Le Président Macky Sall pouvait-il en toute légalité  exercer la fonction de Maire de Fatick ?

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Dans l’Observateur du vendredi 02 mai 2014, le ministre d’État Mbaye Ndiaye a déclaré : « Si le pouvoir libéral avait une expertise électorale avérée, la candidature de Macky Sall à la mairie de Fatick lors des locales de 2009 n’allait pas être validée ». Car, dit-il, Macky Sall avait démissionné et la loi stipule que « Tout conseiller qui démissionne ne peut se représenter à la prochaine élection locale ».

Face aux effets qu’une telle assertion peut produire sur le fonctionnement de l’institution suprême de la République et sur l’image qu’elle renvoie du Sénégal et de ses dirigeants, j’ai décidé, malgré le contentieux qui m’oppose à l’Etat, d’apporter quelques éléments d’éclairages.

Certes, Monsieur le Ministre d’Etat à une expertise connue en matière électorale.  Toutefois, il est indispensable, dans certains cas, de faire une lecture combinée entre le Code électoral et le Code général des Collectivités locales (CGCL).

Dès lors, il me parait utile de relever que l’inéligibilité dont il est question ici concerne les conseillers municipaux déclarés démissionnaires suite aux manquements à trois (03) sessions successives, sans motifs légitimes ou au refus de remplir une des fonctions qui leur sont dévolues (articles 169 et 171 du Code des collectivités locales). Le principe s’appliquait aussi aux conseillers régionaux et ruraux.

Sous ce rapport, ces dispositions sont réitérées dans le nouveau Code général des Collectivités locales et visées, dans le même temps, par le nouveau Code électoral en son article L.230 : « ne peuvent être conseillers municipaux les conseillers déclarés démissionnaires en application des articles 157 et 159 du code général des Collectivités locales à l’occasion des élections municipales suivant la date de leur démission. »

S’agissant du conseil départemental, l’article L.199 du Code électoral renvoie, dans les mêmes conditions, aux dispositions des articles 66 et 67 du CGCL.

De ce point de vue, il importe de retenir que les cas d’inéligibilité précités ne visent nullement la démission volontaire du conseiller départemental ou du conseiller municipal.

Par conséquent, Monsieur Macky SALL qui avait volontairement démissionné de sa fonction de conseiller municipal de la commune de Fatick en 2008, pouvait légalement être réélu et exercer les fonctions de Maire à l’occasion des élections locales du 22 mars 2009.  

A contrario, si les allégations du Ministre d’Etat étaient avérées, le Président de la République M. SALL serait assurément dans une posture qui le disqualifierait d’exercer la haute fonction de Chef de l’Etat et Gardien de la Constitution au nom de la vertu et de l’élégance républicaine.

Par devoir de vérité.

Touba  à l’épreuve de la Parité : entre statut spécial de fait ou de juré ?

Par ailleurs, l’exigence de la parité sur les listes de candidats aux élections locales soulève la l’inéluctable reconnaissance du statut spécial pour Touba en vue de se conformer à la législation.

Le statut de la femme au sein d’une cité à fonction essentiellement religieuse ne saurait être pareil qu’ailleurs. Ainsi les rédacteurs du Code général des Collectivités locales auraient-ils dû prévoir une dérogation pour la cité de Cheikh Ahmadou Bamba, comme cela a été le cas pour les Villes/Départements de Dakar, Pikine et Guédiawaye où il ne sera pas organisé d’élections départementales en vertu des dispositions particulières prévues à l’article 28 du Code général des Collectivités locales.

Pourtant,  au cours des travaux de la Commission Technique Chargée de la Revue du Code Electoral (CTRCE), le Pôle des non Affiliés avait, par ma voix, suggéré une révision des dispositions de la Parité relativement aux élections locales et qui  tienne  compte de la dimension socioculturelle du Sénégal tout en respectant les principes et normes universels démocratiques.

Notre conviction est que toute loi ne pouvant s’adapter sur l’ensemble du territoire national devrait être revue.

L’institution de la parité sur les listes de candidats vient s’ajouter à la complexité de l’organisation des élections locales à Touba qui a toujours posé le problème de l’application des lois de la république sur l’étendue du territoire national. En effet, la notion de compétition est sous-jacente à l’élection donc sans listes ou candidats concurrents, il ne peut y avoir d’élection. La République est interpellée sur ses incohérences !

En déclarant la journée du Magal de Touba fériée, chômée et payée, le gouvernement a voulu légaliser ce qui était légitimé il y a bien longtemps. Par souci de cohérence, il serait plus judicieux que le gouvernement poursuive cette dynamique en reconnaissant juridiquement à la ville sainte un statut spécial.

Des dispositions législatives et règlementaires régiraient à titre exceptionnel les modalités de désignation des conseillers municipaux de la commune de Touba Mosquée.

Ainsi par dérogation, les conseillers municipaux de la commune de Touba Mosquée devraient-ils être désignés par le Khalife général des Mourides sur une liste complète et non paritaire.  

En tout état de cause, nous suivrons l’évolution de ce dossier d’une extrême délicatesse qui interpelle, en particulier l’Autorité administrative, la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) et l’Observatoire Nationale de la Parité (ONP).

Pour servir exclusivement de la République.

 

L’acte administratif irrégulier doit-il être abrogé ou retiré ?

– Le 07 avril 2014, l’Assemblée nationale a adopté la loi portant Code électoral (partie législative) modifié.

-Le 10 avril 2014, les décrets d’application n°2014-499, 2014-500 et 2014-501 fixant respectivement le nombre de conseillers à élire ou à désigner au sein des conseils municipaux, des conseils de ville et des départementaux ont été signés.

– Le 15 avril 2014, la loi N°2014-18 portant Code électoral (partie législative) est promulguée.

Attendu qu’un décret d’application d’une loi ne peut précéder la promulgation de celle-ci ; que lesdits décrets sont manifestement illégaux, irréguliers sur le plan de la forme, juridiquement incorrects, et encourent l’annulation.

– Le 18 avril 2014,  la Cour suprême a été saisie d’un recours pour excès de pouvoir visant l’annulation des décrets d’application ayant été pris avant la promulgation de la loi et ne respectant pas les dispositions de la loi électorale laquelle n’est pas conforme à la Constititution.

– Le 18 avril 2014, les décrets sont abrogés et remplacés sous le prétexte : « d’harmonisation et de cohérence, il a été plus judicieux de fondre les décrets précités en un seul »,

– Le 18 avril 2014, la loi portant Code électoral a été publiée en même temps que le nouveau décret n°2014-518.

Or, les décrets pris par le Président de la République sont publiés au journal officiel de la République. Ils sont obligatoires pour tous comme pour la loi un jour franc après leur publication.

Entre le retrait et l’abrogation, lequel des deux procédures constitue un substitut à l’action contentieuse ?  Si vous ne détenez pas la réponse, attendez celle du Juge…

Pour la justice et la vertu républicaine.

Le 04 mai 2014

 

Ndiaga SYLLA, Expert électoral, Membre de l’IPAD, [email protected]

 

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