Lamine Diallo, maire de Thiès Nord, sur le référendum : «Nous avons gagné la commune sans la manière»

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Si Idrissa Seck a vu son score dans la commune de Thiès réduit par Benno bokk yaakaar, il demeure tout de même «maître incontestable» dans la Cité du rail. C’est la lecture du maire rewmiste de Thiès Nord. Dans cet entretien, Lamine Diallo parle de la défaite du «Non» dans le département, de l’Acte 3 de la décentralisation qui n’a rien changé, de son différend avec le maire de la ville, Talla Sylla, etc.

Pour la première, fois Idrissa Seck a perdu le département de Thiès. Comment analysez-vous ce recul constaté lors du référendum ?
On ne peut pas parler de recul parce que c’était une consultation populaire sur les réformes constitutionnelles proposées par le président de la République. Donc, en aucune manière la personne de Idrissa Seck n’était en jeu. Il faut dire que Idrissa fait partie des rares hommes politiques qui ont pu garder leur base politique pendant plus d’une décade et face à des pouvoirs. Il n’y a pas un homme politique de cette dimension dans ce pays. Il est toujours dans le cœur des Thiessois. Le département a deux députés issus du parti Rewmi. Il faut attendre juillet 2017 pour voir véritablement si nous avons perdu le département ou pas.

Mais reconnaissez-vous néanmoins que le Rewmi perd du terrain à Thiès ?
C’est normal. Après Abdoulaye Wade, c’est au tour de Macky Sall aujourd’hui, qui ne lésine pas sur les moyens. Malgré tout, il reste le maître incontestable de Thiès. C’est cela qui est beaucoup plus important. C’est vrai que lors du référendum, nous nous sommes rendu compte quand même qu’il y avait du travail à faire à la base. Peut-être que les Thiessois se sont tout simplement dit que comme la personne de Idrissa Seck n’était pas en jeu et que c’était une question qui leur avait été posée, ils vont tout simplement répondre. Avant de parler de recul, nous allons attendre les résultats les élections législatives, celles Locales ou même de la Présidentielle.

Comment expliquez-vous qu’aux dernières Locales votre coalition And Défar Thiès ait battu Bby avec un écart de 11 mille 195 voix dans la commune et qu’au référendum vous n’obteniez que 5 782 voix de plus devant la mouvance présidentielle ?
Il y a d’abord un taux d’abstention extraordinaire. Thiès n’a pas voté. Nous sommes en train d’étudier pourquoi ce manque de motivation des Thiessois. Et je crois que les élections législatives qui pointent à l’horizon seront un moment de test grandeur nature pour définir la position de Idrissa dans le département. Mais ce qui est important et qui demeure constant, c’est que Idrissa reste et demeure le maître à Thiès.

Partagez-vous la position de votre leader qui soutient qu’il y a une manipulation de la part du pouvoir pour entacher sa «belle victoire» dans la ville comme dans le département ?
Nous avons gagné dans la commune de Thiès. C’est le fief de Idrissa Seck. S’agissant du département, à la veille du référendum, tous les maires ont été reçus par le président de la République et ont tous fait acte d’allégeance à l’Apr. Nous avons aussi noté des achats de conscience à une échelle insoupçonnée. Tout cela parce qu’il fallait mettre en minorité un homme politique. Ils l’ont peut-être réussi dans le département, mais la commune Thiès reste toujours fidèle à Idrissa. Et même dans le département, il faut relativiser parce qu’il y a toujours de la résistance dans les communes de Ndiéyène Sirakh, Pout et Khombole. Nous avons fait une analyse objective de tout cela après le référendum et aujourd’hui le parti est en branle pour maintenir les acquis politiques que nous avons dans le département. Mais également aller vers la massification avec l’ouverture à d’autres forces politiques dans le département.

Quelle est maintenant votre stratégie pour faire face à la coalition au pouvoir qui est en train de réduire l’écart ?
Par exemple dans la commune de Thiès Nord que je dirige, j’ai eu 9 600 voix lors du référendum. Or lors des élections locales, j’avais 7 600 voix. J’ai fait un bond de 2 000 voix. Mais cela ne se ressent pas parce qu’il y a l’Apr qui nous talonne. Mais nous avons fait notre mea culpa. Nous avons analysé les résultats et aujourd’hui des stratégies sont en train d’être élaborées pour maintenir les acquis que nous avons, mais aussi creuser davantage l’écart qui nous sépare de l’Apr parce que Thiès est le fief de Idrissa. Il ne s’agira pas donc de gagner, mais de gagner avec la manière. Nous avons gagné la commune, mais la manière n’y était pas parce que l’écart était trop serré. Nous avons fait ces analyses là et aujourd’hui tous les responsables politiques ont reçu des orientations du président Idrissa pour que le parti soit davantage structuré, animé au niveau des bases.

Qu’attendez-vous des réformes qui ont été adoptées le 20 mars ?
Je crois que nous avons raté dans ce référendum une belle occasion de réunifier les Sénégalais autour de l’essentiel parce qu’il y a deux camps au Sénégal. C’est dommage ! Les 15 points de la réforme n’ont pas fait l’objet de larges concertations. Et même s’il y a une majorité électorale qui a accordé un «Oui» à ce référendum, il reste néanmoins une majorité écrasante des Sénégalais qui ne s’est pas déplacée ou bien qui a voté pour le «Non». Cela veut dire que si aujourd’hui ces réformes devaient stabiliser la démocratie sénégalaise et le pays, cela n’est pas le cas, car si demain l’opposition arrive au pouvoir, tous ces points peuvent être rangés dans le tiroir, même le caractère intangible de la durée du mandat. Parce que c’est un faux problème, rien n’est intangible. Mais s’il y avait eu un consensus fort autour de la réforme, je pense qu’on pourrait rester pendant 50, voire 100 ans sans pour autant toucher à la Constitution.

Quelle est la position de Rewmi sur le dialogue annoncé par Macky Sall dans son message du 3 avril ?
C’est ce jeu de dupe-là qui n’est pas bon pour une démocratie majeure comme le Sénégal. Il ne s’agit pas de jouer à cache-cache et d’essayer de tromper l’autre. Le Président annonce des choses, mais en réalité il n’y a aucun acte posé dans ce sens. Aujourd’hui, après avoir réglé sa Constitution, il vient dire à l’opposition : «Allons-nous asseoir pour discuter.» Discuter de quoi si ce Président peut vous parler d’une chose aujourd’hui et se dédire demain ?

 Que pensez-vous de l’Acte 3 de la décentralisation ?
L’Acte 3 de la décentralisation est une réforme qui pouvait apporter des changements s’il y avait des concertations sur la question. Nous restons sur notre faim. On a dit partout que l’Acte 3 allait apporter une révolution dans la gestion des Collectivités locales et créer une rupture par rapport aux moyens substantiels que l’Etat va allouer aux Collectivités locales pour leur permettre d’assumer leurs responsabilités. Au temps des communes d’arrondissement, le maire percevait 500 mille F Cfa. Avec l’Acte 3, il perçoit 300 mille F Cfa. Les fonds de dotation tournent autour de 30 millions de F Cfa et les fonds de concours, 8 millions de F Cfa. Et ce sont ces fonds de concours qui nous permettent de faire des réalisations. Donc, il n’y a pratiquement pas de changement majeur. Certes il y a une volonté de rendre autonomes ces communes-là, mais les moyens qui peuvent les permettent de l’être ne sont pas encore là.

Donc, comment gérez-vous les dépenses de votre commune si vous n’avez pas de moyens ?
Le budget de la commune Nord tourne autour de 400 à 500 millions de F Cfa par an et nous avons 200 millions de masse salariale par an. Sans comptez les dépenses de fonctionnement et d’investissement. Donc, vous ne pourrez pas faire grand-chose. Le budget de fonctionnement dépasse plus de 150 millions de francs Cfa et vous n’avez que 50 millions de francs comme capacité d’investissement. Pour une commune qui fait plus de 102 mille habitants, vous n’avez qu’une capacité d’investissement qui ne dépasse même pas 60 millions de F Cfa. C’est à revoir. Et au même moment où les Collectivités locales reçoivent 22,5 milliards de F Cfa de l’Etat, ce dernier donne 30 milliards de F Cfa à la Bourse de sécurité familiale. Je pense que si aujourd’hui le développement devait se faire à partir des Collectivités locales, il faudrait d’abord les accompagner pour mieux asseoir le développement à la base au lieu de faire de la charité aux populations.

Comment se portent vos relations avec Talla Sylla ?
Ce sont des relations de maire à maire. Il est maire de la ville de Thiès et moi celui de la commune de Thiès-Nord. Donc, forcément il doit y avoir une mutualisation de nos efforts parce que la ville n’ayant pas de territoire viable, ses actions se déroulent dans les communes. Aujourd’hui, il y a nécessité donc de s’entendre pour que l’on puisse travailler en synergie. Sur ces principes, nous n’avons aucun problème parce que nous tous nous devons œuvrer pour le bien des Thiessois.

Certains soutiennent pourtant que vous ne vous entendez sur rien ?
Si on doit s’entendre, il faut aussi que chacun de nous respecte ce que dit la loi. La ville, sous la loi 1996, n’est plus celle sous la loi 2013. En 1996, elle avait une compétence sur tout parce qu’avec la loi 96, si la ville venait d’être mise sous délégation spéciale, les communes d’arrondissement allaient mourir avec elle. Aujourd’hui, cela est dépassé parce qu’elle n’a aucune suprématie encore moins une hégémonie sur les autres communes. Nous sommes à égale dignité. Il faudrait quand même que la ville sache cela et se conforme aux textes et tout le monde se portera mieux.

Qu’en est-il aujourd’hui de votre différend sur l’installation des cantines au marché central ?
Aujourd’hui avec ces cantines que nous avons construites, on peut se promener sur l’axe Diakhao. Tout le monde est d’avis que ces cantines ont participé à la stabilisation de cette voie. Et si on ne l’avait pas fait, qu’est-ce qui serait à la place de ces cantines ? Du désordre. La nature ayant horreur du vide, il fallait anticiper. Nous avons anticipé après le déguerpissent du marché Sam en valorisant l’espace. Nous avons fait ces cantines et les populations de Diakhao ont apprécié. Le projet devrait continuer sur la partie restante, mais nous avons buté sur la société de transport ferroviaire Transrail (Ndlr : aujourd’hui devenue Dakar-Bamako ferroviaire) qui nous a dit que l’espace lui appartient. Mais vous allez là-bas, il y a l’insécurité, le désordre et les femmes occupent même la voie ferrée pour faire leur commerce. Nous interpellons l’Etat par rapport à la sécurité des populations. Les trains passent chaque jour sur cette voie et ils laissent parfois des produits chimiques, toxiques. Ces produits détruisent petit à petit la santé de ces vendeurs qui s’installent le long de cette voie ferrée.

[email protected] (Correspondante)

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