Le modéré Hassan Rohani remporte l’élection présidentielle iranienne

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L’élection présidentielle, dans un système aussi vérouillé que celui de l’Iran, ménage souvent des surprises, et celle du 14 juin ne déroge pas à la règle. Le modéré Hassan Rohani, 64 ans, a remporté l’élection présidentielle, mettant un terme à huit années de pouvoir exécutif conservateur, a annoncé, samedi 15 juin, le ministre iranien de l’intérieur. M. Rohani, soutenu par les camps modéré et réformateur, a obtenu 50,68 % des voix au premier tour du scrutin disputé vendredi face à cinq candidats conservateurs, a précisé le ministre, citant des résultats définitifs.
En 2009, la victoire écrasante – et suspecte – de Mahmoud Ahmadinejad avait été annoncée avant minuit, alors que des forces anti-émeutes lourdement armées prenaient position dans la capitale. Cette fois, le ministère de l’intérieur a égrené les résultats partiels au fil des heures, toute la nuit de vendredi à samedi puis samedi matin, une garantie sans doute de leur véracité. D’abord sur 800 000 votes comptés, puis 1,8 million, puis 3,2, puis 5,9 millions, etc.

A chaque fois, le seul religieux de la compétition en obtenait la moitié et pouvait ainsi publier, sur son compte Twitter, à 5 heures du matin heure locale : « Les nouvelles vont tomber au goutte à goutte jusqu’à midi. De bonnes nouvelles, insh’allah ».

A 16 h 30, dans 89 % des bureaux de vote (32 millions de bulletins dépouillés pour 50 millions d’électeurs inscrits), Hassan Rohani obtenait toujours 51 % des voix. Un score plus de trois fois supérieur à celui de Mohammad-Bagher Ghalibaf, actuel maire de Téhéran et ancien gardien de la révolution (15,76 %).

Résultats sur 32 millions de bulletins dépouillés, dans 89 % des
bureaux de vote :
Hassan Rohani
Mohammad
Bagher Ghalibaf
Mohsen Rezaïe
Saïd Jalili
Autres candidats
conservateurs et
votes blancs ou
invalidés
10%
11.4%
11.8%
15.8%
51%
Hassan Rohani a profité de la participation élevée (annoncée à 80 % dans la matinée) et du retrait de dernière minute de Mohammad Reza Aref, l’autre réformateur parmi les huit candidats validés par le Conseil des gardiens, ainsi que du soutien que lui ont apporté le 11 juin deux anciens présidents, Mohammad Khatami (1997-2005) et Akbar Hachémi Rafsandjani (1989-1997), lequel se serait présenté en personne s’il n’avait été disqualifié par l’organe de supervision des élections.

Mais M. Rohani a aussi bénéficié de l’incapacité des conservateurs à s’unir derrière un candidat unique. Non seulement Ali-Akbar Velayati, proche conseiller du guide suprême pour les affaires étrangères, n’a pas voulu se retirer, mais il s’en est pris durement, lors d’un débat télévisé, à Saïd Jalili, négociateur principal de Téhéran pour le dossier nucléaire et candidat considéré comme le plus proche du guide suprême, Ali Khamenei.

Voir : Iran : portraits de candidats

Lire : Hassan Rohani, le religieux modéré choisi par les réformateurs

Seize ans après l’élection – elle aussi surprise – de Mohammad Khatami en mai 1997, cette élection marque donc le grand retour du courant réformateur – qu’il convient sans doute d’appeler « modéré » dans le cas de Hassan Rohani.

Il n’empêche, ce dernier n’a pas négligé les allusions et les appels au « mouvement vert » qui avait vu en 2009 les classes moyennes se mobiliser massivement derrière les deux candidats réformateurs, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, tous deux aujourd’hui en résidence surveillée.

L’homme s’est montré mordant lors des débats télévisés et ses meetings, très festifs, surtout en province, ont joué l’hymne des étudiants – qui était aussi celui du mouvement vert – et appelé à la libération des prisonniers politiques arrêtés en 2009. Durant les deux semaines de campagne, son équipe a diffusé sur les réseaux sociaux plusieurs vidéos sous-titrées en anglais, dans un effort apparent pour s’adresser à l’Occident.

« TRAÎTRE »

Hassan Rohani a été, entre 2003 et 2005, le chef négociateur de Téhéran pour le dossier nucléaire. Il n’a eu de cesse, alors, de chercher le compromis avec ses interlocuteurs européens, jusqu’à les supplier d’aboutir à l’été 2005, juste avant d’être sèchement remercié par Mahmoud Ahmadinejad, élu en juin de la même année et qui le traitait ouvertement de « traître » pour avoir accepté une suspension provisoire de l’enrichissement d’uranium. « Nous devons tout faire pour éviter d’être isolés », répétait alors M. Rohani à ses compatriotes.

Lire : Mahmoud Ahmadinejad, la chute d’un illuminé

De fait, en lui donnant leurs voix, une majorité d’Iraniens condamnent l’entêtement nucléaire de l’équipe sortante, qui a provoqué des sanctions de plus en plus dures de la part des Etats-Unis, de l’Union européenne et dans une moindre mesure des Nations-Unies, et conduit le pays dans une crise économique dévastatrice pour l’emploi et le pouvoir d’achat.

Hassan Rohani a demandé à ses partisans d’attendre les résultats définitifs pour les célébrer. Saïd Jalili, l’intraitable négociateur nucléaire sévèrement désavoué par les urnes, a pour sa part déjà soupiré sur Twitter : « Bon, c’est vraiment déprimant » (le tweet a été effacé par la suite).

Pour éviter de braquer contre lui le clan conservateur – et sa tentation de fraude – Hassan Rohani a dû jouer serré. Il a attendu le dernier moment avant d’appeler à une participation massive, il a réservé ses saillies les plus controversées aux meetings de province (Kermanshah, Yazd, Mashhad et Sari) et n’a pas prononcé publiquement le nom de Mir Hossein Moussavi, dont beaucoup d’Iraniens pensent qu’en 2009, une fraude massive en faveur de Mahmoud Ahmadinejad l’a privé de la victoire.

Tout a été fait, à la fois par le régime mais aussi par le candidat victorieux pour éviter les débordements qui avaient marqué la campagne de 2009 : scènes de liesses dans les rues de la capitale et des grandes villes jusqu’à l’aube ou affrontement entre jeunes partisans « verts » et les milices islamiques des bassidji.

De fait, le calme ayant régné durant cette brève campagne 2013 a répandu l’idée que la participation serait très limitée. Voilà qui inquiétait le guide suprême Ali Khamenei, lequel s’est décidé à exhorter ses concitoyens à aller voter : « Une participation élevée est la chose la plus importante pour le pays. Peut-être que quelqu’un ne voudrait pas soutenir la République islamique mais voudrait quand même protéger le pays. Il faut que tout le monde vote », a-t-il déclaré le 12 juin. Il était plus confiant quelques jours plus tôt : un vote pour « n’importe quel candidat est un vote pour la République islamique », disait-il.

Voir : Quel rôle pour le futur président iranien ?

Du côté réformateur, les réactions n’ont pas tardé. Mohammad Reza Khatami, le frère de l’ancien président, harcelé par les services secrets depuis 2009, a publié un communiqué de son parti, Mosharekat : « Notre demande est la libération de Mir Hossein Moussavi, [sa femme] Zahra Rahnavard, Mehdi Karoubi et tous les prisonniers politiques qui sont innocents à notre avis. »

Les conservateurs, eux, ont semblé reconnaître leur défaite tout au long de la nuit. Saïd Jalili notamment a publié sur son compte Twitter les résultats successifs du ministère de l’intérieur, et son piètre résultat.

Aux Etats-Unis, analystes et « cercles de réflexion » ont déjà commencé à soupeser les chances d’une reprise du dialogue, voire d’une réconciliation avec l’Iran qu’offre cette victoire surprise de Hassan Rohani. « La politique étrangère et le dossier nucléaire ne sont pas dans les mains du président, mais du guide suprême », ont-ils été nombreux à rappeler. « Tout va dépendre de l’attitude de [Barack] Obama et de sa capacité à accompagner les efforts de [Hassan] Rohani », a estimé pour sa part Trita Parsi, fondateur du Conseil national irano-américain et auteur de plusieurs ouvrages sur la politique étrangère iranienne.

Dans l’immédiat, l’arrivée d’un président modéré après huit ans de règne de Mahmoud Ahmadinejad signifie surtout une possibilité de respirer davantage pour les classes moyennes, étouffées à la fois par les sanctions internationales mais aussi par la politique répressive du régime en matière de mœurs et de libertés d’expression. La Bourse de Téhéran, elle, reprenait des couleurs à son ouverture samedi matin, alors que le rial, monnaie nationale dont la dévaluation de 70 % a tant pesé sur l’économie, gagnait près de 3 %.

Serge Michel, avec Ghazal Golshiri et Christophe Ayad

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