Les conséquences économiques de l’élection de TRUMP pour l’Afrique

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Au regard de manière dont la géopolitique mondiale peut rapidement évoluer avec l’élection de Donald Trump, il m’a paru intéressant de regarder sous la loupe la manière dont le continent africain pourrait être impacté. Pour l’Afrique, l’enjeu de cette élection réside dans le maintien du consensus bipartisan au Congrès qui a été la pierre angulaire de la politique des États-Unis envers le continent pour les trois dernières administrations de Bill Clinton, de Georges W. Bush et de Barack Obama.
Ce consensus reposait sur l’idée que l’Afrique offre des opportunités intéressantes pour les investisseurs américains. Au cours des deux dernières décennies, le Congrès a non seulement adopté l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) pour soutenir l’économie des pays africains en leur facilitant l’accès au marché américain, mais également le Plan d’Urgence Américaine pour la Lutte contre le VIH/SIDA (PEPFAR). Dans la même veine, la Millenium Challenge Corporation (MCC) a vu le jour pour réduire la pauvreté par une stimulation de la croissance africaine, mais également le dernier venu de l’administration Obama, Power Africa, a pour but d’augmenter l’accès des populations africaines à l’électricité.
Ces projets ont été les leviers importants par lesquels les États-Unis d’Amérique ont renforcé leur présence en Afrique ces dernières années. Toutefois, on pourrait se demander si l’administration Trump cherchera à affaiblir ou à abolir ces initiatives législatives. Au regard de l’intérêt stratégique que l’Afrique représente désormais pour la Chine, l’Europe et l’Inde, surtout pour ses ressources naturelles, on pourrait penser que le nouveau pouvoir américain ne cherchera pas à effriter sa position sur le continent. Néanmoins, rien ne prouve que l’Afrique sera une priorité pour le Président Trump avec la même envergure que ses trois prédécesseurs l’ont été. En fait, on pourrait s’attendre à ce que, sous son administration, les États-Unis soient moins engagés sur le continent, surtout lorsqu’il s’agit des dépenses des contribuables américains sur les initiatives de développement économique. Pendant sa campagne, le candidat a plusieurs fois affirmé sa volonté d’opérer un repli des dépenses américaines à l’intérieur du pays, une volonté forte dont les africains pourraient subir les conséquences. Parlons maintenant de ce qui pourrait advenir des principaux programmes.
L’AGOA va-t-il survivre à l’administration TRUMP ?
Ce programme pourrait facilement être la première victime sous Trump. Bien que ses avantages n’aient pas été réciproques pour les deux partenaires, c’est un programme qui a servi au renforcement des relations entre les États-Unis et l’Afrique. Il a engendré un effet de création de commerce et stimulé les investissements à l’avant-plan de la politique des États-Unis en Afrique. La coopération s’est traduite par la création des centres commerciaux pour aider les entreprises africaines à accéder au marché américain. Toutefois, il faudrait noter que même si ce programme a représenté une opportunité intéressante, plusieurs pays africains, notamment ceux de l’Afrique francophone, n’y ont pas tiré grand profit en raison de leur faible capacité productive.
Il faudrait également noter qu’au cours de la dernière décennie, l’Union européenne a forcé la main aux africains pour mettre en place les Accords de partenariat économique (APE) sur l’ensemble du continent ; ces accords exigent des gouvernements africains qu’ils accordent un accès préférentiel aux biens et services des entreprises européennes. Au regard de cette donne, les produits américains pourraient s’avérer moins concurrentiels en Afrique puisque que les tarifs préférentiels ne leurs sont pas appliqués. Pour cette raison, l’administration Trump pourrait être susceptible de voir l’AGOA comme un « mauvais » accord commercial dans lequel les États-Unis ne sortent pas gagnants comparativement aux APE. Il est donc fort probable que l’administration Trump fasse une évaluation de l’AGOA et de la dynamique concurrentielle sur le marché africain avant d’agir.
Le partenariat privilégié va-t-il se maintenir ?

Dans l’ère post-guerre froide, les États-Unis ont souvent travaillé, avec un certain succès à la transformation de leurs relations avec les gouvernements africains pour passer de la relation de donateur-bénéficiaire à celui basé sur les avantages mutuels consentis. À cet effet, il est même intéressant de voir que toute l’aide américaine est basée sur des subventions plutôt que sur des prêts. Contrairement aux multiples conditionnalités européennes, les gouvernements africains jouent un rôle de plus en plus important dans la détermination des programmes dans lesquels le gouvernement américain investit. Un exemple illustratif est qu’avec le MCC, les États-Unis coordonnent la totalité de leurs investissements avec les professionnels des pays hôtes. Toutefois, avec les préférences nationales de Trump, il n’y a pas de signaux clairs que des investissements substantiels des États-Unis seront maintenus en Afrique sous forme d’aide au développement, même s’il est dans leur intérêt de le faire en raison surtout de la concurrence chinoise et européenne.
Également, au regard des déclarations fortes de Trump lors de la campagne électorale, la plupart des africains se demandent si son administration imposera une interdiction aux musulmans ou s’il expulsera un grand nombre d’immigrants africains. Ainsi, des interrogations demeurent à savoir si les États-Unis continueront d’être ce pays de rêve et d’espoir pour les autres qui vivent ailleurs dans le monde.
Quel est l’avenir du défi sécuritaire du continent ?

Les États-Unis ont également joué un rôle crucial dans la réponse aux principaux problèmes de sécurité en Afrique. Au cours de ces dernières années, ils ont renforcé leur coopération militaire avec le Nigéria par exemple pour combattre Boko Haram et on peut dire que certains progrès ont été réalisés en ce sens. Le soutien des États-Unis aux efforts de maintien de la paix en République démocratique du Congo, en Somalie et au Sud-Soudan a été essentiel pour promouvoir la stabilité dans les zones de conflit et les efforts régionaux de lutte contre le terrorisme. Tout récemment, un accord de défense a été signé entre les États-Unis et le Sénégal dont les clauses devaient permettre de faciliter la présence de militaires américains au Sénégal, pour notamment lutter contre « la menace terroriste » en Afrique de l’Ouest. Maintenant, toute la question est de savoir si une administration Trump continuera à appuyer ces programmes de défense. Une autre équation vient de la volonté de Trump de moins s’impliquer dans les problèmes internes des pays, ce qui peut être un grand signal pour les dictateurs africains de se maintenir au pouvoir et de contrer toute velléité de progrès démocratique.

Docteur Ibrahima Gassama, Québec
Économiste du développement durable au Gouvernement du Québec
Vice-Président à DIISOO-MED
Courriel : [email protected]

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