Le porno ne jouit plus…

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Crise . Internet, les films amateurs et la vague gonzo font plonger l’industrie du X.

Hélas, hélas : les impératifs de bouclage ne nous permettent pas de livrer ici le palmarès de la 11e cérémonie des Hots d’or, tenue la nuit dernière salle Wagram, à Paris. Non, ce n’est pas si grave, mais ces Hots d’or ont en eux-mêmes une dimension symbolique particulière. Après une éclipse de huit ans, ils ne se sont pas remis en selle pour célébrer en fanfare la vigueur retrouvée d’une industrie prospère. Ils tentent au contraire de redonner le moral à un business dépressif, de galvaniser les troupes, d’attirer l’attention du public sur un commerce qu’il a largement délaissé.

Cette débandade s’explique par des motifs bien connus : Internet, essentiellement, par lequel d’abondants robinets pornos gratuits et de tout acabit (des films piratés, mais aussi des échanges amateurs, des gonzos hors circuit et des produits spécifiques comme le tchat via webcam) étanchent la soif sexuelle du monde contemporain qui, elle, semble inextinguible. Résultat : les ventes de DVD sont en chute libre, malgré une gigantesque braderie sur leur valeur en quelques années. On notera que les titres de la presse spécialisée dans le X accélèrent eux-mêmes ce processus qu’ils prétendent combattre en offrant quantité de DVD sous leurs blisters, Hot Vidéo compris. Ce magazine, inventeur et organisateur d’une cérémonie inspirée des AVN Awards américains (Adult Video News étant l’organe professionnel local), forme d’ailleurs à lui seul un parfait exemple de l’état des lieux, son tirage ayant baissé de moitié depuis les beaux jours des années 1980-1990.

fast-food. L’autre fléau dont se plaint, peut-être imprudemment, l’industrie du X français, c’est le gonzo, qu’elle tient pour un sous-genre, une expression dévalorisante du métier. Le gonzo, dont les premières formes sont apparues il y a plus de quinze ans, est un melting-pot de genres plutôt qu’un genre en soi. Il désignait à l’origine un porno non professionnel qui ne s’embarrassait d’aucune des conventions classiques de la production X : pas de scénario prétexte, pas de dialogues inutiles, pas de musique de fond, bref, pas de préliminaires, sauf sexuels. Du cul, du cul, du cul. Le succès fut tel que le gonzo est vite devenu une catégorie commerciale comme les autres, et de nombreux réalisateurs travaillant pour des maisons de production traditionnelles ont emboîté le pas et fabriqué du gonzo comme tout le monde. On comprend facilement comment le gonzo a fait disparaître une partie du business : c’est la fin des petits métiers (maquilleuse, décorateur, ce qu’on voudra) et des grosses productions qui rapportent. Pas besoin d’actrices stars et aucun talent requis pour la mise en scène (encore que certains gonzos soient de très bonne tenue). Vite fait, vite vu, c’est le triomphe du fast-food à l’échelle libidinale. Il est curieux d’entendre aujourd’hui les professionnels du X se plaindre d’un phénomène dont ils ont au moins croqué. «Le gonzo n’a qu’une fonction masturbatoire : ça dure quinze minutes, ça se visionne sur le Net, et puis c’est tout», explique l’un des organisateurs des Hots d’or. Mauvaise foi ou naïveté, la formule est déconcertante : à quelle fonction exactement doit-on associer le porno classique ?

Lanterne. L’industrie du X prête facilement à sourire. Mais sa fragilité actuelle concerne tous ceux que le sort du cinéma intéresse, si l’on veut bien se souvenir que cette tribu honteuse de la grande et hypocrite famille du cinéma lui a souvent servi de lanterne. Pratiquement né en même temps que lui, le film porno a été un éclaireur du cinéma, anticipant ses métamorphoses et lui ouvrant de nombreux chemins. Il a amorcé l’ère de la VHS puis celle du DVD, expérimenté le relief et le Blu-ray, s’est emparé des caméras numériques avant tout le monde… La question que pose la crise profonde et sans précédent de l’industrie du X en France, mais aussi partout (notamment aux Etats-Unis où la production aurait chuté d’un tiers), est donc simple : préfigure-t-elle des temps troublés pour l’industrie du cinéma tout court ?

liberation.fr

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