Lamine Dieng : «Pour la succession de Giresse, je suis partant»

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Champion du Sénégal avec l’As Douanes en 1988 et le Jaraaf en 2009, Lamine Dieng, ancien sélectionneur des Lions, est dans les starting-blocks pour la succession d’Alain Giresse. Il dégage dans cet entretien sa vision… du jeu.

Comme d’habitude, avant cette Can, tout le monde s’est accordé à dire que le Sénégal avait un bon potentiel. Mais en phase finale, on a souvent du mal à passer le premier tour. Pourquoi ?

Généralement, il y a le facteur chance, mais il nous faut un véritable travail en amont, pour espérer produire des résultats probants. Si je devais m’exprimer de manière triviale, je dirais que si on a des œufs et de l’huile, on est en droit de s’attendre à une bonne mayonnaise. Mais tout dépend de celui qui doit faire en sorte que la mayonnaise prenne. L’être humain n’est pas réductible à un objet ou à une chose. C’est un problème de cohésion. J’ai toujours dit que c’est en produisant un jeu de qualité qu’on provoquera, peut-être, la chance d’aller plus loin dans les compétitions. On ne peut pas toujours bien jouer et toujours perdre. On peut mal jouer et gagner, mais on ne peut pas toujours mal jouer et toujours gagner.

La particularité, avec le Sénégal, c’est qu’on traverse souvent les éliminatoires en habit de lumière, avant de se métamorphoser en phase finale…

Je prends encore un autre exemple : prenez un pantalon, le premier pli que le tailleur y fait, il sera difficile de l’enlever, d’en faire un autre à côté. Si les choses sont bien en place et bien assimilées, quelles que soient les circonstances, si l’on parvient à résoudre les problèmes d’émotivité, que le joueur ne soit pas dans des conditions de jeu improvisées, qu’il soit lui-même pendant un match, il n’a pas de raison que les résultats ne suivent pas. En amont, on aura inculqué au joueur ce qui fait le jeu collectif, le jour-j, il n’y a pas de fausses notes. Nonobstant des problèmes liés à des facteurs exogènes (un public hostile, par exemple) rien ne l’empêchera de s’exprimer dans un cadre collectif. Si les joueurs savent qu’il y a un langage commun et qu’ils s’expriment à travers celui-ci, les expressions individuelles se feront naturellement. Parce qu’elles sont les relais de l’acte collectif. Il faut travailler dans ce sens. Je ne crois pas à autre chose.

Après une demi-finale à la Can 2006, on pensait que Amara Traoré pouvait nous faire oublier Tamalé. Malheureusement, il n’a pas survécu à Bata. On a fait appel à Alain Giresse pour soigner les blessures. Mais à peine la plaie cicatrisée, l’Algérie y met le doigt. Comment éradiquer définitivement ce mal récurrent ?

Je prends mon exemple. Je peux considérer les événements vécus en équipe nationale comme des éphémérides, compte tenu du temps que j’ai passé avec cette équipe. J’ai quitté sur une victoire (6-1) contre le Mozambique et avec la manière. Mais compte tenu des circonstances internes, j’ai préféré partir. La deuxième fois (1992-1993), on s’était inscrit dans une perspective de campagne. Les gens m’ont jugé à travers les résultats, quantitatifs ou qualitatifs de l’Uso, pour me confier la Sélection. J’ai fait quatre mois, parce qu’on s’était inscrit dans une logique de qualification à la Coupe du monde et à la Coupe d’Afrique. Nous avons eu la malchance d’être éliminés en Coupe du monde et les gens m’ont remercié. C’est une action qu’on doit inscrire dans le temps pour pouvoir faire émerger les aspects résiduels de cette expérience. Ce n’est que par la qualité de notre jeu qu’on pourra résoudre les problèmes qui se posent à l’équipe. Quand on a des talents, il faut aussi savoir faire les bons choix et respecter les équilibres. A partir de là, on ne s’occupera même plus de l’adversaire, on imposera notre façon de jouer. Parce qu’on l’aura suffisamment maîtrisée.

Mais pour maîtriser ces aspects du jeu, ne faudrait-il pas laisser aux entraîneurs le temps d’apprendre de leurs éventuelles erreurs ?

Absolument ! Thomas Edison a inventé la lampe électrique après 999 expériences qui ont avorté. On ne peut pas dire que ce sont des échecs. Il a appris de cela, à la millième expérience. On lui doit aujourd’hui la lumière électrique. Ce sont des expériences nécessaires, des constructions qui s’inscrivent dans le temps et qui aboutissent nécessairement à des résultats. Confier l’équipe nationale à quelqu’un pour deux ans, ce n’est pas pertinent. Il faut s’inscrire dans le temps, quatre ans au minimum. A partir de là, avec un bon manager et si tous les acteurs vont dans le sens de construire, on aura une équipe ayant une âme. C’est possible. Mais il faut aussi qu’on ait une certaine philosophie, même si le terme est un peu galvaudé. Un projet de jeu, une philosophie, c’est à partir d’un diagnostic clair, qui doit servir de base pour nous fixer un objectif précis. Il s’agit maintenant de jalonner ce parcours pédagogique avec des constructions successives, jusqu’à ce que l’équipe soit capable de jouer les yeux fermés.

Pour faire un bon diagnostic, il faut être un bon médecin…

On a fréquenté de grandes écoles : la Bundesliga et l’école française. Jusqu’au plus haut niveau (diplôme d’entraîneur de troisième degré de la Bundesliga). Les Allemands tiennent aujourd’hui le haut du pavé, après avoir révisé l’ancienne philosophie, où il ne fallait mettre que des mastodontes sur le terrain. Il y a une nouvelle philosophie qu’on voit à travers le jeu du Bayern, de Dortmund et de l’équipe nationale. Les joueurs de ces équipes font l’admiration de tous, parce qu’ils produisent un jeu basé sur le spectacle, mais un spectacle efficace. C’est possible.

Mais pour réussir cela, il faut avoir les mêmes hommes ?

Nos joueurs ont même, peut-être, des qualités que les Allemands n’ont pas. Mais il faut aussi qu’on leur inculque certaines qualités que nous (les Sénégalais) n’avons pas. Par exemple, au plan psychologique, les gens disent que les Allemands sont très rigoureux, disciplinés. Non seulement ils ont ces qualités intrinsèques, qui nous font défaut parfois, mais ils y ajoutent l’enthousiasme, l’engagement, la créativité. C’est à partir d’un constat, d’un diagnostic de fond que les Allemands se sont inscrits dans cette perspective. Aujourd’hui, ils dament le pion à l’Espagne, joueuse devant l’Eternel, le Brésil, battu (7-1) chez lui. Après un diagnostic, les Allemands ont compris que la voie où s’ils s’étaient inscrits était une voie de garage : c’est-à-dire, privilégier la force physique. Ils ont compris qu’au-delà des qualités physiques, il faut l’enthousiasme, la créativité, l’intelligence dans le jeu. Ce ne sont pas des caractères mineurs, mais les qualités premières d’un footballeur. Un avocat se distingue par sa qualité oratoire. Je n’ai rien contre les maçons, je les adore, mais on ne va pas en prendre pour aller plaider. On ne demande pas à un charpentier de construire une maison en dur.

N’êtes-vous pas un peu idéaliste ?

Absolument pas ! Il faut juste convaincre les acteurs. Ils ont déjà cette capacité à créer. Il suffit de mettre les joueurs ensemble et de leur montrer qu’ils ont un rôle à jouer. Mais surtout, leur donner l’envie de jouer. Quand je vois des entraînements où les gens passent le plus clair du temps à courir, je me dis : ce n’est pas de l’athlétisme ! On se sert de l’athlétisme, du dosage de l’effort pour améliorer un joueur. Mais le football, c’est avec le ballon.

Au regard de tout ce que précède, on a envie de dire : pourquoi pas Lamine Dieng sur le banc des Lions ?

Je suis partant. Avec les enseignements de mes expériences passées en sélection, cette fois-ci serait la bonne.

Depuis 2006, vous avez toujours manifesté votre intérêt pour les Lions. Mais vous semblez prêcher dans le vide…

Oui ! Si j’allais en profondeur, j’aurais beaucoup de contradictions. Parce que je n’ai jamais voulu me postuler car, les gens me connaissent. Pour certains, j’ai entraîné dans leur club. Pour d’autres, ils me voulaient m’engager dans leur club. Pourquoi cette non acceptation d’une candidature de Lamine Dieng ? Je ne me suis jamais posé cette question. Un choix n’est jamais objectif et c’est en fonction de sa vision du monde qu’on choisit. Même si par ailleurs, les résultats pèsent sur la balance. C’est aussi le jeu. Quand on choisit quelqu’un, on en élimine d’autres, peut-être plus aptes à faire le job. Mais on a quand même une vue partielle des choses.

Vous allez rester fidèle à cette ligne, ou vous allez postuler, si appel à candidature il y a ?

Pourquoi déposer une candidature, dans un pays où l’on vous connaît ? Ce sont les gens qu’on ne connaît pas qui doivent se présenter. Ma trajectoire est claire, limpide comme l’eau de roche. Quand je prenais l’équipe nationale (deux fois), on ne m’a jamais demandé de déposer une candidature. On m’a nommé. Tout simplement.

Votre passé en sélection est-il un avantage ou un inconvénient pour vous?

C’est un plus. Il y a aussi la somme des expériences et l’âge. En bon croyant, je ne devrais même pas prendre l’exemple du vin, qui se bonifie en vieillissant (rire). L’âge, c’est la sagesse. J’étais relativement jeune quand je prenais les rênes de l’équipe nationale du Sénégal pour la première fois, avec 34 piges. Aujourd’hui, j’ai gagné en maturité. Il n’y a pas beaucoup de choses qui peuvent m’ébranler sur le plan émotif. A l’époque, (après la débâcle de 92), on n’avait même pas de plots. On prenait des seaux de vanish qu’on remplissait avec du sable. Pour sa première sortie, l’équipe nationale, composée de locaux, avait battu (2-0) le Togo, qui avait 11 professionnels dans ses rangs. N’est-ce pas une bonne leçon ? Aujourd’hui, on a de bons footballeurs et des conditions qui vont avec la performance. Malheureusement, on n’en profite pas.

Qu’est-ce qui avait provoqué votre départ ?

Après la Can, toute l’équipe fédérale était partie, y compris le président. Il n’en restait que le secrétaire général, Ibou Ndaw Kébé. Qui était un agent du ministère. J’étais le coordonnateur des équipes nationales et responsable de la sélection A. C’était pour moi une question d’honneur, que tous les membres des staffs techniques soient payés. Mais quand la nouvelle fédération est arrivée, elle a balayé tout cela en un revers de main. Je leur ai dit : je m’en vais. C’est dans ces conditions que je suis parti en Afrique du Sud.

Pour la succession de Giresse, on pose le débat en termes d’expertise locale. Ne devrait-on pas mettre en avant la compétence pour donner plus de légitimité au futur sélectionneur ?

Les entraîneurs locaux ne posent pas le débat de la sorte. C’est l’opinion publique qui va dans ce sens. Je suis de cet avis, sans jeter l’opprobre sur les entraîneurs étrangers. Le résultat positif sera la rencontre entre un coach et des joueurs, qui tirent dans le même sens. Il faut de bons footballeurs, un coach au fait de la discipline et de la baraka. Mais le premier critère, c’est la compétence. Est-ce que celui qui occupe le poste, compte tenu de son background, a les capacités requises pour tenir une sélection ? Il ne faut pas fuir ce débat.

Source : L’Observateur

1 COMMENTAIRE

  1. REGARD D UN CITOYEN ORDINAIRE, SUPPORTER ET PATRIOTE . lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll LE PROBLÈME DE NOTRE FOOTBALL NATIONALE N EST NI TECHNIQUE NI MYSTIQUE ,NE PARLONS NON PLUS DE PERSONNE !!! NOTRE HANDICAP VIENT DE NOUS MÊME ; ELLE EST: DU DEDANS ! c’ est un problème de mentale , d’engagement ,de concentration ,d état d âme , bref…de préparation psychologique…OUI , L EXPÉRIENCE A QUELLE QUE CHOSE DE BON … PRENONS EXEMPLE DE L EQUIPE DE FRANCE AVANT LES GUIRESSE ET AUTRES…NOUS CONSTATERONS PRATIQUEMENT LES MÊMES SYMPTÔMES QUI FRAPPENT NOS LIONS. PRIS INDIVIDUELLEMENT CHAQUE JOUEUR VALAIT SON PESANT MAIS UNE FOIS DANS LE COLLECTIF IL PERD TOUTES ORIENTATIONS, ET DE RIGUEUR ,DE COMPORTEMENT ET D’ ENGAGEMENT DANS LE TERRAIN . A L EPOQUE LE GÉNIE FRANÇAIS AVAIT TROUVAIT LA SOLUTION DANS UNE REFLECTION GLOBALE ET SÉRIEUSE VIS A VIS D EUX MÊMES SANS CHERCHER « MIDI QUATORZE HEURS DES REMÈDES MILLES FOIS ESSAYÉES ET SANS RÉSULTAT POSITIVE L’ EQUIPE NATIONALE FRANÇAISE DEPUIS C’ EST MÉTAMORPHOSÉE EN REDEVANT ELLE MÊME !!! UN ENTRAÎNEUR NATIONALE PÉTRIT DE SES MEILLEURES VALEURS UN PATRIOTE SANS « CHICHIS » ET SURTOUT COMPRENDRE QUE L ENGAGEMENT MENTAL ÉTAIT LA PREMIÈRE LA BASE DE TOUTES QUALITÉS RECHERCHÉES ILS AVAIENT FAIT APPELLE A TOUTES FORCES SUSCEPTIBLES D AMENER LA SOLUTION …MÊME D AUTRES SPORTIFS ONT CONTRIBUE PAR RAPPORT A LEUR RÉSULTAT DANS LEUR DOMAINE A L EXEMPLE DE YANNICK NOA ET D AUTRES…JE PENSE QUE NOTRE EQUIPE NATIONALE TRAVERSE EXACTEMENT LES MÊMES DIFFICULTÉS DANS SON PROCESSUS D EVOLUTION IL NOUS FAUT UN REFORMATAGE DE L ESPRIT COLLECTIF CECI NE PASSERA QUE S IL Y A RÉELLE VOLONTÉ…..DES DIRIGEANTS JUSQU’AUX JOUEURS ET LAISSER INTACT L AGACEMENT DU DOUZIÈME SEUL VÉRITABLE EXEMPLE. MERCI

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