Les appels ou déclarations hostiles au Professeur Sankharé me semblent non avenus et contre-productifs – Par Imam Ahmadou Makhtar Kanté

Date:

Le débat autour du livre du Professeur Oumar Sankharé se poursuit. Dans cet entretien, Ahmadou Makhar Kanté de la mosquée du Point E et ancien imam de l’université Cheikh Anta Diop livre sa lecture. Préparant un livre-réponse à l’auteur de «l’Islam et la Culture Grecque», il indique que les fatwas contre Sankharé sont contre-productifs

L’AS : FAUT-IL EXCOMMUNIER LE PROFESSEUR SANKHARE POUR CE QU’IL A DIT SUR LE CORAN?

Imam Kanté : Sankharé est déjà en situation émotionnelle difficile, ne serait-ce que du point de vue de sa famille qui a eu la réaction que la presse a rapportée, consistant à demander pardon et à appeler au retrait du livre incriminé. C’est aussi quelqu’un qui s’est confondu en excuses et qui apparemment a peur pour sa sécurité, ce qui n’est pas rien dans un pays où il rencontrera 4 personnes sur 5 qui se disent musulmanes, en tout cas dans l’espace public. Tout ceci est assez accablant pour lui. Alors, je me dis : pourquoi y  rajouter ?
En tout cas, si certains considèrent qu’il a défendu des thèses d’apostat, il me semble que deux choses au moins n’ont pas été au rendez-vous d’un traitement approprié de cette oeuvre et de l’attitude de son auteur. D’abord, il tient des propos belliqueux et violents dès l’entame de son ouvrage, sur des institutions religieuses du Sénégal qui ont la reconnaissance populaire que l’on sait. Et dans ses réponses à ses premiers contradicteurs, il tient des propos condescendants vis-à-vis de ceux qui ont fait l’école  traditionnelle coranique et qu’il appelle «ndongol daara». C’est étonnant qu’il ne prenne aucune précaution de ce point de vue, car, il devrait savoir que chaque pays a un «tempérament identitaire» qui a des raisons que la raison ignore. Ensuite, de ce que j’en sais, il y a une étape cruciale que les ulémas qui sont spécialisés dans les questions de dogme et de doctrine mettent comme précaution éthique. C’est le «iqâmatoul houdjjah», qui consiste pour les qualifiés sur les questions religieuses, à apporter les clarifications et réfutations nécessaires à un auteur qui défend des idées jugées en porte à faux avec les enseignements de l’islam, de façon rigoureuse et pertinente.

UNE LONGUE PROCEDURE …

Parce qu’entre autres raisons, Il s’agit selon les ulémas, de s’assurer que le préposé au «takfîr» (excommunication), si le terme existe en français, est présumé innocent jusqu’à ce qu’il prenne connaissance des réponses que lui ont adressées des gens qualifiés en la matière. C’est là où je trouve que les choses se sont emballées entre temps et ont été escamotées ; et qu’une occasion de respecter le «iqâmatoul houjjah», à l’université par exemple, a été perdue. L’auteur lui-même était d’accord sur le principe ainsi que des théologiens et universitaires musulmans en droite ligne de ce que celui-ci réclamait. Mais la polémique virulente et son corollaire de surenchères et d’attaques personnelles s’en sont suivis. On a alors raté une occasion de débats et de clarification des thèses et réfutations des uns et des autres, choses qui étaient bien connues en terre d’Islam. Autre critère, les ulémas considèrent que pour excommunier, il faut que la faute en cause touche à des croyances fondamentales de l’islam.

POURQUOI AUTANT DE PASSION AUTOUR DES PROPOS DE SANKHARE ALORS ?

Ce livre et l’interview qui s’en est suivie ne pouvaient pas, en terre sénégalaise, ne pas susciter des débats houleux pour des raisons religieuses, historiques, culturelles, et populaires. Et justement, le professeur Sankaré pèche par le peu de scrupule qu’il a accordé à ces aspects de contexte. Or, on est dans un contexte où les musulmans sont soumis à des chocs durs, relativement à la violence que certains groupes se réclamant de l’islam revendiquent, comme ce qui s’est passé au Mali, ce qui se passe au Nigéria, en Centrafrique, les actes islamophobes de plus en plus inquiétants en Occident, et tout ce que l’opinion sénégalaise croit, à tort ou à raison, sur des francs maçons qui en veulent à l’islam et qui sont très influents à Dakar.

Tout cela a démoralisé de potentiels lecteurs de l’ouvrage et la surenchère a fait que les pages heureuses de son ouvrage, et Dieu sait qu’il y en a beaucoup, ont été supplantées par les polémiques entre les protagonistes de cette affaire. L’ouvrage m’a donné l’impression d’un auteur qui considère que le Coran ne peut être miraculeux, inimitable, qu’en étant un prolongement du miracle grec, s’il en est. Et en cela, il nie consciemment ou non le caractère révélé et transcendant du Coran et secoue forcément le pilier de la foi islamique. Un exemple sur la Fatiha qui a la place que l’on sait dans le culte musulman, la thérapie mystique, etc. Dire qu’elle était déjà connue des Egyptiens, ça fait court, trop court. Il aurait dit : «on a trouvé en Égypte un texte qui a beaucoup de similarité avec la Fatiha, ça passe», mais dire que la Fatiha était déjà en Égypte, et qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, sans le mentionner dans sa langue d’origine et faire les analyses de textes nécessaires où renvoyer à des auteurs qui les ont faites, pose problème. Les musulmans ont en leur possession des hadiths qui leur disent que la Fatiha n’a jamais été révélée avant le Coran et n’a pas son pareil ni dans les autres sourates du Coran, ni dans les autres livres révélés !!!

Autre exemple, il soutient sans aucun argument probant que l’assassinat de Ousmane était dû à la volonté de ce dernier de manipuler le Coran pour en sortir des versets favorables à Ali !! Son obsession, c’est de faire basculer le Coran de son arabité (celle-ci n’étant selon lui que le contenant,) vers la grécité. Il ne veut rien accepter du Coran qui ne soit grec comme il le dit lui-même : «Tout le message divin semble être habillé du manteau des Grecs». Il aurait dû ajouter et «du manteau égyptien» vu ce qu’il a dit de la Fatiha, et on rajoutera aussi chinois, si un jour, on trouve un récit mythique chinois similaire à une partie du Coran !

ET LE CAS DU VOYAGE NOCTURNE DU PROPHETE….

Justement, nous sommes au mois de «Rajab» durant lequel, pour beaucoup, a eu lieu le voyage nocturne du Prophète (PSL). A ce propos par exemple, il y a eu des discussions au sein des musulmans de la première génération sur «est-ce que le Prophète Mouhammad est monté au ciel corps et âme et est-ce qu’il a vu Dieu ?». Un grand théologien comme Ibnoul qayyim a disserté sur l’âme qui est un des sujets les plus mystérieux de tout temps et aussi dans le Coran. Les exégètes du Coran ont eu de tout temps à se référer à d’autres savoirs pour mieux comprendre la parole de Dieu dont on ne peut rien saisir si on ne fait pas le lien entre les versets, entre les versets et les hadiths sur lesquels un travail d’authentification a été fait et refait récemment, entre les versets et les connaissances humaines de diverses sortes et de diverses provenances. Un théologien comme Ghazali au 12éme siècle de notre ère, est connu de tous et il a beaucoup dialogué et polémiqué avec les philosophes.

Même s’il parle de l’islam comme une religion panhumaine, il veut nous forcer à croire que la culture grecque constitue le socle du Coran, c’est-à-dire que Dieu a choisi de ne transmettre à l’humanité que la représentation que se faisaient les grecs de l’antiquité du monde d’ici-bas et de l’au-delà. En d’autres termes, puisque dans la Fatiha, la prière du musulman est de demander que Dieu lui indique et l’aide à prendre le droit chemin, le professeur Sankharé nous dit que c’est le chemin des grecs et qu’on l’avait perdu de vue, sans nous dire pourquoi ou en tout cas avec des affirmations peu convaincantes. Nous sommes en face d’un intégriste helléniste qui nous dit : «point de salut hors la culture grecque». Il ne semble pas être gêné entre autres choses, par ceci que le projet premier et dernier du Coran est la liberté humaine à travers la foi à un Dieu unique (Tawhid) et que la mythologie grecque est inséparable de son caractère foncièrement païen. Ce qui fait que l’humain y est tout le temps un moyen entre les jeux  de puissance, de croissance et de jouissance d’une multiplicité de faux dieux.

CETTE REACTION MUSCLEE NE DONNE-T-ELLE PAS RAISON AUX DETRACTEURS DES MUSULMANS QUI DISENT QUE CES DERNIERS SONT DOGMATIQUES 

Ce que j’ai regretté dans ces réactions, c’est que justement de part et d’autre, on aurait pu être plus ouvert d’esprit et plus lucide. Autant certains détracteurs du professeur Sankharé ont pu être excessifs, autant ce dernier a répondu dans le mode de l’émotion plus exactement pour faire mal. D’un côté, les appels ou déclarations hostiles au professeur me semblent non avenus et contreproductifs car ils laissent entrevoir une image de l’islam dont les adeptes au Sénégal sont facilement manipulables sous le mode de la rumeur et du «nettali.» La lucidité, la clairvoyance et la rigueur requises pour être à la hauteur de l’exigence coranique de la clarification (fatabayyanou) sont en partie perdues en cours de route.

De l’autre côté, les termes méprisants envers un segment de la société musulmane du Sénégal qui bénéficie d’un respect étroitement lié à l’islam, que le professeur Sankharé a tenus, trahissent un certain dogmatisme au moment où le monde entier est en train de chercher à donner plus de poids à des savoirs que la rationalité occidentale enseignée dans nos écoles dites modernes a longtemps marginalisés avec les conséquences qui s’en sont suivies.

Autant, on traitait les savoirs traditionnels africains d’archaïques, dont il fallait se départir, pour entrer dans l’ère du progrès, de la modernité, etc. autant, le professeur Sankharé tire vers le bas le débat en déclarant son refus de débattre avec les «ndongol daara » qui, selon lui, ne font que croire «à ce qu’on leur dit». Il ne peut pas ne pas savoir aussi qu’ont été «ndongol daara», toutes ces figures respectées qui ont promu la première écriture qui circulait entre les lettrés, à savoir l’arabe.

Mais, bref, le dogmatisme dans le sens de la fermeture sur sa propre compréhension des choses, avec son corollaire d’exclusion de l’autre est une maladie infantilisante qui dessert tous ceux qui ont envie de vérité d’où qu’elle vienne. Et cette ambition noble d’ouverture aux autres est bien présente dans le Coran : «Vous les humains ! Nous vous avons créés d’un homme et d’une femme et nous avons fait de vous des peuples et tribus afin que vous vous entreconnaissiez… »

Pour finir cette interview, j’en  appelle à l’apaisement et à la poursuite du débat dans un cadre sincère et apaisé. J’envisage personnellement d’écrire un livre pour lui apporter une réponse scientifique.

Source: L’As

14 Commentaires

  1. Pourquoi devrions être là à nous chamailler sur une croyance issue de la bible et de la Thora, alors que les découvertes présentes et à venir nous montre et vont nous montrer que d’autres civilisations plus avancées que la nôtre existent ailleurs dans l’univers ? Comment les Egyptiens ont-ils pu collaboré avec des êtres venus du ciel il y a 11.000 ans et dont certains sont bien enterrés sous des pyramides et d’autres seraient retournés sur leur planète dans des chars de feu (éclairés, lumières ) ? Regardez sur YOUTUBE, la MOMIE de l’EXTRATERRESTRE que des savants ont trouvé sous une pyramide en 2012 : Lien : LA MOMIE D’UN EXTRATERRESTRE SOUS LA PYRAMIDE D’Al Haloun. Ces Dieux dont parlent les livres sont loin d’être connus exactement ? Y aurait-ils des centaines d’autres planètes habités par des être plus intelligents que nous ? C’est de cela que les humains devraient débattre, en attendant que ces être se manifestent sur toute la terre !

    • Pourquoi devriez vous être là à nous tympaniser de croyances bâties sur des découvertes qui seront faites prochainement ? Des momies d’extraterrestres découvertes sous les pyramides. Pourquoi extraterrestres ? On n’a pas trouvé où les insérer dans la chaînes de l’évolution des espèces darwiniens ? Alors on met fin au darwinisme ? Notre Dieu n’est plus le hasard, mais des extraterrestres avec des chars de feu (MDR)? Pardon, c’est sérieux, c’est pas une croyance religieuse, pas une foi, c’est une science qui sera prouvée prochainement. Et si ces extraterrestres que nous cherchons ailleurs vivaient simplement parmi nous ? Une simple question de dimensions. Nous visons un monde de quatre dimensions, une dimension de plus et cela nous devient invisible. Les égyptiens sont entrés en contact avec eux ? Mais tout comme nos charlatans entrent en contact avec des entités. C’est pas diable, que tout ça. Allez, bonne chance pour votre nouvelle science. Dés lors que l’hypothèse de base c’est pas de Dieu, eh bien vous tournerez longtemps en rond.

  2. Ce qui est non avenu et contre productif c’est d’abord le livre de Sankharé et ensuite les vaines tentatives de critiquer la réaction des musulmans, dés lors que le concerné a présenté les excuses et veux tourner la page.

  3. Rien qu’en confirmant les traces d’Alexandre le grand ds le coran ,ce doit disant professeur aurait vrèmen besoin de remttre à jour ses connaissances.Dans le coran il serait question de Zoulkharney,un libèrateur (monotèiste ),alors qu’Alexandre le grand fut conquèrant (et polytèiste ),selon d’otr professeur,d’otr universitaires,d’otr chercheurs d’otr horizons.wala bok ?

  4. Combien sont ils qui sont assidus aux slawatul fadjiri tous les matins ? NOS MOSQUEES SONT VIDES , Combien sont -ils qui pourront se prononcer pour ‘excommunier Sankaré.il est facile de verser dans le torrent quand on tort quotiennement le cou aux principes les plus élémentaires de l’Islam .le pays des cagots , des tartuffes, des menteurs des corrupteurs, ce terreau si infertile au bon développement de la charia , On crie ähue et à dia harrot sur le baudet.Que le plusimmaculé d’entre eux jette la premiere pierreen gageant toute sa famille et toute sa descendance au peril de …Il a fauté et nous fautons toujours et toujours encore

  5. Pro sank. A ecrit tout ce livre pour un visa permanent en Europe. Il fallait prendre les galles. Pour ses rare fois que xeme. Exprime meme mieux ma pense a ma moi. Encore une fois Merci Xeme

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

CAN 2023

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

[Vidéo] Adji Mbergane Kanouté critique Moustapha Sarré : « Il n’a pas les compétences requises »

XALIMANEWS-Les critiques à l'égard de Moustapha Sarré se multiplient...

Nominations de Moussa Balla Fofana et d’Amadou Chérif Diouf, immersion dans la diaspora de Montréal  

XALIMANEWS- Les nominations récentes d’Amadou Chérif Diouf et de...

Assemblée nationale : les députés de Benno privilégient « désormais » le dialogue et la concertation

XALIMANEWS-Le groupe parlementaire coalition Benno Bokk Yakaar (Bby) a...