L’armée américaine égare des restes de soldats

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Une enquête au sein de la morgue recevant les corps des soldats américains tombés en Irak ou en Afghanistan a mis en évidence de nombreux dysfonctionnements.

Un bras scié, une cheville égarée, un morceau de corps disparu … L’armée américaine a rendu public un rapport d’enquête démontrant de nombreux dysfonctionnements dans la morgue de la base aérienne de Dover (Deleware), par laquelle transitent les corps des soldats tombés en Irak ou en Afghanistan avant qu’ils ne soient rendus aux familles.

Ces corps arrivent bien souvent en très mauvais état, déchiquetés par l’explosion d’une bombe ou d’une mine. Les restes humains sont donc placés dans des sacs zippés dans l’attente d’un test ADN permettant de déterminer à quel corps ils appartiennent. Or, trois employés civils de la morgue ont remarqué que la «traçabilité» de ces morceaux de corps était mauvaise, et que certains sacs se retrouvaient mystérieusement vides, sans que l’on ait la moindre d’idée d’où pouvait bien se trouver leur contenu.

Ces trois employés ont dénoncé en 2010 une quinzaine de cas, provoquant l’ouverture d’une enquête interne. L’un d’entre eux a ainsi expliqué la pagaille qui régnait dans la morgue un jour de juin 2009, alors que les restes de deux pilotes de jet qui s’étaient écrasés en Afghanistan étaient arrivés dans le service. «C’était dur de suivre tout ce qui se passait. Les enquêteurs touchaient beaucoup aux sacs, partaient avec, revenaient, etc … c’était le bazar».

Bras scié et placé dans la jambe d’un pantalon

L’enquête a mis en avant quatre cas emblématiques. En 2009, un sac contenant la cheville d’un soldat tué en Afghanistan a été retrouvé troué et vidé de son contenu. Le sac était conservé dans un congélateur depuis 7 mois, et la cheville n’a jamais été retrouvée. Trois mois plus tôt, deux autres sacs avaient également été découverts vides. Les restes ont été localisés dans des étagères de rangement sous l’endroit où étaient placés les sacs. Bis repetita en juillet 2009 : un morceau de chair appartenant à un des deux pilotes tués dans un crash en Afghanistan disparaît et n’a jamais été retrouvé. Il devait subir des tests ADN pour déterminer à quel cadavre il appartenait. Autre dysfonctionnement, le cas d’un corps contaminé par la tuberculose et qui n’a pas été traité de manière à éviter que le virus ne se propage dans la morgue, rapporte le Washington Post.

L’enquête a également mis en avant un cas de dégradation volontaire d’une dépouille. Souhaitant respecter le désir d’une famille que le corps d’un défunt soit revêtu de son uniforme de Marine, les employés ont sectionné un bras qui avait été placé à 90° du tronc par le souffle de l’explosion d’une mine, et qui ne pouvait être déplacé. Le bras coupé a ensuite été placé dans le pantalon de l’uniforme. Si le geste partait d’une bonne intention, les responsables de la morgue n’ont pas jugé nécessaire de demander l’autorisation de la famille avant de mutiler le corps.

Responsables sanctionnés mais pas licenciés

L’enquête interne a conclu a une «mauvaise gestion flagrante» de la morgue. Trois responsables de l’unité ont été sanctionnés. Deux d’entre eux ont été réaffectés ailleurs et rétrogradés, tandis que le troisième, qui a le grade de colonel, ne pourra plus grimper dans la hiérarchie de l’armée de l’air américaine. Ces hauts-gradés n’ont pas été licenciés car «si leurs actes n’étaient pas appropriés, ils ne l’ont pas fait de manière délibérée», a estimé le chef d’état-major de l’armée de l’Air, le général Norton Schwartz. «Sans minimiser les fautes qui ont été commises, il s’agit d’un travail extrêmement difficile».

Cette prise de position a révolté l’Office of Special Counsel, une agence fédérale indépendante qui recueille les témoignages d’employés souhaitant dénoncer de manière anonyme les mauvais agissements de leur entreprise. «L’armée de l’Air n’a pas pris de sanctions disciplinaires suffisantes contre les responsables de ces dysfonctionnements», écrit la directrice de l’agence dans une lettre ouverte. Elle précise qu’un des responsables de l’unité, mis au courant de la plainte des trois employés, a tenté de faire licencier l’un d’entre eux, et a cherché à minimiser son rôle dans l’affaire.

L’agence explique également que l’Armée n’a pas totalement admis ses fautes. «L’armée de l’Air reconnaît des ‘négligences’ dans tous ces incidents, mais persiste à dire qu’il n’y a aucune obligation de signaler aux familles» qu’un morceau de corps a été perdu. Le chef de l’État-major a en effet admis que l’administration de l’Armée de l’air avait été mis au courant de ces dysfonctionnements en 2010, mais a attendu la semaine dernière pour avertir les familles concernés que des restes de leur fils, maris ou frères avaient été égarés.

avec lefigaro

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