Les germes d’une implosion

Date:

La coalition Bennoo Bokk Yaakaar va-t-elle sortir indemne des élections sénatoriales ? A moins de trois semaines de l’échéance électorale prévue le 16 septembre, le partage quasi-léonin des postes de sénateurs au profit exclusif de l’Apr (36 sièges sur les 45 à pourvoir dans les départements, en plus des 55 postes de sénateurs à la discrétion du président de la République) est en passe de semer les germes de la division au sein de la coalition Bokk Yaakaar qui, faut bien le rappeler, a fait élir Macky Sall à la magistrature suprême. Surtout si les élus locaux en majorité membres du Ps, de l’Afp et de Rewmi, après les Locales de 2009, contestent la clé de répartition arrêtée par les « Apéristes » au sein de la coalition et votent pour une liste parallèle.

Une incertitude qui plane au-dessus de la cohésion de Bokk Yaakaar d’autant que l’Apr qui réclame la présidence du Sénat semble se mettre à dos le Parti socialiste, selon certaines indiscrétions. Un parti dont le leader, Ousmane Tanor Dieng, ne cracherait pas sur la présidence de la chambre haute du Parlement en guise d’« étrenne » du chef de l’Etat pour le récompenser de son soutien du second tour, au même titre que Moustapha Niasse qui a été « intronisé » au perchoir.

En s’offrant 36 départements sur les 45 en lice pour les élections sénatoriales et en n’en réservant qu’une huitaine à ses alliés de Bokk Yaakaar, Macky Sall est en passe de semer les germes de la division au sein de la coalition qui l’a élu à la magistrature suprême, lors du second tour de la présidentielle de 2012. Pour cause, la clé de répartition des postes pour les sénatoriales, déclinée à l’avantage exclusif de l’Apr et de la coalition Macky 2012, ne laisse que des miettes aux partis et coalitions de partis qui ont accompagné l’actuel chef de l’Etat à la magistrature suprême. Alors que l’Apr se retrouve avec quelque 35 postes de sénateurs à pourvoir au niveau départemental, Bennoo Siggil Senegaal de Moustapha Niasse ne récupère que 04 postes (départements de Bignona, Nioro du Rip, Kaolack et Kaffrine) alors que le Rewmi d’Idrissa Seck (Thiès, Tivaouane) et Benno ak Tanor (Mbour, Koumpentoum) se retrouvent crédités de 02 postes seulement. Un partage quasi- léonin qui est en train de provoquer frustrations et dépit à Bokk Yaakaar.

Effectuée sur la base du coefficient électoral des partis et coalitions de partis au premier tour de la présidentielle (26 février 2012), la clé de répartition de Book Yaakaar pour les investitures aux sénatoriales fait la part belle à Macky Sall et à son parti, l’Alliance pour la République. La majorité des départements tombe dans l’escarcelle des « Apéristes », 36 à 37 sur 45, alors même que le collège électoral des dites localités n’est pas du bord politique de Macky Sall. Les conseillers municipaux et régionaux qui vont exprimer leurs suffrages à côté des députés, le 16 septembre prochain, ont été pour la plupart élus, lors des Locales de 2009, sous la bannière de Bennoo Siggil Senegaal. Une coalition de partis politiques dominée alors par le Parti socialiste de Tanor Dieng, l’Afp de Moustapha Niasse, voire le Rewmi d’Idrissa Seck.

L’Apr, alors naissante, n’avait joué qu’un second rôle dans la conquête des mairies de grandes villes arrachées au Pds. Qui plus est, en dehors de Fatick et moyennement du Nord du Sénégal, le parti de Macky Sall n’avait réussi à élire qu’un nombre restreint d’élus locaux. Or, avec la clé de répartition déterminée sur la base de l’élection présidentielle de 2012 et non des locales de 2009, alors même que les sénatoriales sont des joutes assez particulières du fait de leur collège électoral fait d’élus locaux, Macky Sall impose un « coup de force» à ses alliés de Bokk Yaakaar, pourtant majoritaires avec le Pds, en termes d’élus locaux, au sein des mairies et conseils régionaux.

Macky Sall s’est toutefois évertué à adoucir la pilule en envisageant d’octroyer, sur la liste des 55 sénateurs qu’il va nommer, 05 postes à Bennoo Siggil Senegaal de Moustapha Niasse, 05 postes à Benno ak Tanor d’Ousmane Tanor Dieng, 05 autres à Rewmi d’Idrissa Seck. Il n’empêche : un véritable malaise s’installe progressivement au sein de Bennoo Bokk Yaakaar, sapant ainsi les fondements sur lesquels la coalition qui a porté Macky au pouvoir avait construit son unité pour bouter Abdoulaye Wade du pouvoir. De plus, Macky Sall semble jouer à se faire peur à ces joutes sénatoriales, d’autant qu’il ne dispose pas de la majorité des élus locaux, dans les villes comme dans les campagnes, Une véritable incertitude semble planer sur le vote au sein de Bokk Yaakaar avec des élus locaux qui ne peuvent très bien exprimer leurs suffrages sans suivre la logique du parti. Ce partage des postes de sénateurs qui lèse, selon bien des observateurs politiques, les principaux alliés de Macky au second tour et aux législatives, a fini par susciter en fin de compte une véritable levée des boucliers au sein de Bokk Yaakaar, et principalement du Parti socialiste.
DU MALAISE A LA LEVEE DE BOUCLIERS

Même si les camarades d’Ousmane Tanor Dieng ne l’expriment pas encore ouvertement, par le canal de leur bureau politique, beaucoup de responsables socialistes ne sont pas gardés de montrer leur dépit par rapport à cette clé de répartition pour les sénatoriales. A l’inverse de l’Afp dont le leader Moustapha Niasse, intronisé au perchoir, a accepté sans broncher le partage « mackyiste » aux sénatoriales, le Ps a en effet bien du mal à digérer la clé de répartition en question. Bamba Fall, adjoint du maire socialiste de Dakar Khalifa Sall, a carrément fustigé cet état de fait plus ou moins assimilé à un « diktat » de Macky. Afin de dénoncer l’inertie de son parti dans les rapports tissés avec le président de l’Apr, le responsable socialiste a déposé une liste parallèle pour les sénatoriales dans le département de Dakar. Un département où l’Apr qui veut s’accaparer du poste de sénateur ne compterait qu’une cinquantaine d’élus locaux contre plus de 300 élus du Parti socialiste.
LE PS DANS LE COLLIMATEUR DE L’APR

Ce n’est toutefois pas seulement sur le partage des postes de sénateurs au niveau départemental que la cohésion de Bokk Yaakaar semble particulièrement menacée. Sur bien des plans, le renouvellement du Sénat en lieu et place de sa suppression pourtant prônée dans le cadre des Assises nationales, montre des signes avant-coureurs de l’éclatement de Bokk Yaakaar. Le cas de figure du futur président de la chambre haute du Parlement semble le plus manifeste. Surtout si Ousmane Tanor Dieng, le secrétaire général du Ps, ne se retrouve pas à la tête du Sénat, comme « étrenne» du chef de l’Etat pour récompenser le premier des Socialistes qui a contribué, avec ses 11, 30% des voix au premier tour de la présidentielle 2012, à son élection à la présidence.

Au même titre que Moustapha Niasse, le leader de Bennoo Siggil Senegal qui a été « intronisé » au perchoir. Mais, à l’allure où vont les choses, avec les cadres de l’Apr qui exigent de leur président la nomination d’un des leurs à la tête du Sénat, il est fort probable que Macky va se laisser rattraper par la realpolitik. Une realpolitik qui lui imposerait de suivre les desiderata de ses camarades de parti et de ne pas nommer comme deuxième personnalité de l’Etat un leader qui ne ferait pas partie de son camp politique. Le Parti socialiste qui se préparait, semble-t-il, depuis l’intronisation de Niasse au perchoir à siéger à la tête du Sénat, pourrait-il accepter la déconvenue de voir Ousmane Tanor Dieng recalé au poste? Rien n’est moins sûr. En tout cas, pour certains observateurs politiques, un tel cas de figure porterait un sérieux coup à l’unité de Bokk Yaakaar, s’il n’en provoque tout simplement pas…l’implosion.

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

CAN 2023

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Absence du gouvernement et accusation contre le PDS : Le démenti des Libéraux

Le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) réfute catégoriquement les allégations...

Il faut une nouvelle Constitution pour l’efficacité de la rupture annoncée par le nouveau gouvernement (Expert)

XALIMANEWS- Professeur titulaire en droit civique à l’Université Cheikh Anta...