Khalifa, Tanor, le PS, Macky et BBY-Par Ousmane Blondin DIOP

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– Vous êtes ou avez été l’un des grands idéologues du Parti socialiste (Ps), comment vivez-vous l’incarcération de Khalifa Sall ?

Le placement sous mandat de dépôt du Maire de Dakar Khalifa Sall est un événement considérable en raison du calendrier politique et du poids politique de l’intéressé.

– De nombreux Sénégalais, sans lien particulier avec le maire de Dakar, ont été affectés émotionnellement par cette incarcération. Vous qui êtes lié au PS, que ressentez-vous ?

Je crois que cela va avoir des effets désastreux auprès de l’opinion sénégalaise, en premier lieu qui ne s’empêchera pas d’interpréter cette décision de justice comme un règlement de comptes, mais aussi sur l’image de la justice de notre pays à l’extérieur. Mais je crois que cela va surtout impacter négativement le climat au sein même de la coalition BBY à quelques mois des législatives, car comment s’attendre à ce que des militants PS et APR battent campagne ensemble. Cela n’est pas acquis du tout ! Parce que ma conviction est qu’une coalition politique, même arrivée au pouvoir, ne doit pas se limiter à une rencontre entre des leaders. Il faut l’entretenir et l’animer à la base et cela suppose une unité entre militants. Or, je ne vois rien de tel en ce moment.

– Alors qu’entre Ousmane Tanor Dieng et Khalifa Sall, la rupture semble définitive, comment peut-on envisager l’avenir du Parti socialiste dans une telle situation ?

S’agissant de l’avenir du PS, je crois qu’il sort de sa longue période de transition dont la seule issue dynamique serait d’engager un mouvement profond sur le « socialisme du XXIè siècle en Afrique » au moment où l’Afrique est qualifiée de continent de l’avenir. Il s’agira de questionner cette prédiction au regard de notre ancrage socialiste et des évolutions et mutations fulgurantes du monde et de l’Afrique, des attentes des jeunes générations, afin de bâtir notre propre vision de l’avenir du Sénégal et de la contribution que le PS peut y apporter. Un tel mouvement aurait assurément un effet mobilisateur, renforcerait la position du PS dans l’actuelle coalition et ferait faire un saut qualitatif au PS lui-même, un peu à l’instar du Congrès de 1976. Le PS recèle de suffisamment de ressources humaines pour mener un tel travail idéologique comme il a su le faire dans le passé avec le Groupe d’Etudes et de Recherches et l’Ecole du Parti en y associant l’apport des sages et des nouveaux militants dans une démarche inter-générationnelle.

– L’opposition sénégalaise qui semblait avoir beaucoup de mal à se trouver une identité, ne va-t-elle pas trouver en Khalifa Sall un porte-étendard d’une coalition autour d’un seul objectif en 2019 : « Tout sauf Macky » ?

Je pense que le Président Macky Sall va se trouver confronté à deux défis majeurs: maîtriser l’aile dure de son parti qui vise à une hégémonie totale au plan politique et donc à la fin de la coalition; et résister à la tendance répressive qui en est le corollaire face à tout prétendant jugé menaçant. Nous, au PS, avons connu le même problème vis-à-vis du PDS de Maître Wade. Personnellement j’avais mis en garde sur le fait d’emprisonner trop souvent Me Wade au risque d’en faire un martyr. On a vu la suite. Aujourd’hui, comme me l’a dit mon ami Moustapha Ka à propos de l’arrestation de Khalifa Sall, : « On vient de fabriquer un prisonnier politique » !

– La coalition Benno Bokk Yaakaar pourra-t-elle survivre jusqu’en 2019 ?

Je pense qu’elle peut survivre à deux conditions : il faut que les principaux leaders renouvellent publiquement leur volonté de la poursuivre jusqu’en 2019 ; et de lui donner un contenu programmatique qui sera débattu puis approuvé par les militants des formations qui la composent. Aujourd’hui les élections législatives à venir offrent une belle occasion pour la coalition de travailler à un « programme commun de législature »pour les cinq prochaines années. Le PS, qui constitue un allié de poids dans l’attelage de cette coalition, pourrait parfaitement proposer une telle initiative à ses partenaires. On en a un bel exemple avec la coalition qui soutient Mme Angela Merkel depuis maintenant trois législatures en Allemagne.

– La culture héritée de la France des caisses noires, des fonds politiques, des caisses d’avance et autres, n’entretien-t-elle pas des pratiques peu compatibles d’avec une gestion saine et transparentes des affaires publiques ?

La question des caisses noires n’est pas simple à résoudre dans notre pays parce qu’elle est liée à la longue tradition « clientéliste » instaurée par le pouvoir colonial avec les « grands électeurs », puis participe de la sociologie de notre pays et sa conception monétariste des attributs du pouvoir. Cela dit, les pratiques qui en découlent dépendent des hommes au pouvoir. Par exemple, le président Diouf a toujours confié la gestion de ses « fonds politiques » à son Directeur de cabinet ou aux ministres d’État Jean Collin puis Tanor Dieng. Le président Wade gérait lui-même ses fonds spéciaux, sans intermédiaire. La France a un dispositif assez rare puisque les fonds spéciaux sont logés au cabinet du premier ministre et non à l’Elysée.

– Est-il temps au Sénégal de mettre fin à l’existence de tous ces fonds politiques ? Curieusement ni l’opposition, encore moins le pouvoir ne semble y penser…

On peut mener une réflexion sur cette question en gardant à l’esprit les codes de notre société quitte à les faire évoluer progressivement vers une vie politique moins assise sur la recherche de gains matériels et vers un financement organisé de la vie politique. Une évolution est déjà perceptible avec l’émergence de leaders politiques qui entrent en politique après avoir fait fortune ou en étant totalement indépendants financièrement.

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1 COMMENTAIRE

  1. Ousmane a les pieds sur terre, policé modéré et tempéré de caractère trempé. Il peut jouer un rôle modérateur et de conciliation au sein de son parti. Le PS, éprouvé, est membre d’une coalition au pouvoir; Ce qui nécessite cohésion, esprit de responsabilité et discipline rigoureuse ou nul ne doit ni ne peut agir à sa seule guise. En tant que membre de ce parti Khalifa ne peut agir à son seul gré à tout bout de champ en dehors de la ligne directrice tracée. Une grenouille ne peut devenir bœuf. Il faut objectivement s’évaluer, ses partenaires, ses moyens pour voir s’ils sont en adéquation avec ses ambitions assignées avant toute entreprise. Le poste de Maire est-il le perchoir idéal pour aspirer à devenir Président de la République? En tout cas, on ne peut utiliser les fonds de cette institution en dehors de la mission légalement assignée. Il n’a pas eu le courage de créer son propre parti pensant en troublions avec ses complices manœuvrer de l’intérieur pour déstabiliser la direction de son parti. Dès lors, il s’est enfermé dans un dilemme incertain, insoluble et insurmontable. Il ne peut être assimilé à un martyr mais à un mauvais stratège, un homme inconséquent et faible. La vie est ainsi faite que qui veut tout, finit par tout perdre. On ne tombe que de sa propre hauteur.

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