La CREI : Macky Sall tient son Malleus Maleficarum et son Heinrich Kramer

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« Il peut arriver qu’un prêtre de la vérité devienne un champion du mensonge : il enseignera avec zèle ce que lui-même ne croit pas » Arthur Schopenhauer

Nous aurions pu simplement donner le tableau synoptique de la plus grande hérésie humaine (par rapport à la raison) en donnant la table des matières du Malleus Maleficarum (le Marteau des Sorcières), mais nous voulons épargner notre lecteur de telles horreurs. Nous aurions pu dire de cet ouvrage qu’il est la plus grosse projection sur le plan intellectuel de la haine contre les femmes et du désir de les damner dans la peur de revendiquer leurs droits inaliénables, mais cela nous écarterait de notre préoccupation. Nous aurions même pu dire que ce livre illustre parfaitement la grande errance dont le génie humain est capable, mais nous préférons simplement nous en servir comme rappel de l’extrême contingence des certitudes de l’homme et des graves dérives qu’elles peuvent engendrer. Et pour ce faire, nous nous bornerons à montrer que le Malleus et la CREI partagent le même socle (à savoir l’irrationnel, l’émotionnel) et le même mode opératoire (à savoir la délation et l’Inquisition). Dans les deux cas le sort des accusés est entre les mains de l’arbitraire et de la fantaisie de l’inquisiteur : il peut décider de faire confiance à n’importe quel délateur, d’incriminer l’accusé de crimes imaginaires pour ensuite lui demander de prouver son innocence. Alliée du démon, investie de pouvoirs exceptionnels, la sorcière était l’incarnation parfaite de toutes les frustrations et de toute la haine que l’opinion commune ressentait envers sa propre impuissance face au mal du siècle. Cette œuvre diabolique est parue pour la première fois en plein hiver de 1486, c’est-à-dire vers la fin du Moyen ge, période d’obscurantisme ambiant. La première partie du Malleus Maleficrum traite de la nature de la sorcellerie, des rapports entre les démons et les sorcières, de leurs pouvoirs etc. La deuxième partie, illustre le vécu maléfique des sorcières et de leurs victimes, abordant deux thématiques majeures, à savoir : à qui peut nuire le sorcier et quels sont les moyens de défense face aux maléfices. Enfin, la troisième et dernière partie du Malleus est un code criminel abrégé à l’usage des inquisiteurs, où l’on explique comment procéder à la capture, à instruire le procès, à organiser la détention et à l’élimination des sorcières. Les vrais inspirateurs de la chasse aux sorcières et du Malleus jouissaient d’une crédibilité incommensurable à celle dont jouissent les inspirateurs de la CREI et futurs avocats de l’État dans la traque des biens mal acquis. Dans les deux cas les inspirateurs tirent un bénéfice à la fois moral et matériel de l’entreprise diabolique que permettra l’œuvre de Kramer et Jacques Sprenger. L’exploitation de l’irrationnel a toujours servi le spirituel et le temporel. C’est exactement ce à quoi nous assistons avec la CREI : une machination des politiques pour berner le peuple. Jules Michelet (La Sorcière 1862), résume bien la source sournoise et les motivations irrationnelles de l’ouvrage de Kramer : « Le Malleus est le premier ouvrage à combiner les croyances populaires sur les sorcières avec des conceptions théologiques et des procédures légales ». Comme dans le cas de cette chasse aux sorcières, la traque des biens mal acquis s’enracine profondément dans la rumeur et la vindicte populaire. La traque des biens dits mal acquis n’est rien d’autre qu’une forme institutionnelle trouvée à des pulsions revanchardes ainsi qu’à des légendes politiques devenues croyances populaires. Autant le Malleus a un succès populaire immense en surexploitant l’irrationnel, la peur et l’ignorance, autant la CREI a bâti son succès sur le registre de l’émotion. Un peuple désabusé, écrasé par la pauvreté et surtout par le désespoir est naturellement poussé à chercher, non la cause, mais la raison de son supplice : le régime libéral fraichement déconfit faisait l’affaire. On donna ainsi au peuple une occupation stérile et distrayante le temps que les nouvelles autorités balbutient, tournent en rond et occultent leur invincible faiblesse à faire face à la vraie demande sociale. Dans la chasse aux sorcières comme dans la traque des biens mal acquis l’issue du procès ne peut avoir d’autre fondement que l’arbitraire des inquisiteurs. Acquitté ou condamné, l’accusé ne le sera que par la fantaisie du juge, car le crime d’enrichissement illicite, comme celui de sorcellerie n’existe pas ! Nous avons laissé faire et un instrument liberticide nommé CREI et ce monstre juridico-politique a été institué dans notre pays en violation flagrante des droits de l’Homme. Noyés dans un océan de fantasmes collectifs sur Wade et son régime, les Sénégalais, profondément abreuvés à la source des légendes les plus folles au sujet du pilage des ressources publiques, croient en une justice radicalement injuste. Un collègue me reprochait d’être excessif dans mes critiques de la CREI, mais je lui ai fait observer que si cette juridiction s’intéressait à son patrimoine il se retrouverait en prison, car la loi ne permet ni la vacation dans le privé ni l’ouverture d’une structure privée par des enseignants de la fonction publique. Mieux, les ambassadeurs, les juges, les ministres, les directeurs de société des différents régimes qui se succédé dans ce pays ne pourraient échapper à la loi sur l’enrichissement illicite si on la leur appliquait dans toute sa rigueur. La raison est simple la loi sur l’enrichissement illicite n’a rien à voir avec le détournement de deniers publics : il y a ici un déplacement manifeste de la problématique et une volonté de faire dans la confusion. Pourquoi ne pas révéler au public le nom des différents actionnaires des sociétés publiques privatisées dans les années 90 ? Qui sont les différents actionnaires de ces sociétés ? Comment ont-ils obtenu ces actions ? Pourquoi des licences de pêche et de téléphonie mobile ont été toujours bazardées dans ce pays ? D’où est-ce que les dinosaures politiques tirent-ils toute cette fortune qui fait fonctionner leur appareil politique et qui entretient une clientèle jouant le rôle de canon à chair ?

Légende : L’épigraphe de ce texte est dédiée aux défenseurs des droits de l’Homme qui ont abandonné la cause de l’Homme au profit de celle d’un homme.

Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès

3 Commentaires

  1. kéne manoule topando niépou lolou bonioukodéfé kone rewemi tasse dagaye topou béne par bénne wayé bouniou topando niépou thi yone bouséne aye mbockou aki minitan diogée kone kéne douko mana lidianeti

  2. Les Procureurs Alioune N’daw et Diome devront rendre compte s’il ont entrainer le Sénégal dans cette forfaiture qui aura consisté à nous maintenir en haleine pendant deux ans alors que rien n’aurait été trouvé ! Voilà ce qui arrive avec des Magistrats rampants qui, au départ n’avait pas le niveau d’instruction requis pour faire l’ENAM ! Alioune Ndaw n’était qu’un policier qui a su apprendre par cœur des cours dans un pays où il suffit de restituer mot à mot un cours poli-copié pour avoir la note maximum ! Il suffit de voir nos étudiants de l’UCAD qui marchent des heures pour « par coeurer » leurs cours sans rien y comprendre !

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