Le procès de Nabou ozé et Cie s’est enfin tenu hier. Au bout de trois heures et trente minutes d’audience, le juge a renvoyé les plaidoiries au 16 décembre. Poursuivis pour association de malfaiteurs et escroquerie, la styliste risque 2 ans de prison, ses complices Cheikh Omar Sall et Cheikh Gadiaga encourent respectivement 3 et 5 ans ferme.
Si elle a gardé son air serein, au début des débats, son assurance s’est effritée au fil des heures. Seynabou Diallo dite Nabou Ozé, habillée d’un grand boubou de couleur rose, n’a pu s’empêcher de verser des larmes qu’elle s’est empressée de sécher à l’aide de son foulard. Avec Cheikh Gadiaga et Cheikh Oumar Sall, la styliste a été jugée pour association de malfaiteurs et escroquerie. Des délits qu’elle n’a cessés de nier pendant l’audience.
Il est reproché aux trois prévenus d’avoir mis au point un deal pour se faire remettre, de la part de l’homme d’affaires Cheikh Amar, la somme de 30 millions. Le trio lui avait fait croire que l’argent était destiné à l’ancienne Première ministre Aminata Touré. Il ressort ainsi du procès-verbal que c’est la styliste qui s’est fait passer pour Aminata Touré et a expliqué à Cheikh Amar qu’elle avait besoin de son aide pour des affaires personnelles, ainsi que pour des œuvres caritatives. L’homme d’affaires chargea alors son garde du corps Doudou Diallo et le nommé Cheikh Gadiaga de remettre la somme demandée par Mimi à son assistante, une certaine Madame Ndour. Mais en lieu et place de l’assistante, c’est son chauffeur Cheikh Oumar Sall qui a réceptionné l’argent.
A la barre du tribunal correctionnel, chacun des trois prévenus a expliqué sa version des faits. Cheikh Omar Sall, chauffeur de l’assistante de Mimi Touré, a confié au juge que c’est Cheikh Gadiaga, en compagnie de Doudou Diallo, qui est venu lui remettre la somme de 30 millions, en lui demandant de la remettre en toute discrétion à la personne indiquée. Quelques heures plus tard, Gadiaga est revenu lui demander la somme de 25 millions, sans lui donner plus de détail. A la question du juge de savoir pourquoi il n’a pas remis la mallette à l’assistante de Mimi, une fois avoir réceptionné l’argent, le chauffeur a confié au juge que c’est Gadiaga qui lui avait demandé de faire preuve de discrétion et qu’il n’a pas pu voir sa patronne, car cette dernière était occupée toute la journée.
Par contre, Cheikh Gadiaga a tenu une toute autre version. L’opérateur économique a commencé par réfuter les accusations du chauffeur, en déclarant que le jour des faits, c’est Doudou Diallo qui est allé remettre l’argent à Cheikh Oumar Sall. « Personnellement, je connais bien Cheikh Amar. Il m’a plus d’une fois envoyé à Touba remettre d’importantes sommes d’argent à des personnalités. Si je voulais de son argent, j’allais le lui demander directement, mais j’ai mon propre business comme lui », a-t-il dit au juge.
De ses rapports avec la styliste, Gadiaga a confié au président l’avoir connue grâce à un ami, et qu’ils ont gardé de bons rapports. Des rapports qui ne plaisent plus à la styliste. « Même si je ne veux plus le voir, j’avoue qu’il m’a présenté à pas mal de gens pour mon commerce », a lancé Nabou ozé à son tour. Elle a nié être la personne qui a imité la voix de Mimi Touré et contacté Cheikh Amar pour lui parler des 30 millions. Même si elle avoue avoir prêté un téléphone à Gadiaga. « Comme m’a ligne était coupée, je lui ai prêté le téléphone d’une amie, Maty Diagne. L’appel n’a duré que 2 minutes et c’est par la suite que Gadiaga m’a dit de ne pas répondre, si toutefois la personne qu’il a appelée tentait de le rappeler », a dit la styliste.
L’un des assesseurs à Gadiaga, « seul un homme peut imiter la voix de Mimi »…
Cette réponse a intrigué l’un des assesseurs qui s’est tourné vers Cheikh Gadiaga pour lui demander si c’est lui qui a appelé l’ancien Premier ministre. Le prévenu a bien entendu répondu par la négative. «Cette dame ressemble certes à l’Ancien premier ministre, mais, elle n’a pas la même voix qu’elle. Il n’y a qu’un homme pour imiter la voix de Mimi Touré. Une fois, j’ai suivi une émission à la télé, quand je l’ai entendu parler, j’ai cru que c’était un homme», a lancé l’assesseur dont les propos ont fait rire la salle.
Me Yakhya Fall, avocat d’Aminata Touré, a demandé le franc symbolique au nom de sa cliente, en lançant que les prévenus se sont entraînés dans des dénégations à n’en pas finir. «Il n’y a rien de plus dégradant pour un homme politique que d’entendre qu’il se met publiquement à demander dans la rue de l’argent». Une façon pour lui de dire que cette histoire, tant relatée dans la presse, a causé du tort à sa cliente.
Cheikh Gadiaga, le point focal, selon le procureur
Dans sa réquisition, le procureur a insisté sur le fait que les faits sont constants à l’endroit des prévenus. Qui à l’en croire ont fait de la dénégation leur système de défense. Le procureur a ensuite fait savoir au juge qu’il considère Cheikh Gadiaga comme le point focal de cette entreprise délictuelle créée à trois. «Il est seul à connaître les deux prévenus. Son nom revient à chaque fois », a souligné la représentante du ministère public. Qui a également déclaré que le fait que Gadiaga insiste sur ses relations avec Cheikh Amar renseigne plus sur sa personnalité. Elle a requis contre Cheikh Gadiaga et Cheikh Oumar Sall 5 et 3 ans ferme, et pour la styliste 2 ans ferme. Selon elle, tous les trois ont joué un rôle déterminant qui a conduit à la remise des 30 millions.
Le 16 décembre prochain, le procès se poursuivra avec la plaidoirie des avocats de la défense qui ont refusé de «jouer» avec la liberté de leurs clients. C’est du moins ce qu’a laissé entendre Me Ciré Clédor Ly quand le juge a demandé que chacun prenne la parole pour 5 minutes. La styliste restera en prison jusqu’à cette date, car le juge a rejeté sa demande de mise en liberté provisoire formulée par son conseil Me Mbaye Jacques Ndiaye, après que le parquet s’y est opposé.
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