Le discours du Nouvel An : un saupoudrage indigeste (par Karfa S. Diallo)

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Assignation à résignation. Pendant que le népotisme, la corruption, l’impunité et l’obsession du pouvoir grondent le président compte sur des chiffres pour nourrir les sénégalais.

Privé de cap depuis trop longtemps, le pays, dans un état de faiblesse avancé, tant sur le plan moral que sur les plans politique, économique ou stratégique, a écouté, un discours présidentiel peu enthousiasmant.

Des chiffres partout, des réalisations nulle part. Face à des urgences sociales criantes, la pluie d’annonces égrenées par le président cache mal une volonté de prolonger l’indigestion des trois premières années de la deuxième alternance sénégalaise.

A entendre, le président Macky Sall prononcer son traditionnel discours de fin d’année, le Sénégal serait le meilleur des mondes. Alignant les chiffres sur un ton et une posture dépourvus de joie et de satisfaction, le président semble presque abasourdi par les réalisations spectaculaires qui résulteraient « des efforts de mise en œuvre des projets et réformes phares du PSE ».

En vérité, il est grand temps pour le président de comprendre que les chiffres ne font pas une politique. Que la croissance, la maîtrise de l’inflation et du déficit, les infrastructures ferroviaires, routières, portuaires et aéroportuaires et la myriade de mesures, dont il nous a laborieusement imposé l’écoute, n’effaceront pas l’image d’un président obsédé par la transhumance, multipliant combines et montages politiciens pour élargir une coalition qu’il sait fragile. Une sorte de berger si peu confiant en ses capacités et réalisations qu’il est prêt à en partager l’échec avec le maximum de leaders sénégalais sous prétexte d’unité nationale. On prend les mêmes et on recommence !

Macky Sall a donc soigneusement évité les questions qui fâchent : la maltraitance des enfants, l’accroissement de la pauvreté, la tristesse de la jeunesse sénégalaise, l’enrayement de la cour de répression de l’enrichissement illicite, les atteintes à la liberté de la presse, l’abandon de la Casamance et les dérives de la corruption.

Un propos présidentiel déplacé et assommant. Pourquoi Macky Sall refuse-t-il tant d’être notre président ? Déjà sa promesse de réduire son mandat présidentiel s’apparentait fortement à une sorte de débandade devant l’ampleur de la mission que les sénégalais semblaient lui promettre. Mais depuis son arrivée au pouvoir, le président semble englué dans les habits de premier ministre que l’ancien président lui avait habilement dessiné. Elu au suffrage universel comme président des sénégalais depuis 2012, il peine décidément à revêtir le manteau de gravité et de solennité que sa fonction lui octroie. A fixer un cap. A chaque fois qu’on en attend des capacités de rassemblement, d’inspiration et de confiance, le président Sall bute sur cette culture technocratique et exécutive qui ôte à ses adresses officielles le souffle qu’on en escomptait. Si pendant ces trois dernières années, nous avons regretté le ton sentencieux et polémique avec lequel il entretient les sénégalais de ses actions et réactions, nous espérions naïvement que le temps ferait son œuvre et qu’à l’aune de son troisième discours de nouvel an, un peu de majesté se dégagerait de notre président.

Dénis et calculs. C’est d’abord les organisations des droits de l’homme qui découvrent le bal des calculs présidentiels. En dénonçant la nomination d’un membre du parti au pouvoir et maire d’une commune à la présidence du comité sénégalais des droits de l’homme, les militants touchent du doigt les contradictions à l’œuvre dans l’espace présidentiel. Comment croire à la sincérité des réformes entreprises pour la démocratisation du pays quand leur premier promoteur peut s’embarrasser aussi inutilement pour récompenser ses alliés ? Comment donner foi à ses projets constitutionnels quand il continue à rester chef de son parti ?

A l’autoritarisme des derniers mois, il faudra, aussi, ajouter une indécision qui risque de plonger le pays dans une spéculation juridique et institutionnelle coûteuse et proprement stérile. En décidant aussi tardivement de s’en remettre au parlement et au conseil constitutionnel pour trancher l’épineux débat de la réduction du mandat présidentiel, le président prolonge la douleur institutionnelle qui afflige le pays depuis cette malheureuse promesse qui n’a, en fait, rien de démocratique et qui procède, encore une fois, de cette coûteuse culture politique qui gangrène le continent : la fin justifie les moyens ! Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour se pencher sur la question institutionnelle ? Le président subirait-il les événements ? Surtout, n’est-il pas déjà trop tard ?

Le déni c’est surtout l’aveuglement face à une réalité sénégalaise désastreuse. Notamment l’échec des perspectives d’emploi pour une jeunesse désœuvrée à qui le président n’a pas parlé des 500 000 postes de travail dont il leur a fait la promesse. Une population qui acceptera de moins en moins d’être privée d’avenir et qui usera des forces qui sont les siennes pour changer la donne. A l’image du rappeur Niagass (qui vient de présenter des excuses aprés de vertes injures à l’endroit d’autorités nationales), nombreux seront les jeunes qu’un coup de folie ou de désespoir poussera dans des attitudes et paroles extrêmes à l’encontre d’institutions décevantes dans leurs promesses d’émergence et de développement.

Nous attendions donc de l’espoir, de l’unité, de la solidarité et nous avons eu un discours sans gravité et sans profondeur qui risque de creuser davantage le fossé entre le président et les sénégalais.

KSD

senenews.com

1 COMMENTAIRE

  1. A chaque fois qu’un citoyen se hasardera à confronter leurs productions médiatiques du pouvoir avec la réalité, la déception sera grande. Mais ils n’en ont cure. La règle, le principe, pour eux, est de fermer les yeux et de répéter. Le Sénégalais doit désormais vivre un monde virtuel. Un monde que la presse des 100 est chargé de fabriquer et d’installer dans le cerveau de tout sénégalais. Les sénégalais vivent actuellement la torture mentale pour leur imposer l’acceptation d’une fausseté érigée en valeur républicaine et dans cette fausseté il y est peint un joli rôle pour le pouvoir des légionnaires.

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