Le Sénégal du « socialisme » de Senghor au « libéralisme social » de Wade

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Durant les cinquante ans d’indépendance du Sénégal, de 1960 à 2010, du point de vue des choix et politiques économiques, le Sénégal aura vécu sous un modèle économique de type socialiste à la sauce libérale et un modèle économique de type libéral bien imprégné de politiques socialistes. C’est la fin des traditionnels clivages « politique de Gauche » et « politique de Droite ». Place maintenant à la « real économic ».

Quand on jette un coup d’œil sur le tableau de bord des choix et politiques économiques au Sénégal ces cinquante dernières années, de 1960 à 2010, on retiendra deux (02) politiques (choix) économiques majeures. Celle qui va de 1960 à 2000, avec le régime socialiste et durant laquelle, l’Etat est intervenu de manière directe dans l’Economie nationale et celle qui va de 2000 à 2010, avec le régime de l’alternance au cours de laquelle, l’Etat est intervenu de façon indirecte dans la création de richesses.

« Du socialisme libéral……… »

1960, année de la proclamation de l’indépendance, l’Etat du Sénégal choisit pour dérouler sa politique économique, la voie du socialisme « à l’africaine ». Cela s’est traduit par son intervention directe dans l’Economie, et faisant de lui le principal acteur du développement économique du pays. L’objectif à long terme, dans cette perspective de voie socialiste « à l’Africaine », était de libérer le monde rural, de sa forte dépendance vis-à-vis des commerçants « traitants », considérés comme des exploitants. Dans cette volonté clairement affichée par Léopold Sédar Senghor, alors Chef de l’Etat et Mamadou Dia, alors Président du Conseil, l’Economie sénégalaise avant pour socle, le secteur primaire dans toutes ses composantes (Agriculture, Elevage et Pêche). Nous sommes dans la décennie 60 – 70.

Dans la décennie suivante 70/80, l’Etat du Sénégal va profiter de l’arrivée massive en Afrique, des fonds spéculatifs, des pétrodollars en quête de placement après le choc pétrolier de 1973 et du « boom » sur les cours des matières premières notamment l’arachide et le phosphate, en développant un tissu industriel structurant pour accompagner le développement du secteur primaire. C’est durant cette décennie que le Sénégal va mettre sur pied la Zone franche industrielle (1974) pour encourager les exportations, pour rendre le solde commercial positif (importer plus que l’on n’exporte) afin de se prémunir d’éventuels aléas économiques et de toute destruction de valeur dans le moyen et long terme. Il s’agissait d’accorder des conditions préférentielles aux petites et moyennes entreprises pour leur permettre d’être compétitives sur le marché international. L’économie était pensée du dedans (national) vers le dehors (international). Mais voilà, vers la fin des années 80, l’économie mondiale se globalise dans un contexte de déréglementations et de surchauffe des marchés. L’Etat du Sénégal qui avait fait de gros investissements dans le secteur secondaire (on a estimé à 70, le nombre de sociétés para-publiques créées entre 1970 et 1976) attendait, naturellement, des retours sur investissements pour payer ses dettes. Malheureusement, les espérances de rentabilité financière n’ont pas été à la hauteur des résultats produits par le Marché. C’est ce que Senghor d’abord, Abdou Diouf ensuite, désignaient sous le vocable de « la détérioration des termes de l’échange » et qui revenait souvent dans les discours de l’époque pour expliquer les situations intermédiaires que traversaient le Sénégal.

Le temps des Programmes d’ajustements structurels (Pas)

La conséquence de cet endettement sans précédent du Sénégal auprès du Fonds monétaire international (Fmi) et de la Banque mondiale (Bm), ces deux partenaires techniques financiers est sous obligation à adopter un recadrage macro-économique. C’est à partir de ce moment que le régime socialisme….. se libéralise pour devenir « socialisme libéral », et servir de véritable laboratoire pour le Fmi et la Bm, devenant le terrain d’expérimentation de pratiques et mesures ultra libérales en Afrique au Sud du Sahara : le désengagement de l’Etat, la privatisation des secteurs publics et para-publics et la libéralisation de l’économie nationale. Ces politiques se sont faites en trois (03) phases. Une première phase (1979 -1984) marquée par des politiques de stabilisation dont le but était d’assainir les Finances Publiques. Et une deuxième phase plus connue, celle des ajustements structurels (1985 – 1991) et durant laquelle, l’Etat allait arrêter les subventions qu’il accordait aux entreprises publiques et para-publiques.

La troisième et dernière phase de ce recadrage macro-économique est l’approfondissement de l’ajustement avec comme finalité de permettre aux entreprises sénégalaises d’être compétitives sur le Marché mondial. C’est l’ère des privatisations et des libéralisations, dopée par la dévaluation de 50% du franc Cfa (et contrairement à ce que la France nous a fait croire et ce que nous avons crû, la dévaluation était de 100% et non 50%). C’est la période comprise entre 1994 et 2000. C’est la fameuse période dite des « Plans d’Ajustements structurels » (Pas).

« ……au libéralisme social »

A partir de 2000, le Sénégal connait un changement de régime politique partant de choix économiques. Me Abdoulaye Wade, libéral par sa formation politique (Parti démocratique sénégalais, Pds) et économiste par cursis universitaire (Agrégé des Universités) est élu Président de la République du Sénégal. Le régime de l’alternance change de paradigme dans la gestion de la chose économique et financière, en optant pour le choix d’une économie libérale, où l’Etat intervient peu dans l’économie se contentant de régulation et d’exercer ses fonctions régaliennes. Ce choix de faible interventionnisme dans l’économie s’est traduit essentiellement par la mise sur pied d’une agence, l’Apix, chargée de faire la promotion des investissements au Sénégal. En plus de la Zone industrielle, devenue entre temps la Sodida, le régime dit de l’alternance pense et articule ses choix et politiques économiques, de l’international vers le national, du dehors vers le dedans. Les investissements directs étrangers (Ide) viennent booster les exportations. L’économie sénégalaise, sous Me Wade, devient plus itérative qu’auparavant, c’est-à-dire part du Sénégal vers l’international, à travers la Sodida et le Technopole et de l’international vers le Sénégal à travers l’Apix.

En somme, Me Wade se met dans les habits de l’économiste libéral de type américain, en mettant en place, toutes les conditions d’une régulation de l’économie par le Marché (l’offre et la demande) et en promouvant l’émergence d’un secteur privé national. Une nouvelle classe d’investisseurs privés nationaux voit le jour, en lieu et place de la bourgeoisie compradore voulue et entretenue du temps du régime socialiste, par Senghor et par Abdou Diouf.

A la place de l’Administration « énamienne » (de l’Enam) héritée du régime socialiste, le régime de l’alternance a mis en place, « sa propre administration », caractérisée par la floraison d’Agences nationales ou d’exécution (peut être parce que l’ancienne Administration est lourde et lente alors que Wade veut aller vite et bien).Malgré sa volonté affichée à rendre autonomes les structures économiques et à libérer les énergies créatrices, en appliquant ce principe si cher aux physiocrates, « moins d’Etat, mieux d’Etat », la réalité au quotidien montre au régime de l’Alternance, qu’en Afrique au Sud du Sahara, ce sont les Etats (secteur public) qui impulsent l’activité économique (le secteur privé). Pour preuve, la commande publique est estimée à 700 milliards de francs Cfa en 2008, sur un budget national (Etat du Sénégal) de 1200 milliards de francs Cfa. Le même Etat participe à hauteur de 20% au Produit intérieur brut (Pib). C’est beaucoup.

C’est aussi dire que sans l’Etat, l’activité économique est de faible intensité. Et mieux, jamais durant le temps du libéralisme de Me Wade, de 2000 à 2010, les secteurs économiques n’ont jamais été aussi subventionnés, en volumes, que du temps du régime socialiste, sous Léopold Sédar Senghor et sous Abdou Diouf. Ce que le régime libéral a injecté ces dix dernières années, au titre de subventions dans l’agriculture (semences, engrais, matériels agricoles, commercialisation) et dans l’énergie (électricité et gaz butane), le régime socialiste n’en n’a pas fait autant en quarante ans. Alors que, si l’on s’en tenait aux théories doctrinales stricts sensus et des écoles de pensée économique, c’est de l’inverse qu’il aurait fallu faire.

La diversification des partenaires techniques financiers

L’autre choix économique majeur à relever dans les choix et politiques économiques ces cinquante dernières années, c’est la diversification des partenaires techniques financiers. Du traditionnel partenariat bi-directionnel (la France et le couple Fmi et Banque mondiale) sous Senghor et sous Abdou Diouf, Me Wade inaugure l’ère du partenariat multi-directionnel, avec d’une part, les pétrodollars du Golfe (Arabie Saoudite et Emirats arabes unis) et d’autre part, les fonds des pays du Sud-est asiatique, (surtout l’Inde, la Chine). Tout en maintenant le triangle traditionnel constitué par l’Union européenne, Banque Mondiale et Fmi. Si bien que, Me Wade semble continuer à coopérer avec le couple Fmi et Banque Mondiale et l’Union Européenne, pour ce qui concerne les Politiques de Gestion de la Demande (Demand Management Policies), à travers surtout l’appui budgétaire et à traiter avec les pays arabes du Golfe et ceux du Sud-est asiatique, en ce qui concerne ses politiques de l’Offre et de la Demande (Supply Side Economic), pour prendre à bras le corps, la lancinante question des Infrastructures et des Grands travaux.

La devise de l’alternance pourrait se résumer au slogan : construire, encore construire, toujours construire. Mais voilà, le régime de l’alternance devra résoudre un dilemme relatif à la structure même de l’économie sénégalaise. Car, les moteurs de la croissance économique (les secteurs qui tirent les taux de croissance) sont le sous- secteur des Bâtiments et travaux publics (Btp) et le secteur des Télécommunications. Dans le sous-secteur de l’industrie, on assiste de plus en plus, à une destruction de valeurs (fermeture et/ou perte d’emploi d’usines ou d’entreprises). Alors que 70% de la population sénégalaise vit et dépend du secteur primaire (Agriculture, Elevage et Pêche). D’où l’impérieuse nécessité d’orienter davantage de ressources publiques vers l’économie réelle (secteur primaire et secondaire). D’autant plus que le régime de l’alternance a habitué le peuple sénégalais, à gérer, contrôler et se sortir des situations économiques les plus difficiles et les plus compliquées et à ne plus maîtriser et gérer rationnellement l’argent (le train de vie dispendieux de l’Etat) en période de fastes. Ce qui a fait que jusqu’en 2005, les caisses de l’Etat étaient pleines. En 2008, trois ans après, avec la double crise énergétique et alimentaire, le Sénégal éprouve les pires difficultés.

En fin, la date anniversaire des indépendances de la plupart des Etats africains au Sud du Sahara, l’année 2010 aura été marquée par le courage politique de Me Abdoulaye Wade, à poser un débat incontournable, qui sera inévitable dans un futur proche : la question des réserves de la Bceao qui dorment à la Banque de France et qui posent globalement la problématique de l’accrochage du Franc Cfa, hier au Franc français (Ff), aujourd’hui à l’Euro.

Le Sénégal s’apprête à fêter le 4 avril prochain, les cinquante ans de son accession à la souveraineté internationale. Cinquante années, c’est un demi-siècle, la maturité. Entre 1960 et aujourd’hui beaucoup de choses se sont passées dans le pays, dans tous les domaines. La grève de mai 68 est l’un des événements les plus ancrés dans la mémoire des Sénégalais. Un événement dont beaucoup de nos dirigeants actuels se souviennent encore.

L’euphorie de son accession à l’indépendance passée, le Sénégal, alors dirigé par le Président poète Léopold Sédar Senghor, commence le travail, mais se heurte à la grève des étudiants de l’Université de Dakar en mai 1968. Beaucoup de personnalités politiques et syndicales d’aujourd’hui étaient des acteurs de cette grève qui a connu des ramifications au-delà des frontières sénégalaises. L’un d’entre eux, Mamadou Diop Decroix se souvient : « nous avons été informés de la situation à l’Université qui était en grève autour d’une plateforme qui nous intéressait au premier plan en tant que futurs étudiants, parce qu’il s’agissait de s’opposer au fractionnement des bourses décidé par le Gouvernement et à leur paiement 10 mois au lieu de 12 mois sur 12 ».

Abdoulaye Bathily, auteur d’un livre sur les événements de mai 68 intitulé « Mai 68 ou la révolte universitaire et la démocratie », lui emboîte le pas dans un entretien accordé au journal Sud Quotidien du 30 mai 2008 : « mai 68, est le produit de plusieurs frustrations dans la société sénégalaise et dont les étudiants ont été les catalyseurs ». L’historien, toujours dans cet entretien indexe « frustrations et mécontentement par rapport à la politique du Président Senghor » pou dire que ces événements ne sont pas un phénomène de suivisme. « Nous n’avons aucunement été influencés par les étudiants français » déclare t-il.

Senghor se fâche et grignote sue la bourse des étudiants

Les étudiants de l’Université de Dakar avaient « illégalement occupé le Rectorat, les facultés, la Bibliothèque Universitaire et l’Institut Fondamental d’Afrique Noire interprétant les franchises universitaires à leur façon. Ils ont empêché par les muscles l’accès des locaux aux recteurs et chercheurs ». De ce fait, Le Président Senghor déclare t-il la grève illégale et dit dans son discours du jeudi 29 mai à la Nation, mais aussi et surtout, à l’endroit des étudiants : « eh bien, Sénégalaises Sénégalais, tout se paie. Il ne suffit pas de vouloir des bourses au taux élevé, des traitements élevés. Il ne suffit pas de demander qui n’en peut, des milliards et des milliards supplémentaires ». C’est ainsi qu’il a décidé de ne pas payer les jours de grève et accuse les étudiants de l’Etranger d’être derrière cette grève. « Une nouvelle opposition fabriquée par l’Etranger et téléguidée de l’Etranger, veut nous amener à une situation où les prix monteront en flambée, où le gouvernement quel qu’il soit, diminuera les traitements et salaires, où nous assisterons à une lente descente du Sénégal dans les abîmes ».

Mai 68 un suivisme ?

Abdoulaye Bathily le récuse (voir plus haut). Barro Diène, ancien responsable du mouvement des jeunes du Parti socialiste accuse et qualifie le mouvement de suivisme « il y a eu mai 68 au Sénégal parce qu’il y a eu mai 68 en France. En France, il y avait Cohen Bendit, ici, au Sénégal il y avait les Mamadou Diop « Decroix » Abdoulaye Bathily et autres ». Aly Mana Bathily souligne que « mai 68 sénégalais est parti des lycées plus précisément de Blaise Diagne ».

Quelque temps après, les étudiants décident de se calmer. Un calme qui n’aurait pas eu lieu sans l’intervention de grandes personnalités du pays. Mamadou Diop Decroix cite Bassirou Ndiaye qui était le Président de l’Association des parents d’élèves du Sénégal. Selon lui, « le président Bassirou Ndiaye nous tint un discours des plus pathétiques sur les neuf milliards que nos parents, qui sont les contribuables de ce pays et qui suent sang et eau pour payer les impôts qui nous permettaient d’étudier, allaient perdre du fait que l’année allait être invalidée ». Barro Diène que c’est la déclaration de Doudou Ngom qu a calmé les esprits. « Je ne me souviens pas des termes exacts. Mais cette déclaration a eu pour effet de calmer les choses. Les syndicalistes étaient arrêtés et certains avaient été déportés dans certains endroits du senegal. La menace planait, il a réussi à calmer le jeu ».

Le Général Tavarès de Souza se rappelle que les évènements de « mai 68 ont surpris plus d’un ». Selon Tavarès de Souza, le Président Senghor voulait qu’on incorpore tous les étudiants dans l’armée. « J’ai dit : nous ne pouvons pas les incorporer d’office. Nous n’incorporons que des gens qui remplissent les conditions et n’oubliez pas qu’il y a un texte de loi qui le dit, et c’est vrai. Tout Sénégalais est astreint à faire son service militaire. C’est obligatoire mais, pour des contraintes budgétaires, on ne prend que des volontaires ».

Et quand l’auteur du livre Mai 68 ou la révolte universitaire et la démocratie » fait l’inventaire de ces évènements, il avance que « le mouvement de mai 68 représente pour moi, un besoin de démocratie pour la jeunesse, car, c’était l’époque du parti unique ou parti unifié qui n’était pas satisfaisant pour les populations. Mai 68 a jeté les bases du pluralisme politique, du pluralisme syndical, et même sur le plan économique ».

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