Le Québec à l’épreuve de ses chiens Pitbulls

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« Il serait peu curieux de savoir ce que sont les bêtes,

si ce n’était pas un moyen de savoir ce que nous sommes »-Condillac

 

Évidemment, il faut bien une première fois à tout. Le jappement des chiens a finalement retenu la caravane québécoise. Qui prend pays prend chien!  Les Pitbulls du Québec n’obéissent plus à leurs maîtres. Ainsi, la peur a envahi la Belle province en danger public parce que les malheureux et douloureux incidents que causent les morsures canines répétitives ont un impact négatif sur le sentiment de sécurité des citoyens. Par conséquent, les réactions ne se font pas attendre car comme nous rappelle le romancier espagnol Ignacio Del Valle : « on ne fait preuve de courage que lorsqu’on est mort de trouille ».Des municipalités (Montréal, Québec, Sherbrooke, Brossard, etc.) se lancent dans des débats houleux et rivalisent à l’envi dans l’expression de leurs volontés politiques à la fois affirmées et pragmatiques pour une gestion plus rigoureuse (bannissement et/ou l’interdiction) sur leurs territoires de cette race de chien jugée à tort ou à raison très dangereuse et agressive. Ces administrations municipales ne pensent plus étonnamment aux recettes fiscales tirées jusqu’ici des permis animaliers obligatoires pouvant leur permettre depuis plusieurs années de contrôler la population d’animaux domestiques.

Des discours livrés par les politiciens qui ont déjà pris la parole, se dégage l’odeur nauséabonde de la frayeur. Obsédé par l’obligation d’une sécurité publique, on entend ainsi le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard soutenir : « je comprends la préoccupation des gens. Moi, j’ai été horrifié par cette attaque dont a été victime malheureusement la dame, il y a quelques jours ». Agissant «en bon père de famille », le maire de Québec, Régis Labeaume passe directement à l’acte avec l’adoption rapide d’un règlement interdisant de garder ou de posséder un pitbull sur son territoire à partir du 1er janvier 2017. De plus, il n’a pas arrêté de marteler à qui de droit qu’«on ne veut plus de pitbulls à Québec (…) nous bannissons les pitbulls parce que ce sont des chiens particulièrement agressifs et imprévisibles, reconnus pour infliger des blessures graves.». Dans ce sens, en décidant finalement d’imiter son homologue de la ville de Québec pour officialiser l’interdiction des pitbulls et autres chiens dangereux sur le territoire montréalais, le maire Denis Coderre souligne : «notre rôle est d’assurer la sécurité des citoyens. On veut s’assurer qu’on ne puisse revivre ce qu’on a vécu avec le drame de la famille Vadnais ».

En tout état de cause, les avis sur ce phénomène national d’«épidémie de morsures de chien » au cœur de l’actualité restent largement partagés entre les citoyens angoissés, les acteurs politiques en rivalité, les propriétaires de chiens tristes, les médecins vétérinaires en busines…Bref, pour cette fois-ci la logique de l’adage s’inverse! Les Pitbull québécois, en mordant, s’auto-accusent de rage, donc il faut sans indulgence les noyer.  

Subitement, de réels moments de tourmente me cernent de tous les côtés. Et je me demande jusqu’où sommes-nous encore prêts à aller pour les animaux? Quels choix ou orientations de société nous restent-ils à prendre pour les animaux? L’amour, la compassion, le respect ainsi que la protection comme attitudes et exigences à adopter vis-à-vis des animaux sont-ils devenus caduques pour qu’on les remplace par d’autres? Renions-nous notre essence d’Homme pour perdre notre prérogative sur les animaux? Sommes-nous enfin prêts pour passer d’Homme à Animal en donnant raison aux thèses de Rorarius et de Montaigne pour qui, les animaux ont une certaine activité psychique et sont plus intelligents que les hommes?

Et je pense! Je pense aux activistes de la cause animale qui ne cessent de brandir l’assertion de Gandhi rappelant que « la grandeur d’une nation et ses progrès moraux peuvent être jugés par la manière dont elle traite les animaux ». Je pense à cette critique faite au Gouvernement québécois en 2014 d’être la pire province laxiste au Canada en matière de droit animal et de ne pas avoir, à l’instar de son voisin ontarien, suffisamment de ressources sur le terrain comme par exemple les inspecteurs en bien-être animal. Je pense aux nombreuses mobilisations très médiatisées que suscitent la maltraitance et la cruauté subies par les animaux. Je pense aux débats controversés visant à faire une pression populaire sur le législateur québécois et le pousser à faire évoluer la notion de bien meuble qui caractérise l’animal dans le Code civil québécois. Je pense à la récente adoption à l’unanimité du projet de loi 54 sur la protection des animaux et qui redéfinit l’animal en tant qu’être « doué de sensibilité ». Désormais avec cette loi, au Québec, retenons-le, les animaux ne sont « pas des biens » mais « des êtres doués de sensibilité » qui « ont des impératifs biologiques ». Je pense à la concurrence des enseignes de grandes distributions alimentaires qui consacrent presque dans tous leurs magasins des rayons proposant des aliments divers et variés pour les animaux. Je pense à la floraison de cabinets vétérinaires capables de recevoir même en urgence des patients animaux pour leur prodiguer des soins nécessaires avec des coûts habituellement très exorbitants. Je pense à ces multiples garderies d’animaux ou refuges animaliers, souvent en place pour des logiques marchandes, leur offrant des abris temporaires ou de fortune. Je pense à ces boutiques spécialisées qui vendent toutes sortes de petites affaires pouvant renforcer le confort ou le paraitre de l’animal. Je pense aux parcs aménagés et réservés où se côtoient animaux et leurs maîtres. Je pense à ces sacs distribués gratuitement aux propriétaires de chiens par des municipalités pour leur faciliter le ramassage des crottes de chien qui embellissent parfois les trottoirs ou les espaces verts aux alentours. Je pense aux dérives connues de tout genre qui découlent de l’attachement problématique de l’Homme à l’animal. Je pense aux relations sexuelles inter-espèces, particulièrement la zoophilie qui institue de façon ostentatoire la possibilité des rapports sexuels entre humains et animaux. Je pense à ces efforts de recherches et de pratiques médicales qui essayent d’établir dans la relation Hommes- Animaux des vertus thérapeutiques significatives pour le traitement des maladies psychiques. Je pense! Je pense! Je pense!

Pendant ce temps, mes oreilles bourdonnent. Mes deux mains soutiennent ma lourde tête et pourtant, j’entends! J’entends depuis toujours tambouriner à tout bout de champ la sacralité intangible de la personne humaine. J’entends que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». J’entends des Lois vouloir assurer la primauté de la personne, interdire toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantir le respect de l’être humain dès sa naissance et même avant ou après. J’entends que les animaux dotés de certaines facultés psychiques, ne disposent pas pour autant de l’attribut spécifiquement humain qu’est l’intelligence. Alors pourquoi ce sont invraisemblablement les animaux qui résument en quelque sorte notre altérité, notre autre, notre extérieur à « NOUS HUMAINS »? La protection et l’exercice de nos droits et libertés poussés à l’extrême dans nos choix, faut-il se l’avouer, nous enfoncent naturellement dans un labyrinthe de PARADOXES dont on ne saura comment y sortir. Autrement dit, plus que nos animaux sont choyés, câlinés, plus ils nous causent des torts ou menacent nos forces vitales en nous mordant comme pour nous rappeler à juste tire leur nature animale. Nos animaux prennent avec regret l’exclusivité totale de notre amour, de notre bonté, de notre indulgence, de notre bienséance, de notre compassion, de notre bienveillance, de notre sensibilité, de nos valeurs et principes de solidarité, de partage, d’entraide, etc. Ils nous arrachent pour de bon, ai-je envie de proclamer, le fruit des innombrables efforts déployés au quotidien visant à instaurer une cohabitation pacifique dans nos différentes communautés. Pire, un être humain pauvre, malade, affamé, paralysé, itinérant, orphelin, nu, déséquilibré, chômeur, mendiant, agressé, violé n’attire que l’attention de peu ou prou de ses semblables. Dans nos rues, on reste attaché à nos animaux en refusant délibérément de retourner le petit salut qu’on nous adresse, d’assister la personne mal prise qui nous demande l’aide. Notre humanisme quitte lentement nos cœurs et laisse la place à notre animalité! Les animaux, particulièrement nos chiens, croient aux humains pour qu’ils leur vouent en retour une admiration sans non. On se détourne volontairement de notre MIROIR SOCIAL. Le regard du chien est plus précieux que le sourire humain. L’aboiement du pitbull est plus strident que les complaintes du citoyen désarçonné. «L’amitié du chien est sans conteste plus vive et constante que celle de l’Homme », soutenait Montaigne. C’est terminé!

« ATTENTION AU CHIENS : Vous pénétrez dans une enceinte à vos risques et périls », est le message indiqué en rouge foncé sur les panneaux de signalisation installés dans tout le long des frontières du Québec. Prenons garde et laissons le mot ostentatoire de la fin à Sigmund Freud qui nous précise «  les chiens aiment leurs amis et mordent leurs ennemis, à la différence des êtres humains qui sont incapables d’amour pur et ne peuvent s’empêcher de mélanger l’amour et la haine dans leurs relations mutuelles.».

Pathé Guèye

Montréal, le 26 juin 2016

Courriel: [email protected]

 

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