Le virus est dans l’école… »françaisenegalaise « ! par Amadou Tidiane WONE

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Le virus est dans
l’école… »françaisenegalaise « !

 » J’ai plié la langue française à mon vouloir-dire. » Aimé CÉSAIRE

Plus on réfléchit sur les causes les plus profondes du non-développement du Senegal, et de l’Afrique en general, plus on en arrive à s’interroger sur la validité voire l’utilité (?!) en tous cas l’efficience de du système éducatif hérité de la colonisation.

Avant l’indépendance, nos parents « subissaient » une école des « maîtres ». Dans le droit fil de la « mission civilisatrice » de la France, puissance colonisatrice, avec un projet clair de domination mentale et culturelle durable.

C’était de bonne guerre dans le contexte d’un projet d’exploitation économique à durée indéterminée. L’on sait tous les résistances féroces qu’opposaient certaines familles à la perspective d’envoyer leurs enfants à l’école des « blancs »… Relire, à cet égard, les pages impérissables de l’Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou KANE.

Un peu d’histoire…

« L’école des otages est le premier établissement scolaire public créé par la France en Afrique de l’Ouest en 1855 – mis à part l’expérience de celle de 1817 de l’instituteur Jean Dard – par le gouverneur Faidherbe. Il est situé à Saint – Louis du Sénégal. On y recrute et on y déporte de force les fils des rois et chefs africaine afin de les surveiller et les former pour devenir des auxiliaires au pouvoir colonial L’Ecole est rebaptisée par la suite « École des fils de chefs et des interprètes ».
(Cf. Boni Mel chercheur en Hisroire in:

https://www.dyabukam.com/index.php/fr/savoir/histoire/item/199-l-ecole-coloniale-en-afrique-occidentale-francaise-ou-histoire-d-un-crime-contre-la-culture-africaine)

Ecole des otages… Le projet est pourtant clair depuis le départ: prendre en « otage » les enfants des « fils de chefs » pour tenir en respect leurs parents et asservir le peuple pour en tirer le maximum d’utilité et de bénéfices possibles. Pour ce faire, il faut le dépersonnaliser, puis l’assimiler ou, à défaut, l’aliéner! Ainsi nos parents, dans leur tendre enfance, apprenaient en chantant, vrai ou faux, :  » nos ancêtres les gaulois »…

Je passe sur les dégâts considérables et durables que cette  » école » et son projet causent encore sur nos aptitudes à inventer et, surtout à innover en toute liberté.

A « l’indépendance » notre administration publique a été prise…en otage(?) par les premiers sortis de l’Ecole Nationale de la France d’outre-mer (ENFOM. ) L’École nationale de la France d’outre-mer est une école française qui formait les cadres de l’administration coloniale…. Tout un projet! Ces cadres, pour méritant qu’ils fussent, inscrivaient leurs actions dans la consolidation de l’Etat post-colonial et la perpétuation de son « projet ». Aucune rupture n’était envisagée d’avec le projet colonial. L’indépendance se réduisait, tout au plus, à un changement d’hommes et de femmes: des sénégalais à la place des français.

Le reste sans changement de…perspective.

Mais tout cela c’est le passé.
À nous maintenant!

Qu’avons nous fait depuis pour déterrer les graines de la servilité si profondément, et si méthodiquement, enfouies dans le plus profond de nos êtres?

Telle est la question centrale qui nous est reposée toutes générations confondues! À ne pas y répondre, en raison de l’illusion entretenue par des « alternances » factices, nous continuerons à perpétuer le projet colonial, envers et contre nous-mêmes. Nous continuerons à « singer » les comportements du Maitre, à imiter son modèle et à croire qu’il est le seul valide.Ce qui est le comble de l’absurde et une insulte à tous les martyrs de l’indépendance!

À ne pas marquer un temps d’arrêt de rupture, nous continuerons à débiter, inlassablement, des rhétoriques savantes sur la « mondialisation inéluctable » alors qu’il ne s’agit que d’un projet de domination conçu et conduit par des esprits humains. En vérité, à l’instar du  » Renégat de David DIOP « piaillant et susurrant et plastronnant dans les salons de la condescendance » nos élites s’égarent depuis 1960…

A y réfléchir continuellement, je suis désormais convaincu que c’est à l’école… »françaisenegalaise »que s’attrapent tous les virus qui nous ont rendus si faibles. Si timorés. Si peu ambitieux… Ou alors réduits à des ambitions étriquées du genre: être le plus riche des pauvres! Nos critères de réussite étant définis à l’extérieur, combien de fois n’a t-on jubilé d’être classé mieux que les avant-derniers en ceci ou en cela? Pourquoi sommes nous convaincus (cons…vaincus?) de ne jamais pouvoir devenir les premiers? Et savons nous seulement en quoi nous voulons devenir les premiers?
Ces questions ne sont pas politiciennes! Elles sont essentielles. Comme telles, elles ne doivent pas être sujettes à des stratégies de positionnement d’un côté ou de l’autre d’un « pouvoir »quinquennal. Un « pouvoir »d’ailleurs , réplique caricaturale de la  » République  » à la française…sans son génie.
Ces questions de fond sont au cœur de notre choix de devenir collectif. Les réponses que nous leur donnons aujourd’hui seront les fondements de l’avenir que nous voulons pour nos enfants, demain. Pour les générations à venir, nous devons forger des réponses durables et structurantes. Nous devons générer du sens. Produire une perspective historique panafricaine qui fasse rêver les jeunes du Continent et leur ouvre un nouvel horizon. Il nous faut retrouver la foi des bâtisseurs de pyramides et ne plus nous contenter de vivre sous la perfusion de l’aide publique au développement. Il nous faut mépriser les félicitations, acides et cyniques, des revues périodiques des bailleurs de fonds et valoriser la joie et la confiance lues dans le regard de nos populations.

Changeons de cap!

Alors : sommes-nous prêts à changer, en nous-mêmes, pour être capables de changer le monde pour nos enfants?

Aucune ambition ne devrait-être en deçà de cet horizon, à mon avis qui, sous ce rapport, se refuse d’être humble! Et que tous ceux qui estiment ces chantiers démesurés nous laissent penser tranquillement.

Amadou Tidiane WONE
[email protected]

7 Commentaires

  1. Amadou tu es superbe dans ce que tu as ecri et c est ce que moi je m attends de toi et non de Politik. Moi je vis en Allemagne ou dans le Kindergarten de mes enfants et dans le quotidien ìls mè disent de parler ma langue a mes enfants. Au bled (Senegal ) des familles se permettent de parler francais a leurs enfants et il y a que le noir qui le fait. Et en plus il en est fier! Excepte les haal pulaars et c est superbe qui parlent partout leur langue. ….

  2. Merci M. WONE d’avoir opté pour une réflexion d’envergure nationale et panafricaine de haute qualité qui a permis de diagnostiquer et identifier le virus dans le grand corps et esprit malade du Sénégal et de l’Afrique avec des faits réels que tout intéressé peut retrouver à travers l’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane qui avait très bien prédit la situation degradante actuelle des peuples africains et combattu par nombre des résistants africains comme Lat Dior Ngoné Latyr Diop, Alboury, Serigne Touba, Samory Toure, Benhenzin etc. Un esprit colonisé est encore pire qu’un territoires colonisé. Notre maître, qui est très loin d’être fou, savait cela. Et qui dit esprit dit école et éducation qui est le siège de son modelage. Le nihiliste ou le l’esprit colonisé irrécupérable a beau le refuser, hélas ça reste malheureusement une vérité absolue.
    Dans une de mes discussions, j’ai demandé pourquoi après les indépendances, le colon n’a pas installé les fils de rois ou de résistants bien diplômés à la tête des pays nouvellement «indépendants»? On m’a répondu que c’est parce que les fils de rois et de résistants bien diplômés ne trahiront jamais le sang versé par leur père, donc défendront l’intérêt de leur pays.

  3. Excellent texte. Mais je vois une nouvelle tendance à se mettre au service de la France pour avoir le pouvoir ou le conserver, quitte à torturer ses propres concitoyens pour leur plaisir, une tendance que j’arrive difficilement à situer les racines dans l’école françafricaine.

  4. Très mauvais texte, M. Tidiane Wone. Plus qu’une déception de votre part, c’est une honte ! Tu rejettes l’école française, pourquoi tu n’as pas écris ton texte en wolof ou en pulaar ? En réalité, tu nous renvoies toujours et encore au discours de la victimisation, comme le font les Bamba Ndiaye, Adama Gaye, Ndiaga Loum et autres. Un discours du genre « Non tous nos problèmes sont causés par les toubabs, nous sommes des enfants innocents »… M. Wone, tu n’as jamais dis quelle est notre propre responsabilité dans la régression de notre pays, la misère et le sous-développement chronique de nos peuples et de nos États. Une langue internationale n’a jamais été un frein au progrès et au développement. Les Sud-Américains parlent espagnol ou portugais, ils ne sont pas blancs, mais sont tous sur la voie de l’émergence. À Singapour, tout se fait en anglais, ils ne sont pas blancs. Le problème en Afrique et au Sénégal, c’est notre culture de la paresse et du bavardage qui nous rend toujours plus arriérés. Un développement ne commence pas par une langue, mais par un culte collectif du travail, de la discipline, de l’effort et du silence. Même un peuple de sourds-muets avec ces mêmes valeurs peut se développer. Mais dans un pays où on n’entend dans les médias que des marabouts ignares, cupides et mégalomanes, des animateurs de radio télé aussi ignares et puériles, des politiciens sans aucun diplôme, etc., il n’y a aucune chance de progrès. Vous avez bien vu après la Tabaski, des gens Sénégalais comme vous et moi jeter les restes de leurs moutons directement dans la rue ou dans des égouts… ça vous donne une idée de notre irresponsabilité collective et de notre état mental. De grâce n’accusez plus les Toubabs, Nars ou autres d’être responsables de notre sort.

    • Vous commencez par un jugement de valeur. Je crois que vous vous êtes empressé de répondre sans lire attentivement le texte. Vous auriez noté que je fais la rupture entre le passé colonial et notre responsabilité depuis « l’indépendance ». Je ne m’adresse pas aux colons mais à nous-mêmes. Par ailleurs je ne pose pas ici la problématique de la langue mais celles des contenus des programmes et des messages subliminaux qui s’y trouvent en terme de castration des intelligences créatrices.
      Enfin, la langue est un moyen de transport des idees et des pensées. A ce titre, dans n’importe quelle langue il faut d’abord générer une pensée avant de la rendre intelligible.

  5. Merci,de votre contribution doyen car vous ouvrez la une fenetre sur le pouquoi
    et le comment nous sommes restes en
    tant que francophones des pays sous_
    developpes.Mais votre analyse devrait
    aller au dela de l aspect linguistique ou
    la colonisation en general ou le dominateur impose ses objectifs aux colonises . Nous devront aussi prendre
    notre part de responsabilite sur notre passe,avenir et notre futur .Etre sevre a l ecole francaise n est pas une condamnation perpetuelle a la soumission et a la pauvrete .Tous les
    peuples du monde a un moment de l histoire ont a subir une domination etrangere beaucoup plus dure (Usa,Allemagne,France,l Angleterre,la chine,la coree,le japon…)mais se sont
    adaptes pour creer leur propre strastegie d emancipation . Aucune langue fusse anglaise,pular ,soninke,allemande …ne peut regler nos problemes de developpement .S il ya un virus dans la francafrique c est
    nous meme qui en portons par notre paresse a trouver des solutions sur nos preoccupations d aujourd hui ,des prespectives du futur et de n apprendre presque jamais du passe .
    Ne noyez pas le poisson , l autre n est pas toujours maitre de nos actes .
    Qui ,plus que nous meme sommes responsable de nos actes ?
    Les remedes qui nous soignent se trouvent toujours dans l environnement ou l on vit .

  6. M. WONE, quelque soit l’appréciation des uns et des autres sur sujet posé, vous avez jeté les bases d’une immense fondation solide: invite à une réflexion sur un sujet crucial et oh combien important, très loin des futilités de leumbeul, lutte, musique, danse, voyeurisme etc. Justement en rebondissant sur le thème de votre contribution concernant le développement et l’émancipation, jamais un pays ne s’est développé sans réflexion et en priorisant le leumbeul, lutte, musique, danse…

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