Le discours de la Tabaski

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La lucidité n’a jamais fait un mauvais acteur politique. En démocratie, le système condamne irrémédiablement qui veut s’en réclamer tout en menaçant d’aller à son encontre. Quand l’opinion est aussi versatile qu’elle en donne régulièrement la preuve, il devient difficile d’inscrire une action d’envergure dans la durée, avec les mêmes instruments de mesure qu’au lancement de l’initiative. Se pose alors l’approche communicationnelle dans la conduite des projets politiques.

Le Président Abdoulaye Wade avait étonné bien des observateurs en donnant pour toute explication à la raclée infligée à son camp le 23 juin dernier : « nous avons été surpris ». L’usage de la première personne du pluriel s’applique-t-il à l’Etat dont Me Wade est le Chef ou à la CAP 21 ayant le PDS du même Wade, comme moteur ? Dans un cas comme dans l’autre, le Président de la République se révéla dans une posture de dirigeant mal préparé à gérer une crise qui, pourtant, était prévisible au moins quarante-huit avant l’épisode de l’Assemblée Nationale et son prolongement dans les rues. Depuis, la mouvance présidentielle est passée à l’offensive, par la dénonciation des « va-t-en-guerre ».

Et ceux qui sont identifiés comme porteurs de menace à la paix civile se trompèrent à leur tour. Les journées des 23 et 27 juillet étaient ainsi présumées reproductibles au moindre claquement de doigt. Même si la dernière, faite de vols, agressions et violence gratuite a été rapidement condamnée part tous les acteurs de la scène politique. Si du côté de l’opposition, les messages de condamnation ont été très contenus, le pouvoir a, depuis, saisi la balle au rebond. Et le M23 lui a grandement facilité la tâche.

En promettant que le Sénégal pourrait connaître une tragédie avec à la clé « 3000 morts » avant « l’intervention des nations Unies », des radicaux du Mouvement contestant la candidature de Me Abdoulaye Wade ont progressivement déplacé l’axe de la communication démocratique. Le refus des partenaires au développement de « s’immiscer dans les affaires intérieurs du Sénégal » (un euphémisme en vérité), la multiplication des appels au respect des Institutions, les messages de conciliation venus de partout, notamment des familles religieuses autant que du citoyen lambda semblent avoir eu raison des maximalistes.

Profitant de la Tabaski, le Président de la Rencontre Africaine de Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) se présente à l’opinion, l’arme de la lutte démocratique en bandoulière. Comme Abdoulaye Wade, au lendemain du 23 juin, le Mouvement né de cette crise a déroulé depuis plusieurs mois un mauvais plan de communication. Menacer le Sénégal de troubles et faire le tour de places influentes dans le monde pour préparer les opinions publiques au « pire à venir » a été une erreur. On ne peut en effet, s’illustrer de cette manière et espérer « surprendre » une nouvelle fois.

Bien entendu, Wade serait le grand perdant dans une crise violente aboutie suivant les attentes de ceux qui veulent prendre ce raccourci. Certains ne perdent pas de vue cependant, que l’inverse est envisageable. Ce qui donnerait au Pouvoir l’occasion de remettre aux calendes africaines et peut-être militaires, l’organisation d’une élection démocratique dans le respect du calendrier républicain.

Le problème c’est qu’il n’y a pas d’alternative à la pression soutenue et -au besoin- multiforme, pour qui veut faire l’économie d’une décision du Conseil Constitutionnel sur la candidature de Abdoulaye Wade à la présidentielle de février. Admettre aussi que faire campagne autour des « morts à venir » n’attire pas que sympathie à ses auteurs. Une étincelle peut embraser la plaine théorisa fort justement Mao Zé Dong. Mais il y a longtemps que le père de la Longue Marche n’est plus une référence pour des sociétés qui se réclament de la démocratie.

La lucidité dans le contexte sénégalais impose donc d’inscrire son combat dans un processus de fédération des initiatives politiques et citoyennes, sans prendre le risque d’agir dans un sens à être demain, condamné par l’histoire. C’est peut-être le message de Alioune Tine. Alors que la violence en gestation semblait inévitablement programmée pour l’après-tabaski, ce qui ressemble à une interruption volontaire de grossesse doit être salué par toute la Grande Famille qu’est le Sénégal. C’est le discours qu’il fallait pour la Tabaski.
Par Ibrahima BAKHOUM

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