La maison d’arret et de correction de Rebeuss : Un enfer pour plus d’un millier de détenus

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Avec une capacité d’accueil de 1600 détenus répartis en 43 chambres, la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss dépasse de loin cet effectif, avec des prisonniers qui s’entassent dans les chambres comme des sardines. Des conditions inhumaines par lesquelles la société leur fait payer des fautes que certaines nient avoir jamais commises.

Un autre monde à l’intérieur de Dakar, c’est ce qu’est véritablement la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss. Les longs murs blancs surmontées des barbelés témoignent que l’endroit est différent des autres et qu’on est bien dans le «domicile» des privés de liberté, lieu communément appelé 100 mètres carrés. De loin, on aperçoit le mirador. À l’entrée principale règne un silence d’enterrement, des gardes pénitentiaires surveillent tout. À l’intérieur, une porte de couleur verte mène au premier bâtiment où se trouvent le parloir, le secrétariat et le bureau du Directeur. Jusque-là on ne voit point de détenus. Quelques pas de plus et s’ouvre une autre porte de même couleur. Difficile de la franchir car elle met en contact direct avec le prisonniers. Dans cette cour où se trouvent le bureau du chef de poste et l’infirmerie, certains prisonniers forment de petits groupes et discutent entre eux. D’autres, par contre, se tiennent debout et nous regardent avec méfiance. Des va-et-vient s’intensifient à l’intérieur. Avec une chaleur insupportable, la chambre 4 est ouverte. Plus d’une centaine de détenus de tous âges y sont entassés comme dans des boîtes de sardines. Les six plafonniers ne servent visiblement à rien. Une chaleur intenable règne dans la chambre qui n’a rien à envier à une chaudière. En sueur, ils sont en général torse nu, tenant des morceau de carton en guise d’éventail. Difficile de respirer dans cet endroit avec l’air qui n’y pénètre pas, surtout en cette période de canicule.
Les petits fenêtres servent de dépôt de sachets, d’habits et de bouteille d’eau. On se croirait dans un camp de réfugiés tant le nombre de prisonniers dans cette seule chambre est pléthorique. Le regard incertain, une tristesse mêlée d’une souffrance atroce se lit sur les visages. Difficile au plus grand stoïque de rester imperturbable devant ces gens. Noircis, les yeux rouges, c’est de beaucoup dont ils sont privés.
Pendant que certains prennent de l’air dans la cour, d’autres attendent dans les chambres, par mesure de sécurité. La section suivante offre le même décor. Détenus de toutes les nationalités se partagent la cour. Chacun essayant de se détendre à sa manière et de tuer le temps qui semble aller à reculons. Les uns lisent des journaux, les autres causent autour d’un fourneau avec une théière.
Dans cette section, les chambres sont plus aérées. Les uns lavent leurs habits sales. Les fils à linge débordent d’habits. Certains étalent même leurs vêtements par terre.
À l’approche, ils vous prennent tous pour quelqu’un venu à leur aide. De ce fait ceux qui sont dans les chambres regardent à travers les grilles de leurs portes et se font entendre. «Je ne suis pas encore jugé», «je suis malade», «nous sommes des citoyens comme tous», «qu’on nous juge ou qu’on nous laisse partir», tels sont les propos qu’ils lancent de manière désespérée.
L’attention du visiteur ne peut ne pas ne pas être captivée par les problèmes de dents que traîne l’essentiel des détenus. Difficile d’en voir un qui ne soit édenté. Une identité commune aux détenus qui est tout sauf un hasard. Selon le médecin major Joseph, les dispositions sanitaires aussi posent problème. Le médecin major de l’infirmerie Joseph Awansou explique ces soucis dentaires par le manque d’hygiène. Une pathologie qui avec les problèmes cardiovasculaires, dermatologiques, les vertiges, troubles du comportement sont celles pour lesquelles il dit recevoir tous les jours 200 détenus. Pour leurs évacuations, les détenus souffrent à cause du manque d’ambulance.
Tant bien que mal, la Maison d’arrêt s’essaie aussi à préparer aux détenus une réinsertion. Au niveau de l’espace socio-éducatif, se mènent ainsi des activités comme la couture, la peinture et l’alphabétisation.

CONFIDENCES DE DETENUS : Des histoires plus poignantes les unes les autres

Entassés dans des chambres, les détenus de la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss vivent le martyre. Une surpopulation inimaginable rend les conditions de vie à l’intérieur insupportables. Mamadou Bâ est pensionnaire à la cabine 2. Il regarde les passants, à travers les grilles de sa porte et ne manque pas nous aborder.
«Je suis dans cette prison depuis janvier 2006. J’attends toujours un jugement, je n’ai pas d’avocat non plus». Ayant perdu ce qu’il avait de plus cher, il confie, «ma femme est morte et mes enfants sont tous dispersés».
Sur les raisons qui l’ont conduit en prison, il dit : «on m’a accusé de complicité de meurtre». Chose qu’il nie catégoriquement. «Dieu sait que je suis innocent», martèle-t-il. Selon lui, «les conditions sont difficiles. Les chambres sont étroites». D’où son appel au secours : «il faut qu’on nous vienne en aide».
Ibrahima Bâ, un détenu plus âgé, vient de finir son linge. Il confie : «Je suis ici depuis 1999. Je m’étais bagarré avec mon jeune frère et c’est ce qui m’a conduit ici. Ma soeur avait engagé un avocat pour ma défense. Il vient ici, mais je ne le vois pas». Fataliste, il lance : «C’est difficile de vivre dans une prison, mais moi je n’ai pas de problème spécial. Je me suis habitué à la vie carcérale».
Dans le même registre, Mody Ndiaye soutient avoir perdu ses parents et dit ne pas avoir de moyens pour se payer un avocat. «Mes parents sont décédés, je n’ai pas de numéro pour joindre mes frères. Je suis ici pour des histoires de bagarre. Les conditions sont mauvaises ici. Nous sommes entassés dans les chambres. La nourriture n’est pas bonne. Les conditions d’hygiène aussi font défaut. On a vraiment besoin d’aide».
Dans la chambre 4 où l’on se croirait dans un véritable camp de réfugiés. Ira Terry, d’origine malienne, explique sa souffrance : «Quand les policiers m’ont pris, ils m’ont frappé et depuis j’ai des problèmes cardiovasculaires. Je n’ai pas encore été jugé et je souffre atrocement». Il soulève son T-shirt et nous montre ses blessures. Dans la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss, les histoires des détenus sont diverses. Dans une chambre obscure débordant de prisonniers, Issa Coly confie : «je suis ici depuis 2008. Je n’ai pas d’avocat. Nous vivons l’enfer ici. Tout ce vous pouvez imaginer comme souffrances. Loin de nos familles, on doit nous juger pour qu’on sache nos sort».

SITUATION CARCERALE DES DETENUS A REBEUSS : Les jeunes avocats parlent de conditions «inhumaines»
Les conditions dans lesquelles vivent les détenus au niveau de la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss indignent l’Association des jeunes avocats du Sénégal (Ajas). Dans le cadre de la semaine d’activités qu’elle organise, l’association a rendu visite aux détenus de Rebeuss, hier, pour s’enquérir de leur situation. «Nous avons été tous impressionnés, à la limite atterrés par cette situation inhumaine de détention» dit Me Antoine Mbengue, président de ladite association.
Guidée par le directeur de la prison, la délégation d’avocats et la presse ont fait le tour des lieux en visitant les différentes sections. «Nous avons démarré ce matin des activités à caractère social. Et ça nous rappelle notre mission en tant que jeunes avocats, premiers défenseurs des droits», ajoute-t-il. Promettant assistance aux détenus, il indique : «Nous allons recenser l’ensemble des noms des détenus qui sont là depuis de longues années, ensuite voir quelles sont les raisons, puis vérifier s’ils ont des avocats et au besoin voir comment en mettre à leur disposition pour qu’ils défendent leur cause». Des fiches vont être laissées au niveau de la Maison d’arrêt pour permettre à tous ceux qui le désirent de s’inscrire et l’Ajas va repasser les récupérer, souligne Me Mbengue.
Le président de l’Ajas ne manque pas de dénoncer le comportement de certains de ses confrères. «Je ne cautionne pas un avocat qui ne voit pas son client, qui ne s’active pas pour le faire sortir de prison. Il faut prendre des sanctions contre ces confrères. Même sans avocat ni moyens, Ajas mettra gratuitement à la disposition des détenus les moyens pour être défendus» soutient-il. Il va même jusqu’à suggérer qu’il faille «donner la liberté provisoire à certains détenus».

EMMANUEL SALIF NGOM, DIRECTEUR DE LA MAISON D’ARRET ET DE CORRECTION DE REUBEUSS : «La Justice ne fonctionne pas comme il le faut»
La population carcérale croît de façon exponentielle à la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss. Et c’est une situation que déplore le Directeur de ladite prison, Emmanuel Salif Ngom. «La justice ne fonctionne pas comme il le faut», se désole-t-il. «En raison des mouvements qu’il y a eu au niveau des travailleurs de la justice, il y a beaucoup de renvois. Ce qui fait que les détenus s’entassent. Avec la surpopulation, il est difficile d’entreprendre quoi que ce soit en termes de sécurité et d’hygiène». À cela s’ajoute, selon lui, «le problème de la vétusté des locaux. Ils datent de longtemps. Il faut procéder à des travaux de réaménagement». «Le problème essentiel auquel nous sommes confrontés est le surpeuplement carcéral» dit-il.
Awa DABO (Stagiaire)
Popxibaar.com

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