Les mouvements citoyens au Sénégal : « Guem  sa bop wala Djaay sa bop »

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Le jeu politique en cours au Sénégal est devenu complexe. En effet, le paysage politique est en train d’être recomposé, sinon brouillé par un positionnement de multiples acteurs. Les postures de ces derniers portés par des mouvements dits citoyens sont en réalité profilées par des ambitions et des intérêts personnels pudiquement enrobés dans un discours « aux allures nationalistes et citoyennes ». Ainsi dans sa subtile présentation, ce discours est censé être uniquement guidé par la cause nationale ou par un recentrage sur les valeurs comme « guem sa bop ». Des mouvements pompeusement appelés « guem sa bop » se multiplient.  Des acteurs connus de l’espace public en sont les initiateurs. Ces derniers se mettent subitement dans une posture de « nouveaux opposants ». Le label « citoyen guem sa bop   » devient le cheval de Troie d’un positionnement dans l’espace public ou plutôt politique.

L’analyse des profils des chefs de file de ces mouvements montre que leurs leaders ne sont pas n’importe qui. La plupart d’entre eux sont des gens qui ont acquis une certaine célébrité dans des domaines aussi divers que la musique, le religieux, les affaires, la presse, etc. Ils essaient donc de réinvestir ce capital de célébrité en gains politiques pour asseoir leur positionnement au sein du paysage politique. Particulièrement, ces mouvements citoyens portent dans leurs flancs des frustrations avouées ou inavouées et des ambitions personnelles. 

La prolifération de ces « mouvements citoyens » semble être un désaveu de l’opposition politique classique. Elle contribuera à brouiller davantage le jeu d’une opposition confrontée à une crise de leadership en son sein.

La confusion et le brouillage se corsent lorsque des politiciens endurcis en quête d’une nouvelle crédibilité dans l’espace public recourent à la bannière du « combat citoyen », d’autant plus que la frontière entre l’espace politique et l’espace citoyen n’est pas étanche. 
Dans bien des cas, un discours incendiaire est servi par des gens qui ont participé à l’exercice du pouvoir de l’alternance, donc comptables de la gestion des affaires du pays. Probablement, les fibres patriotiques longtemps inhibées par les privilèges dont ils bénéficiaient ne sont réactivées que lorsque les dits privilèges ont été perdus ou menacés. Le courage est un sacerdoce. Il impose d’assumer ses responsabilités en dehors de tout calcul politique.    La virulence de certains discours « dits engagés » et dopés à grand renfort de tapage médiatique, quelles que soient les précautions sémantiques prises par leurs auteurs paraîtra toujours suspecte aux yeux d’une opinion avertie et est à verser dans le registre des règlements de comptes et des calculs politiques, le plus souvent sous-tendus par des intérêts purement personnels. 

Mouvements citoyens : une autre manière subtile de faire la politique 

Pour certains intellectuels et des personnes dopées par leur « célébrité », et soucieuses de réinvestir cette popularité en gains politiques, le mouvement citoyen est un moyen, un raccourci pour entrer dans le champ politique sans apparaître comme un politicien et sans grand frais.  Par sa souplesse organisationnelle, Il permet également de faire l’économie de lourdeurs liées à la gestion des partis politiques. 
Même s’ils s’en défendent, ces mouvements citoyens sont en réalité des mouvements politiques d’autant plus que non seulement les actes qu’ils posent sont politiques mais aussi l’espace qu’ils occupent est purement politique, les acteurs qu’ils interpellent sont également politiques de même que leur agenda est politique. 

L’approche éthique qui structure leur vision manichéenne des acteurs politiques et leurs sorties au vitriol contre le pouvoir médiatiquement amplifiées sont uniquement destinées à se donner une bonne conscience et apparaître aux yeux de l’opinion comme les nouveaux porte-voix d’alternatives messianiques douteuses. 
Une menace contre la démocratie.

Sous ce rapport, le mouvement citoyen risque d’être un instrument de chantage face au pouvoir en place pour monnayer sournoisement des positionnements, un outil de promotion individuelle et un moyen de solder des comptes personnels. Ainsi des scénarii subtils se trament à l’insu du citoyen qui, emporté par ses sentiments d’émotion affective et de compassion, comme au sein d’un groupe de fans n’use plus de son exercice de critique. Sous cet angle, n’importe quelle « célébrité » et peu importent le domaine dans lequel elle évolue et ses compétences, grâce uniquement au capital de sympathie dont elle bénéficie pourrait un jour décider de nos destins, exercer selon ses intérêts personnels une influence sur le pouvoir et régler ses contentieux avec ce dernier en snobant royalement la justice. « L’effet presse » et les coups médiatiques servant d’amplificateur aux « forces » réelles ou supposées du mouvement dans le jeu politique. En réalité, i vaut mieux parler de « djaay sa bop » que de « guem sa bop »

A y regarder de près, la prolifération tous azimuts de ces mouvements dits citoyens constitue même une menace contre la démocratie. Car personne ne pourra maîtriser avec certitude les formes qu’ils pourront revêtir encore moins la nature réelle des revendications qui seront portées par ces mouvements.  La fin ne doit pas justifier les moyens. Le combat et le débat démocratiques doivent être menés avec sérénité et lucidité, loin des rancœurs partisanes sinon, aveuglés par nos objectifs à court terme, nous n’aurons pas le recul critique nécessaire avant de cautionner certains phénomènes porteurs de potentiels risques dans le jeu démocratique et qui sait, pour la stabilité de notre pays ? 

 

Serigne Ngom

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