« L’affaire Khalifa Sall » ou le symbole d’une élite d’accaparement

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L’histoire de gestion nébuleuse qui défraie la chronique policière et judiciaire ces jours-ci, renseigne sur des pratiques, sinon kleptocrates, du moins clientélistes et illégales auxquelles les équipes municipales successives, toutes obédiences politiques confondues, se sont livrées à cœur joie. Il est juste hallucinant d’entendre de la bouche des uns et des autres que de telles pratiques « d’œuvres sociales ambulantes » ont eu libre court depuis les années 20. Personne n’a nié le caractère illégal de cette redistribution intéressée et politicienne de ces fonds d’essence sociale.

En revanche, il est évident que ceux qui en ont bénéficié ne sont pas d’abord les nécessiteux. Les pauvres! Excepté les carcasses de moutons venant d’Arabie ou de rachitiques moutons obtenus après un marathon de quelques jours dans les bousculades de files indiennes ostensiblement organisées dans les parvis des mairies les veilles de fêtes de Tabaski.

C’est un secret de polichinelle. Les principaux bénéficiaires de ces fonds de caisses d’avance sont principalement une caste maraboutique et coutumière. Certains indexent même des patrons de presse (sic).

L’ancien maire de Dakar pendant près de 20 ans ne s’y est pas trompé. M. Mamadou Diop, qui est aussi un brillant juriste, a préféré brandir le chiffon rouge de l’exhibition de cette liste rouge qui pourrait révéler plein de surprises. C’est un aveu de taille; la reine des preuves dit-on en droit. Analysée sous cet angle, « l’affaire Khalifa Sall » est bien plus que des tribulations judiciaires d’un homme politique confronté à sa mauvaise gestion des derniers publics. Elle est surtout le symbole même d’une société sénégalaise faisant de l’accaparement des fonds et des avantages d’origine politique, une forme « légale » d’accaparement du bien commun par une certaine élite politique, religieuse ou même coutumière. Le sociologue Malick Ndiaye de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, n’a t-il pas évoqué « L’éthique ceddo et la société d’accaparement ou les conduites culturelles des Sénégalais d’aujourd’hui»*

Il est surtout à souligner l’alambiquée ligne de défense politique adoptée par l’actuel maire de Dakar Khalifa Sall. Jouant à fond la victimisation, il mobilise ses ouailles politiques accompagnées par le tonitruant Me El Hadji Diouf qui assure le spectacle de la diversion politicienne plus qu’il ne cherche à justifier, par les voies de droit, l’innocence de son client.

Par ailleurs, même si on ne peut accuser la prestigieuse et réputée Inspection générale d’Etat (IGE) de parti-pris dans sa mission d’audit de la municipalité de Dakar, on peut oser dire que si une personnalité politique de la majorité était sortie vainqueur du scrutin local de 2014 dans la capitale, elle tomberait dans les mêmes travers qui valent à Khalifa Sall ses actuels démêlées avec la justice. Mais serait bien téméraire celui qui parierait un kopeck que le rapport de l’IGE ferait l’objet d’un soi-transmis à M. le Procureur de la République, venant du chef de l’Etat, non moins patron du parti de la majorité. Sous ce filtre, et sans augurer de la suite judiciaire déjà engagée contre l’actuel maire de Dakar, une évidence s’impose de manière inéluctable. L’urgence est en effet signalée d’un toilettage des textes législatifs. Non seulement ceux régissant les caisses d’avance des mairies, mais aussi faire un toilettage, un complément ou des précisions concernant les fonds politiques votés pour le compte du Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, etc. C’est le sacrifice à faire si on veut éviter la prolifération des affaires.

Par Cheikh Lamane DIOP

Journaliste, analyste politique

E-mail: [email protected]

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