces petites joies de l’existence qu’elle empruntait à la fois à la poésie de son quotidien et à la beauté de son parcours. Ainsi en témoignent ceux qui l’ont connue, se rappelant, en effet de sa disponibilité ainsi que de son sens aiguë du partage. Une générosité à toute épreuve qui faisait qu’elle s’est invitée sur les scènes des conquêtes jusqu’à son dernier souffle. Et parce qu’elle a été encore une femme de défi, méticuleuse et soucieuse de l’évolution de l’aspect Culture. «Nous avons été éblouis en découvrant le caractère fort intéressant de cette dame qui se voulait être d’un apport spontané lorsqu’il s’agit de mettre sa contribution lors d’un événement culturel. Pour dire qu’en effet, c’est une dame de valeur qui allie passion et humanisme», témoigne un de ses anciens collaborateurs qui intervient dans le domaine de l’événementiel. Auparavant, sa voix avait déjà conquis son monde qu’elle a voulu, par ailleurs, élitiste sans avoir versé dans la réserve. C’est que Jacqueline Scoot Lemoine savait encore donner le meilleur d’elle-même en formant après avoir informé. Une passion qui, en effet, lui a permis d’améliorer l’inné, dira Amadou Lamine Sall, écrivain poète. Ce dernier dit avoir appris beaucoup de choses aux côtés de la dame. «Ce qui distingue les vrais artistes, je l’ai trouvé chez Jacqueline Lemoine: elle possédait et réunissait à la fois en elle, l’inné et l’acquis. Cela ne trompe pas. Il existe des artistes qui le deviennent à force de travail et de passion, donc du seul acquis. L’artiste était déjà en Jacqueline, avant d’exercer et de vivre sa profession. C’est cela la différence», explique t-il émouvant. Cette différence dans les relations humaines, l’artiste Jacqueline Lemoine l’aura encore cultivée pour offrir aux autres l’image d’une dame charismatique non sans manquer d’être fidèle et affectueuse. Et cette amour-vie, elle l’aura surtout imposé dans les batailles pour la survie car, il faut le dire, la solitude a pesé sur elle depuis la disparition de son époux Lucien Lemoine. Ce dernier ayant été, en réalité, son complice pendant la longue et passionnée aventure.

Des horizons lointains d’Haïti…et le succes history

Haïti, c’est l’histoire de milliers d’africains qui auraient échappé à l’esclavage, c’est encore le point d’un départ lumineux d’un jeune couple qui, ayant refusé de vivre les dérives d’un certain dictateur, a préféré l’aventure. Lucien et Jacqueline avaient pour seuls bagages la richesse des mots et leur force les tira, en effet, jusqu’en France, engagés qu’ils étaient dans la voie des arts. En ce moment, la dame devait être comblée de l’évolution de sa carrière d’actrice de grandes pièces notamment «La tragédie du roi Christophe» d’Aimé Césaire qui était en train de faire découvrir son talent au monde entier. Ils auraient pu ainsi vivre au pays de Chirac pour l’éternité. Si, peut-être, Senghor n’avait pas fait appel à eux lors du 1er Festival mondial des arts nègres en 1966 à Dakar. Le mythique couple, ayant vu le jour en France, semblait en effet avoir pris date avec l’histoire. Le reste de l’aventure, ce sont des choses qu’il aura découvert aux côtés de ce qu’il a apporté au Sénégal, pays d’adoption auquel il a pris la nationalité en 1976. Une période ayant marqué toutefois un tournant dans les vies des deux complices. Des termes qui revêtent ici toute leur importance car, il faut le souligner, le destin de Jacqueline Lemoine était, dès lors, irréversiblement lié à celui de Lucien, son égo en tout. Si bien que la téranga sénégalaise, par le biais de Senghor, a tenté ainsi de réunir leurs destins aux services de la Culture. Ainsi, après avoir démarré une brillante carrière de comédienne à Sorano où elle a été incontournable dans la mise en scène des grandes pièces (d’après Ousmane Diakhaté directeur du Théâtre Sorano), Jacqueline rejoint l’ami célébré à la Radio Sénégal où ensemble, avec les émissions ludiques, ils ont tenu en haleine les passionnés de la langue dont d’aucuns témoignent avoir été inspirés par cette histoire d’amour jamais égalée.

Et la page se referme…

«Chaque matin quand tu te réveillais, tu priais pour mourir, car Lucien te manquait. Nous savons tous, en effet, combien ton époux te manquait. J’en mesurais personnellement la douleur et le vide qu’il laissait chez toi et chez moi. Oui, vous étiez bien, comme couple, l’oiseau d’une seule aile. Votre culture littéraire et artistique forçait partout le respect. Votre couple créait l’émotion». Ces paroles sont du poète et proche Amadou Lamine Sall. Elles témoignent ainsi du vécu d’une vielle solitaire qui savoure, toutefois, les senteurs de la fidélité et de l’amour, pilier de vie sur terre. En à croire son jeune ami, Jacqueline Scoot Lemoine semblait n’avoir regretté, lors de sa paisible retraite, que le départ de sa source à la fois de ses inspirations et de son courage pour faire face aux multiples changements de son univers jusque là composé de sorties poétiques autour de «veillées culturelles» qu’elle aura toutefois continué à honorer de sa présence, selon des proches, par dignité. Ainsi, l’histoire retiendra que la page s’est ainsi refermée sur une image, à la fois tendre et vertueuse, qui comble le souvenir et magnifie encore le parcours de l’enfant d’Haïti. Ainsi le cycle des grands hommes se referme sur lui, dira encore le poète ami.

Réalisé par Diouma SOW

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