Les 7 erreurs de Bécaye Diop

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Comme Icare, le « Lion du Fouladou », s’est brûlé les ailes. Dopé par une mystérieuse « amitié » avec le Président Wade, « Bek » n’avait jamais, sans doute, pensé que ses frères de parti se rebelleraient un jour contre lui et rechigneraient à faire sienne cette devise qu’il « veut » leur imposer : « Samba travaille, Hamady mange ». Sa Tabaski 2011 est mémorable. Tout puissant ministre d’Etat-maire, Bécaye Diop s’est vu coincer à son domicile, interdit de sacrifier aux civilités liées à la fête. C’est, sûrement, le point de départ d’une déchéance immanquable. Au début de la révolte, 7 erreurs.

1. Gestion personnelle de la mairie

C’est le 2ème adjoint au maire, lui-même, Ndiogou Dème, qui lâche le morceau. « Bécaye Diop n’est à Kolda qu’une fois par mois, le vendredi-samedi-dimanche », dénonce-t-il. Du 8ème étage du building administratif où se trouve son bureau au ministère des Forces armées, Bécaye Diop manage sa mairie. Scotchés à leur cellulaire, ses adjoints, en l’occurrence Barou Baldé (1er) et Ndiogou Dème s’efforcent de lui transmettre les instances. Faute de téléphone à la mairie, la Sonatel a coupé le jus depuis l’époque des socialistes, Baldé et Dème s’acharnent sur les cartes de rechargement soigneusement gardées après usage. De Dakar, Bécaye envoie deux véhicules pour l’institution. Il affecte l’un au secrétaire municipal et gare l’autre dans l’enceinte de la mairie. Le 4ème adjoint au maire, Bodian, privé de bagnole, est contraint de faire 2 kilomètres à pied pour se rendre au travail. Il finit par céder mais refuse de faire remplacer le défunt 1er adjoint Mbaye Ndiaye, décédé au début de sa mandature. Parti pour raison de maladie, le secrétaire municipal Ndoye laisse vacant son fauteuil. Bécaye, friand de l’expertise externe jette son dévolu sur Moustapha Aïdara, logé à l’hôtel aux frais de la commune estimés à quelque 600 mille FCfa. Ce secrétaire municipal finit par jeter l’éponge. Un autre arrive de Thiès, fait deux jours et renonce à l’offre. Il n’a eu que le temps de prendre service. Point commun à tous les trois secrétaires municipaux : personne n’est de Kolda. Depuis 2006, la mairie est sans véhicule.

Les adjoints au maire vaquent à leurs occupations en taxi. La mairie est sans téléphone ni Internet ni fax, et elle n’est abonnée à aucun journal de la place. Même pas le quotidien national « le soleil ». Quant au budget participatif tant chanté, le maire n’en veut, apparemment, pas. Le dernier qui a été élaboré avec l’appui de l’Unicef « est jeté à l’eau », selon Ndiogou Dème. Tout comme, renseigne toujours Dème, ce contrat destiné à construire la route de la « Radio Dunya ». « Tout a été ficelé, il ne restait que la signature du maire. Mais il a bloqué le dossier nous suspectant de vouloir nous sucrer sur cette affaire », déplore le 2ème adjoint au maire. Lui qui avoue que la communauté catholique a également fait l’amère expérience de la gestion de Bécaye Diop. Lors du dernier pèlerinage catholique à Rome, une promesse de deux billets a été faite aux catholiques. Les deux gagnantes engagent des dépenses pour les préparatifs. En vain. Les deux billets ne sont jamais parvenus à l’Evêque. Les billets pour la Mecque, eux, existent, mais c’est lui seul qui en sait les tenants et les aboutissants. A cette frustration, Ndiogou Dème ajoute celle d’une population envahie par la saleté, faute d’engin pour ramasser les ordures. Le tracteur-benne remonte selon lui à l’époque des socialistes. Même si le budget est passé de 800 millions de Fcfa à 1,9 milliard de Fcfa. Alors que le seul cabinet du maire s’est vu octroyer 163 millions FCfa, la rubrique carburant empoche 55 millions. Le maire dit n’avoir pas besoin du carburant de la mairie. Mais le compte administratif, fulmine-t-on à la mairie, a été pompé à hauteur de 80%. La coopération décentralisée est au point mort, « parce que Bécaye dit que Kolda est plus riche que ces collectivités qui veulent nouer un partenariat avec nous ». « Et lors de l’élaboration du Plan d’investissement communal, il a refusé de participer au financement des réunions de quartiers alors que l’Unicef qui nous appuie a mis la main à la poche », renseigne une source proche du conseil municipal. « Il exclut l’élaboration d’un budget participatif parce qu’il a peur de la contradiction. Kolda risque de ne pas avoir un budget en 2012 », prévient Ndiogou Dème. Même attitude quand il a fallu débourser 6 millions pour finaliser le lotissement des quartiers Saré Kémo, Sinthiang Idrissa, Ilèle, Saré Moussa, etc. La même source s’émeut de la façon dont Bécaye Diop rabroue ses adjoints en public. « On n’y peut rien, se désole Ndiogou Dème, parce que c’est Bécaye qui décide, ordonne et exécute ! »

2. Intrusion de Yaye Rokhaya Diop dite Yaye, sa sœur, dans la gestion de la mairie

A la mairie de Kolda, tout incline à croire que Mme Rokhaya Diop dite Yaye, la sœur du ministre d’Etat-maire fait office de ombudswoman. Elle n’a pas de fonction officielle ni au conseil municipal ni au Pds, mais son pouvoir est écrasant. Longiligne, noire, chétive, quinquagénaire, cette dame dont les condisciples disent que la beauté a fait craquer plus d’un tient un pouvoir occulte et efficace au conseil municipal. « S’il y a décès, baptême ou autre et que le conseil municipal doit faire un geste, c’est Yaye qui détermine la nature de la contribution. On peut décider de donner deux sacs de riz, mais si elle estime que c’est peu ou prou, les adjoints sont obligés de s’aligner. Et quand il faut acheter des denrées pour voler au secours de nécessiteux, c’est à sa propre boutique qu’il faut le faire. Tout ce qui relève du social, c’est elle qui décide de ce qu’il faut faire. Si elle oppose son véto, tout tombe à l’eau, même si les adjoints en avaient décidé », s’indigne Ndiogou Dème. Pour entrer dans les grâces de Bécaye Diop, renseigne Dème, il faut lui faire allégeance. L’ex-chef de cabinet du ministre d’Etat, Alpha Sadou Baldé passé aujourd’hui à l’Afp, serait « tombé » suite à une mésentente avec Yaye Diop. Roulant à bord d’une puissante 4X4, « elle fait le plein de son réservoir auprès du comptable, on peut bien le vérifier auprès du comptable, même si elle perçoit les indemnités de maire de Bécaye Diop ». Alors que certains citoyens sont parfois obligés de casquer pour utiliser l’ambulance. Le camion frigorifique d’une valeur de 50 millions FCfa offert aux mareyeuses de Kolda par le ministère de la Pêche est garé à la maison d’arrêt et de correction. Et là, c’est encore elle qui est pointée du doigt. Gardienne au centre nutritionnel avant l’alternance, Yaye Diop, « alors mariée à un socialiste de la première heure », selon Ndèye Marième Diallo, qui vivait de la fabrication artisanale du savon préside, aujourd’hui, certaines cérémonies, occupe les devants notamment dans le programme « bajenu gox », représente parfois le Pds comme c’est le cas lors du lancement « Ma carte, ma caution ».

3. Gestion opaque du Pds

S’il y a un domaine où Bécaye Diop a essuyé le plus de critiques, c’est sans doute celui de la gestion de la fédération libérale de Kolda. Ce management du Pds a généré des guerres de tendances qui y ont atteint des proportions insoupçonnées. Il en est ainsi pour cette tendance, naguère, animée par le député-président de la fédération départementale libérale Moussa Diao. Quels sont les griefs contre le ministre d’Etat maire Bécaye Diop ? C’est Moussa Diao qui les égrène. Selon Diao, chef de file de la fronde d’alors, « en huit ans, Bécaye Diop n’a jamais rien dit des billets de la Mecque offerts aux militants. Il procède à la distribution comme il l’entend », soufflait-t-il. « Des moulins ont été attribués à certains militants, mais, au sein du parti, on n’en a jamais discuté », dénonçait-il. Quelque 3 ans après, les mêmes critiques reviennent. Des critiques auxquelles s’ajoutent la gestion nébuleuse des fonds de campagne électorale, la paralysie du Pds dont personne ne se souvient de la dernière réunion des instances. De toutes ces plaintes, Ndiogou Dème et Fabouly Gaye, président du conseil régional en ont parlé au président de la République Abdoulaye Wade au cours d’une audience, le jeudi 3 novembre dernier. Me Wade leur dit être préoccupé par la Présidentielle et leur a fait comme « seul reproche » de n’avoir pas écrit au parti. Or là, explique Dème, les plaignants qui veulent s’en ouvrir directement à la hiérarchie du Pds se voient retourner leur missive par Bécaye Diop lui-même, fort, leur dit-il, de ses réseaux dans le parti libéral.

4. Etalage d’une subite opulence

« Le ministre d’Etat se vante d’avoir des biens que ses petits-fils ne pourront épuiser… », assurait le sénateur Tapa Diao. Lui qui ajoutait que c’est ce genre de propos qui « fait mal aux Koldois ». « Ses biens » ? C’est son fils spirituel, Fabouly Gaye, qui en parle. Président du conseil régional, Gaye a été le bras armé politique de Bécaye depuis 2000. Face à la presse, il s’est libéré. « A Dakar, Bécaye possède une maison aux Almadies, une maison à Hann-Maristes avec tout le luxe (piscine, jardin). Il en a également à Mbour. A Kolda, il en a partout : un building au centre-ville, deux au quartier Bouna, trois au Château d’eau, deux vergers, des troupeaux de vaches ».

5. Obstruction des cadres

En conférence de presse dans un hôtel de la place à Kolda, Bécaye Diop s’est énervé à la question relative à l’implication des cadres. « Je ne connais de cadres que ceux des portes ou des fenêtres », lâche-t-il tout furieux. Un signal fort jamais pris à défaut contre les cadres ressortissants de Kolda décidés à s’engager en politique. Et la liste des victimes est longue. Il y a pêle-mêle la conseillère économique et sociale Mme Gnagna Fall Bâ. Son arrivée au parti libéral remonte au lendemain de l’alternance. Mais, son ascension politique s’est faite de façon fulgurante. Consciente qu’avec Bécaye Diop rien n’est possible, elle s’est battue seule pour décrocher un poste de conseillère de la République et aujourd’hui celui de conseillère économique et sociale. Autant d’atouts pour cette dame qui est loin d’avoir livré son dernier match sur la lice politique koldoise. Autre victime Sanoussi Diakité, ex-conseiller technique numéro 1 au ministère de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle. L’homme a cru à sa propre étoile, appuyé par une bonne frange de son quartier, Saré Moussa. Mais l’alerte la plus retentissante a dû être sa sortie sur les ondes d’une radio locale. « Quand on aime son terroir, on doit s’attaquer à son principal mal », annonce Sanoussi Diakité. Il promet alors, de mobiliser 1,2 milliard F Cfa et cible le financement des groupements féminins à hauteur de 500 millions de F Cfa par organisation. La menace est sérieuse. De quoi lui attirer les foudres du ministre d’Etat-maire. Deux jours après il est limogé de son poste de conseiller technique numéro 1 au ministère de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle. On ajoute même, à tort ou raison, sur la liste des « victimes » de l’opposition à l’édile de Kolda, un autre cadre de la Senelec, docteur en Informatique, Kéba Diop. Ce dernier s’est aujourd’hui contenté des fonctions de maire à Saré Yoba, localité située à une quarantaine de kilomètres de Kolda. Autre victime de l’obstruction, Mme Ramatoulaye Sabaly Diop, ancienne directrice de l’Education préscolaire. Une autre dame Sandignéry Diédhiou, militante des heures de braise à dû son salut au ministre de la Santé Modou Diagne Fada. Il en est de même du premier patron de l’Ujtl à Kolda, Moussa Diamanka. Lui aussi a été sauvé par le même Fada. Les têtes de pont de la fameuse Cellule initiative et stratégies (Cis) du Pds, en l’occurrence le Dr Aboubacar Tall, aujourd’hui chef de parti, les professeurs Abdourahmane Diallo, Tafsir Bocoum et Bourama Diao sont aussi tombés face au maire. Par contre, il semble adorer une chose : la promotion des nouveaux arrivants. Dans son entourage immédiat, on retrouve Mamadou Diamanka (Ps) et Opa Diallo (Ld). Le premier, alors menacé d’audit par Bécaye Diop savoure les bienfaits de sa proximité avec le ministre d’Etat, le second est lui secrétaire d’ambassade au Mali.

6. Son divorce avec Fabouly Gaye, président du conseil régional

Un des plus jeunes présidents de conseil régional du Sénégal, Fabouly Gaye, la trentaine, a été élu, à la tête de l’institution avec 32 voix contre 10 pour son suivant immédiat, le député Alpha Koïta, par ailleurs président de la Commission Délégations à l’Assemblée nationale. Secrétaire général de l’Ujtl à Kolda, le tout nouveau président du conseil régional de Kolda était jusqu’à son élection chef de cabinet au ministère des Forces armées et président de l’Organisme national de coordination des activités de vacances (Oncav). Sa loyauté au ministre d’Etat n’a jamais été prise à défaut. A la pointe de tous les combats au nom du père, « Fa » du nom par lequel Bécaye l’appelle souvent a permis à son mentor de régenter en toute tranquillité le Pds pendant 11 ans. Tous les adversaires du maire se sont heurtés au roc « Fa ». Tant qu’il a été à ses côtés, il n’a jamais été possible de l’inquiéter. Contre les détracteurs de Bécaye, il a toujours l’argumentaire à leur opposer et au besoin la force brutale. « Fa » a, en effet, acquis à sa cause, une sorte de « milice » dénommée « Fa action » prête à en découdre avec n’importe quel adversaire sur le terrain. Aux renouvellements heurtés de l’Ujtl, Fabouly Gaye a fait la preuve de l’efficacité de ses ouailles. A l’élection du président du conseil régional de Kolda, les proches du député Alpha Koïta et ceux du président Gaye se sont affrontés. Comment expliquer le divorce entre le père et le fils ? « Bécaye est un maire qui ne me convainc pas et c’est pourquoi je dis que sur le plan politique, il n’est pas mon père ! », assomme Fabouly. Son « père », lui, contient mal sa surprise…

7. L’excès de confiance aux « faiseurs de miracle »

Juste après la tempête des foulards rouges de la Tabaski, une source proche de la famille du maire a dit que Yaye Diop s’est illico presto rendue à Saré Yoba Diéga, une localité frontalière à la Guinée Bissau. But du voyage ? La même source indique qu’elle cherche ainsi à sauver la face grâce aux « faiseurs de miracle ». Le marabout en question réside au village de Djoumémbé et serait un homme couru au savoir « infaillible ». Le mythe Bécaye, c’est un peu cela : la force des marabouts. Nombre de Koldois attribuent sa longévité à un fait : recruté comme moniteur dans l’enseignement vers les années 63-64, Bécaye Diop tient, sans doute, en main la cartographie des « faiseurs de miracles » de la région. A Kolda même, si on veut vous vanter les prouesses d’un marabout, on n’hésite pas à vous dire qu’il est le marabout de Bécaye. Combien sont-ils à lui épargner des foudres de Wade ? Personne ne sait. Mais, il semble que ces « hommes » sont jusqu’en Guinée Bissau et en Guinée. Et sont jusque-là d’une efficacité avérée. Vrai ou faux ?

Sitôt élus à la tête du conseil municipal, en 2002, les libéraux ont eu recours aux services d’une féticheuse aujourd’hui décédée pour « nettoyer » la mairie. Cette prêtresse leur avait dit que les socialistes y avaient enfoui nombre d’amulettes capables de les emporter. En 2005, lorsque Wade, venu à Kolda à l’invitation des femmes libérales, les jeunes avaient envahi son cortège, arborant des foulards rouges. Bécaye Diop maire de Kolda a été interdit de parole par les manifestants. Tous croyaient que c’en était fini pour le maire. A l’arrivée, rien. Ses pouvoirs ont été plutôt renforcés.

Hamidou SAGNA


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