La liberté rend libre par Malick Noël Seck

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Il m’arrive de me rendre dans les zones inondées de la banlieue de Dakar. Comment ne pas comprendre à l’entrée de Médina Gounass, de Pikine guinaw rail et bien d’autres endroits, le désespoir qui pousse des hommes à traverser la Méditerranée au péril de leur vie ? lors d’une récente visite à Yeumbeul Nord, j’ai tenté de persuader le vieux Mbaye Séne, un notable de l’endroit, de nous aider à implanter une cellule dans la commune pour sensibiliser la population et leur démontrer qu’il existe une autre façon d’aborder et de résoudre les problèmes sociaux. Mbaye Séne est un retraité de la fonction publique, un homme instruit, qui me raconte sans aucune gêne, devant les membres de sa propre famille comment des années durant des « officiels » sont venus « l’agrémenter » d’une aide financière ponctuelle qui en définitive ne résout rien. Les pompes à eau gracieusement offertes par le député X ont disparu, et on connait le coupable, mais trop puissant, nul n’ose l’inquiéter ! Les sommes d’argent remises à quelques chefs de familles pour soi-disant les aider à sortir de l’impasse n’ont pour objet que d’acheter leur silence. Le but, est de corrompre tous ceux qui pourraient se révolter, en achetant l’âme des hommes intègres. C’est ainsi que la classe politique s’achète une conscience, et c’est pour cela qu’ils n’ont même plus à craindre de nous un regard qui les juge! J’ai peine à imaginer que des enfants sont nés ici, et que des hommes comme Mbaye Séne les ont regardé grandir pendant vingt ans et qu’avec des mots, ils ont su les convaincre d’accepter la souffrance qui dure. Or, comme des événements récents en témoignent, il n’y a rien d’acceptable dans la noyade d’un enfant dans une cour d’école primaire ! C’était l’heure de la prière, et l’on marchait vers la mosquée lorsque Mbaye Séne son chapelet à la main, me fit comprendre qu’il souhaiterait me vendre son aide, et devant mon ahurissement il éclata de rire, parce que c’est moi l’idéaliste, c’est moi le naïf, l’aveugle fou qui rêve d’un monde meilleur pour son peuple ! «Arrête Malick, tu es un homme politique, tu sais où trouver l’argent, je voudrais bien t’aider, mais il faudrait que tu me donnes quelque chose», disait-il ! Et tout en parlant, l’air de rien, il s’est faufilé dans la pénombre et a disparu dans l’entrebâillement d’une porte comme si la mosquée l’avait avalé.
Lorsque nous décidions de faire campagne seul, sous l’étendard d’aucune coalition, nous étions perçus comme des aventuriers, des idéalistes et aucune remarque méprisante ne nous fut épargnée. Nous n’usions pour ainsi dire jamais du jargon compliqué des économistes, des explications techniques de nos juristes très habiles à disséquer notre Constitution, après les faits, tous partisans de l’héroïsme sans danger. Pourquoi ne pas prévenir la tragédie au lieu de l’expliquer ? Pourquoi ne pas choisir de rompre avec la République des chiffres et des lettres, celle des institutions fantômes où d’immenses panneaux réclames indiquent l’existence de ministères vidés de leur substance : Ministère de la santé dans un pays où les hôpitaux n’ont pas d’oxygène, où les ambulances n’ont pas d’essence, Ministère de l’intérieur, lorsque l’intégrité du commissaire Keita lui coûte sa fonction, Ministère de l’urbanisme qui a inventé un langage pour expliquer des inondations qui ont dix ans ? Entre les scandales politico-financiers, l’illusion d’une chasse aux biens mal acquis et les discours présidentiels à l’ occasion de chaque fête religieuse, le feuilleton politique suit son cours. Une fois de plus Macky Sall, lors de son discours de fin d’année, aura brillé par son absence d’originalité. On voudrait espérer un langage qui rompt avec la monotonie des promesses faites par ses prédécesseurs et au lieu de cela il nous a offert sans aucune surprise, la continuité. Aucune transparence dans la gestion des biens publics, des décisions prises en faveur d’intérêts particuliers au détriment du plus grand nombre, par un exécutif qui contrôle et décide de tout, et qui de plus en plus incarne la dictature ! On octroie à Eiffage, une société française inconnue, et par entente directe, trente ans de gestion d’une autoroute qui a coûté trois cents milliards au contribuable sénégalais. Puis c’est au tour de Necotrans, une autre compagnie française, qui hérite de la gestion la concession du vraquier du môle 8 du port autonome de Dakar pour les vingt prochaines années et dont les profits seront à hauteur de vingt-cinq milliards de francs par an, privant des entreprises Sénégalaises d’un travail dont elles pourraient s’acquitter et de revenus essentiels à l’émergence d’une classe moyenne. Nous sommes encore dans le contexte d’une croissance sans développement caractérisée par la fuite des capitaux et qui n’a qu’une seule finalité : le développement du sous-développement ! Aucune Offre Publique d’Achat, des projets surfacturés confiés à des entreprises françaises alors que les entreprises des pays émergents couteraient moins cher et un Président de la République qui vient nous souhaiter la «Bonne Année» comme un «omni-niant crachat, une vaste insulte».
Il y a au Sénégal, un fossé insondable entre l’individu et l’ordre, entre l’Etat et la Nation, entre les opportunistes de la politique et le peuple qui souffre. Et pour combler ce fossé il est dans l’usage de nos administrateurs de nous servir des chiffres. Rappelez-vous des mille tracteurs que Macky Sall promettait au monde rural dans son message de fin d’année 2012, Il y a un an. Et qu’est-il advenu au quarante milliards destinés aux inondés ? A quoi sert-il de de célébrer la bravoure de nos soldats lorsque le budget consacré aux anciens combattants pour l’année 2014 s’élève à vingt-neuf millions de francs, ou de parler du baccalauréat arabe lorsque l’Etat n’a pas su placer les bacheliers français de l’année dernière ? Les intentions et les chiffres ne sont pas un remède à la misère, ils ont les mêmes fonctions que les plans quinquennaux staliniens, à défaut de résultats concrets on se fixe des objectifs insensés qui ne sont jamais atteints pour mieux conjurer le sort de façon mystique à l’aide d’équations, de fréquence et de déductions statistiques. On parle d’une couverture universelle, de soins gratuits pour les enfants de moins de cinq ans, pour éviter de mentionner les conditions d’hygiène épouvantables de nos hôpitaux publics ou des hommes et des femmes dorment à même le sol et où les infirmières volent tout simplement les médicaments de leurs patients. Et il va s’en dire que même dans les cas de flagrant délit, elles ne sont jamais sanctionnées parce qu’elles ont un protecteur au ministère.
A l’heure ou le «rapport Védrine » qui se décline en quinze propositions préconise entre autres: le renforcement de l’influence Française en Afrique, l’encouragement des investissements des entreprises françaises en Afrique, et le soutient du financement des infrastructures en Afrique, le Président de la République Française, François Hollande, convoquait à l’Elysée un sommet Franco-Africain réunissant les plus fidèles dictateurs du pré-carré francophone le tchadien Idriss Déby (au pouvoir depuis 1990), Paul Biya (Cameroun, depuis 1982), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville, depuis 1979) ou encore l’assassin de Sankara (Burkina Faso, depuis 1987). C’est vous dire que la promotion de la démocratie n’est pas à l’ordre du jour. Il n’y a jamais eu de partenariat entre l’Elysée/Matignon et l’Afrique, il n’y a que des rapports de domination, ponctués par l’assassinat politique et les coups d’Etats. Les opérations militaires (Serval au Mali, Epervier au Tchad, Sanguiris en Centrafrique, Licorne en Côte d’Ivoire) soi-disant temporaires, se multiplient et s’installent dans la durée, et nous ne cesserons jamais de faire figure aux yeux du monde de peuples acculturés et encore sous domination coloniale. La «bourgeoisie de fonctionnaires» qui dans nos pays domine l’essentiel de la vie politique n’y voit aucun inconvénient, puisqu’elle est la courroie de transmission entre les multinationales qui nous exploitent et les puissances extérieures qui nous occupent. Alors le langage feutré des déclarations de principes énoncées par les technocrates et les énarques ne risque pas de bouleverser l’ordre des choses. Ce qu’il nous faut changer c’est une culture qui a entériné la défaite et qui nous demande de poser comme postulat de départ à tout raisonnement, que l’Afrique seule ne pourra jamais s’en sortir. C’est ce que nous inspirons au monde qui nous regarde et c’est pour cela que nous faisons la risée de la communauté Internationale.
La liberté seule prônée par un leadership ambitieux et courageux, qui choisit ses partenaires au nom des intérêts de la nation, peut garantir l’amélioration de nos conditions d’existence, et cette liberté que les Français chantent dans leurs hymnes, nous la souhaitons également pour nos peuples.
Malick Noël SECK
[email protected]
www.momsarew.org

4 Commentaires

  1. Et pourtant vous qui accusez la france de tous les maux, vous avez soutenus le parti socialiste avec Ousmane Tanor Dieng !!!
    Ou bien vous ignoriez complétement que le PS sénégalais entretient des relations plus qu’étroites avec le PS français ??

    En plus moi j’ai l’impression que vous ne nous tiendriez pas ce discours si Tanor était élu ou tout simplement si vous étiez député
    Aussi vous souligner les problèmes sans proposer de solutions, mais cela est normal au Sénégal, le débat politique ne veux surtout pas s’engager dans la voix des solutions(la faute à tout le monde politique)

  2. voici un texte ecrit par malick Noek seck en 2011..donc il parlait du meme sujet depuis qu il etait dans le ps..

    Côte d’Ivoire: « l’armée française ne gagne que contre les Nègres » Malick Noël Seck

    Gbagbo, comme Allende dans le palais de la Moneda au Chili en 1973, encerclé par les valets de l’impérialisme Français est resté. Là où tout le monde se serait enfui, Gbagbo est resté ! Avec sa femme, ses enfants et sa mère ! Parce qu’il est le seul président reconnu par la constitution ivoirienne, parce qu’il n’a pas un appartement qui l’attend à Londres, à New York ou à Paris. Et pourquoi risquer l’arrestation s’il avait des milliards dans les banques Suisses ? Il est resté pour vivre jusqu’au bout la Tragédie du roi Christophe, et pour qu’enfin « le masque tombe » et que l’on découvre Ouattara, l’homme qui arrive au pouvoir dans un char français, le président de l’ONU, celui qui comme sa femme est un étranger à la solde des puissances de l’extérieur, car qui d’autre qu’un étranger, plutôt que de procéder au recompte des voix que Gbagbo appelait de tous ses vœux, aurait fait appel à une armée de mercenaires pour tirer sur son peuple !

    Je revois Gbagbo assis sur son lit, désabusé, livré par la France aux zouaves noirs qui derrière lui sont en train d’humilier Simone, sa femme, et son regard dit la dernière phrase de Gabriel Péri devant le pelletons d’exécution de l’occupant Allemand : « Imbéciles, je meurs pour vous ».

    La France, aidée de « collabos » africains, nous maintient dans un appauvrissement permanent en faisant jouer les institutions internationales en sa faveur pour justifier les coups d’états militaires et les assassinats politiques qui ont pour fonction de réduire au silence les véritables leaders d’une indépendance réelle. Elle a forcé l’organisation d’élections dans un pays divisé par une rébellion armée qu’elle manipulait en sous-main pour bourrer les urnes et nous imposer son négrier Ouattara, le grand ami de Compaoré l’assassin de Sankara. L’ennemi est en face. Hier c’était un chasseur d’hommes avec son chien, son filet, sa muselière, aujourd’hui il est noir comme vous, il porte un costume, mais il est toujours à la solde de la France. Et croyez moi, les enjeux financiers en valent la chandelle ! Ces enjeux, Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale ivoirienne, les a expliqués dans un livre (1) que les nègres, comme d’habitude, ne liront pas, parce qu’ils préfèrent se référer à la presse française, qui selon eux est plus crédible puisqu’elle est blanche. Cette presse française très habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les ignobles réponses qu’elle y apporte. Or que peut-on attendre d’un journaliste lorsqu’il travaille pour Bouygues ou Bolloré ? Elle ne raconte pas, la presse française, les intérêts de France-télécom qui a bénéficié d’une convention de privatisation dont elle n’a jamais respecté les clauses, ni des conventions obtenues, de gré à gré, par Bouygues, sur l’eau et l’électricité à l’époque où le chef des rebelles, Ouattara, était Premier ministre, ni de l’autoroute du Nord que la France obligeait Gbagbo à confier au même groupe Bouygues.

    Elle est belle l’Afrique, avec ses héros morts que l’on célèbre et qui ne sont plus que des noms de rue, des places publiques et des boulevards à putes en banlieue parisienne. Il n’est plus utile de gloser sur les résultats réels des élections Ivoiriennes, il est clair aujourd’hui que la France, comme jadis au Biafra, est le véritable instigateur de la rébellion en Cote d’ivoire, puisqu’elle s’est battu à sa place dans la bataille d’Abidjan.

    Pauvres Nègres, réduits à nos folklores et nos querelles de poux autour de nos indépendances nominales que les négriers Français, avec la complicité de nos Etats, redéfinissent au gré des circonstances ; vos réactions ne surprennent personne bien au contraire. À l’heure où le monde arabe dans un immense élan fraternel se révolte contre les dictatures que lui a imposé la CIA depuis trente ans, les Nègres que nous sommes courbent l’échine et acceptent le diktat français. Cette même France qui a déporté Bamba, Samory, liquidé El Hadji Omar, la France de la traite négrière, du travail forcé, de la colonisation, celle qui nous vole 69 % de nos devises en échange de la monnaie de singe qu’est le CFA (Colonies Françaises d’Afrique) et qui plus récemment a assisté l’autorité Hutu lorsqu’elle exécutait 800 000 Tutsi, la France qui bourre les urnes au Gabon et au Togo, celle qui chasse Lissouba du pouvoir pour s’emparer du pétrole congolais, cette même France qui humilie vos frères et sœurs tous les jours dans toutes les préfectures de France et de Navarre, vous demande de croire au canular monté de toute pièces par la diplomatie française et les flics de la presse et, en bons nègres, vous courbez l’échine.

    L’armée Française n’est rien, elle a perdu toutes les guerres depuis Sedan, elle ne gagne que contre les Nègres. Vous pourrez désormais regarder vos enfants et en toute confiance leur promettre un avenir pire que le votre, nous n’avons été que les larbins de la France, ils en seront les esclaves…

    Malick Noël SECK

    Secrétaire général Convergence Socialiste

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