La chronique de Abdoulaye Ndiaga SYLLA: Les défis de la rupture

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Sous les flonflons, comme au «Grand soir» de la présidentielle, le taux de participation en moins, la coalition «Benno Book Yaakaar» a assuré le service après vente de son leader Macky Sall en faisant élire 119 députés dans une Assemblée nationale qui en compte 150. C’est plus qu’il ne faut pour s’assurer le contrôle d’une Chambre basse du parlement– sous sa forme actuelle- toujours au service d’un parti ou d’une coalition.

Le Parti démocratique sénégalais (Pds), s’en tire mieux que les vingt deux autres partis ou coalitions avec douze députés et la possibilité de constituer un groupe parlementaire. Phénix renaissant de ses cendres ? Certainement pas encore mais, en considération du contexte, c’est peu de dire que la formation de Me Abdoulaye Wade a tenu son nouveau rang et confirmé sa posture de premier parti de l’opposition reléguant, loin derrière elle «Bokk is gis gis», né sur ses flancs. Dans les meilleures dispositions pour tenir son Congrès, son chemin de croix peut ne pas être long. Le Pds ne laissera pas sans doute lui échapper l’occasion de se poser en recours ou, à tout le moins, en élément central d’une recomposition dans l’Hémicycle et en dehors, si la coalition «Benno Book Yaakaar» venait à se déchirer. Fort de son expérience de première formation de l’opposition à compter des députés à l’Assemblée nationale, de parti au pouvoir disposant, pendant douze années d’une très forte majorité à la Chambre, il attendra son heure.

La rentrée parlementaire, elle, s’annonce. Par delà le rituel protocolaire, que faut-il attendre de cette institution ? En dix législatures, l’Assemblée nationale n’a pas subi de profonds changements dans ses prérogatives fondamentales, le vote des lois et le contrôle de l’exécutif. Elle a seulement, pour prendre la couleur du temps des alternances, viré du «vert» des socialistes au «bleu» des libéraux et, dans quelques jours, avec l’installation des députés, au « marron» de la coalition du chef de l’Etat. Des tâches rouges, jaunes… supplétifs d’une opposition plutôt symbolique, s’ajouteront, tout au plus au décor.

Le rêve d’une Chambre forte de ses diversités tend à se transformer en cauchemar car, aussi longtemps que le Sénégal maintiendra son architecture institutionnelle, l’Assemblée nationale et le Sénat resteront des Chambres acquises ou impuissantes face à l’Exécutif. La nature présidentialiste du régime ne laisse pas d’espace à l’affirmation d’un pouvoir législatif fort. Députés et sénateurs auront beau chercher à affirmer leur liberté de choix en s’appuyant, notamment, sur le caractère non impératif de leur mandat, leur marge de manœuvre restera étroite. Les effets de manche n’y feront rien.

L’Assemblée de rupture, scandée sur tous les tons par des candidats soucieux de relooker l’image très dégradée des parlementaires (une des causes du faible taux de participation), est donc à refonder. Son édification passe par la réorganisation et la redistribution des pouvoirs pour faire barrage à l’impérium, de fait, de l’Exécutif sur le législatif et le judiciaire et sur le dispositif à mettre en place pour le choix des députés. Ce n’est certainement pas trop demander à Macky Sall, ancien président de l’Assemblée nationale, chassé du Perchoir de la manière qu’on sait. Le chef de l’Etat est suffisamment édifié sur les limites de cette institution pour tenter de la rendre plus crédible. S’il veut réellement inscrire sa mandature dans l’appropriation des valeurs fondatrices et émancipatrices de la République, l’affirmation de l’Etat de droit, la culture du service public, l’écoute et la participation du peuple souverain, il faudra bien d’autres paradigmes pour changer profondément le mode de gouvernance du pays.

La Chambre basse du parlement est plus un décorum que le lieu par excellence du débat politique. Le moment est venu de la tirer de son profond sommeil (au propre comme au figuré), non pas seulement en la rappelant à ses obligations, mais en exigeant d’elle des comptes. Qu’attend t-elle par exemple, après chaque fin d’exercice budgétaire, pour se pencher sur la loi de règlement ?

Les assises nationales ont indiqué, dans leurs pertinentes conclusions, des pistes devant mener à la réorganisation des pouvoirs pour tendre à plus d’équilibre. Un Etat ne peut prospérer sans une Assemblée nationale dont la crédibilité est assise sur son indépendance et la représentativité, réelle et non formelle, de ceux ayant charge de voter les lois et de surveiller, dans leur gouvernance, le Prince et ses collaborateurs, au nom du peuple. Son choix reste contestable.
Le député peut être élu, à un seul tour avec moins de 50% des voix.

Le second tour qui s’impose à l’élection présidentielle, si aucun des candidats en lice ne réalise pas plus de 50% des suffrages valablement exprimés, n’est pas prévu pour les autres élections ( législatives et locales). Pire, un député peut être élu, dès le premier tour, au scrutin majoritaire si, dans son département, sa liste arrive en tête avec moins de 10% des suffrages. Bien placé par son parti ou sa coalition sur la liste nationale (scrutin proportionnel), il peut aussi être élu, toujours dès le premier tour, sans battre campagne.

De quelle légitimité populaire peut-il se prévaloir ? Dans le sens d’une quête de représentativité plus effective, ne faudrait-il pas envisager l’élection, à deux tours avec des triangulaires dans certains cas, et dans de nouvelles circonscriptions ? L’élu ne serait plus alors choisi dans un département ou sur une liste nationale mais dans une aire géographique plus réduite.

Renforcer l’Assemblée nationale ne saurait conduire fatalement à l’instauration d’un régime d’assemblée, de nature à installer l’instabilité gouvernementale mais peut conférer à la Chambre assez de prérogatives pour obstruer la voie à toute forme de confiscation des initiatives. En l’état actuel de l’ordonnancement des pouvoirs, l’Exécutif et son chef, véritable monarque républicain ont la prééminence sur toutes les autres institutions. Le Sénégal ne gagne rien à s’installer dans cet enfermement.

Tout au contraire, il s’épuise à perpétuer des modèles en complet décalage avec le temps du monde. On sait ce qu’il en a coûté à des leaders d’avoir voulu imposer une seule voie dans la quête de l’accomplissement de leurs peuples. La démocratie n’a pas besoin d’un homme fort pour tirer le meilleur parti des richesses et des intelligences d’un pays. Elle se nourrit du commerce des idées et de la volonté de travailler en vue de l’atteinte d’objectifs pour la réalisation du destin commun.

sudonline.sn

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