Keur Serigne bi, dortoir des handicapés Sdf

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Connu pour être un lieu de vente illicite de médicaments, jusqu’à l’interdiction décrétée par les autorités, Keur Serigne bi a une autre particularité. En effet, cette maison sise à l’avenue Blaise Diagne est comme le « siège social », le dortoir des personnes handicapées venues de l’intérieur du pays et sans tuteurs.
Keur Serigne bi, sise à l’avenue Blaise Diagne. En ce vendredi 12 août 2011, à 22 heures, malgré l’heure tardive, quelques commerçants tiennent encore de petits étals à la devanture de Keur Serigne bi. La plupart d’entre eux vendent des produits cosmétiques bien rangés dans des caisses. En dépit de l’interdiction de la vente de médicaments, l’endroit ne désemplit pas, même la nuit. Après le départ des commerçants, des marchands ambulants, des femmes restauratrices entre autre, un autre monde vient s’y installer : les handicapés de tous les âges.
Quand on franchit la porte principale, on aperçoit un groupe de personnes handicapées d’âges divers couchés sur leurs lits étalés sous le grand hangar. L’ambiance est au rendez-vous. Ici, on discute avec passion. Les bagages sont entassés sur les « lits » qui ne contiennent pas de matelas mais plutôt des nattes.
Leur dénominateur commun, c’est qu’ils sont pour la plupart venus des régions de l’intérieur du pays. En plus, ils ne disposent guère de tuteurs à Dakar. Ce faisant, ils se rabattent sur cette maison pour y passer la nuit à l’issue d’une longue journée de manche dans les rues et autres carrefours de la capitale sénégalaise. La cherté du logement à Dakar justifie aussi le choix de cette catégorie de citoyens. « J’ai commencé à passer la nuit à Keur Serigne bi en 1997. Et j’y avais trouvé d’autres handicapés. Ici, c’est le siège social des handicapés sans logement », déclare Pape, un handicapé moteur, originaire de Touba. « Un démuni n’a pas de choix. Il doit s’adapter à toute situation », ajoute-t-il, stoïque, avant de préciser qu’il y a aussi des personnes valides qui côtoient les handicapés dans cette maison.

Précarité et insalubrité 
Après le grand hangar, une ruelle mène vers une autre enceinte. On y trouve des baraquements, des petites chambres en dur, des restaurants et un puits. À l’intérieur, une odeur nauséabonde se dégage. Plus on s’approche, plus ce parfum fétide s’impose à l’odorat. Ce sont les fosses qui dégoulinent sur le sol. Et, juste à côté, les toilettes publiques, communes à tous les résidents et vendeurs de Keur Serigne bi font face à l’emplacement exact où se trouvait une file de baraques. A cela s’ajoutent les eaux stagnantes.
Ameth est un handicapé moteur, originaire du Saloum et élève. Après deux échecs à l’entrée en Sixième, il s’est inscrit dans un établissement privé de sa localité moyennant 6.000 Fcfa par mois. Pour payer son loyer, sa scolarité, en plus de ses fournitures, il est obligé de venir à Dakar faire la manche pendant les vacances.
« Je suis issu d’une famille modeste et je ne veux pas abandonner mes études. C’est difficile », lance-t-il, justifiant son choix par le fait qu’il ne dispose pas de parents capables de l’accueillir à Dakar.
Quant à Salif, il passait la nuit à Keur Serigne bi jusqu’en avril 2010, date à laquelle un terrible incendie avait dévasté le mythique lieu sur l’avenue Blaise Diagne. Même s’il n’y a eu aucune perte en vie humaine, le feu a causé d’importants dégâts matériels. En effet, une soixantaine de chambres, selon certains pensionnaires, ont été détruites par les flammes. Mais le bâtiment du marabout est resté intact. Salif, qui ne souhaite pas se prononcer sur la vie des handicapés, indique toutefois qu’il a trouvé un point de chute à Rebeuss après la survenue de cet incendie.
« Le loyer est cher mais je n’ai pas de choix », se résigne-t-il. De son côté, Samba Diao, président des handicapés de Mabo dans le département de Kaffrine s’indigne de la « situation précaire » que vivent ses camarades handicapés.
« C’est désolant de voir des handicapés passer la nuit dans ces conditions. Alors qu’on parle toujours de la lutte contre la mendicité des handicapés », regrette M. Diao qui pense que la solution à ce phénomène est d’encourager les handicapés à fréquenter et à rester à l’école.
« Un handicapé ne doit pas être abandonné à lui-même. L’abandon est le plus souvent le facteur qui encourage la manche », admet M. Diao.
« On ne croit plus aux promesses. J’ai l’impression qu’il n’y a aucun respect pour nous les handicapés eu égard aux nombreuses promesses que les autorités n’ont pas tenues », s’étonne Pape Faye.

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