Les terribles révélations d’Omar Sarr (Lisez)

L’OBS-Le coordonnateur national du Parti démocratique sénégalais (Pds) se lâche. Dans cet entretien accordé à L’Observateur, Oumar Sarr revient en détails sur le procès de Karim Wade qui, selon lui, est celui du Président Macky Sall, qui choisit les dossiers qu’il remet à la justice. Le maire de Dagana, qui promet des révélations dans cette affaire, a par ailleurs commenté les Locales, le remaniement etc. Entretien.

QUESTION :Le procès de Karim Wade a été suspendu jusqu’au 18 août prochain. Quelle appréciation faites-vous de son déroulement, après quatre audiences ?

REPONSE: Comme nous l’avons toujours pensé, le procès de Karim Wade est en réalité celui de Macky Sall. Sur les 12 ans de pouvoir de Me Abdoulaye Wade, les 8 ou 9 ans, c’est Macky Sall qui était le numéro 2 du gouvernement et celui du parti. Et vous avez vu dans les audiences qui se sont passées, on a beaucoup parlé de Macky Sall et on va beaucoup parler de lui, parce qu’il ne peut pas être blanc comme neige. Il a géré le pays avec nous. Il a géré avec Karim Wade beaucoup de dossiers. Donc, de plus en plus, on parlera de Macky Sall. Et en réalité, dans ces mois de procès, ils ont dit qu’il va durer six mois, on parlera beaucoup de Macky Sall. Parce que c’est lui qui a décidé de mettre Karim Wade en prison.

QUESTION: Pourquoi dites-vous cela?

REPONSE: Je l’ai lu dans la presse, Macky Sall a dit qu’il a gardé beaucoup de dossiers par devers lui. Donc, c’est lui qui choisit les dossiers qu’il remet à la Justice. C’est cela qu’il a dit. Sauf s’il dément la presse. Donc, il a remis le dossier de Karim Wade, c’est un choix qu’il a fait. Nous le savions depuis le début, le dossier est vide. Et comme il est vide, nous allons parler politique. Les avocats ont commencé à le faire. Il y a eu notre jeune frère, Moïse Rampino, qui s’est exprimé avec ses propres mots, sa propre détermination, les avocats ont parlé, les militants et sympathisants du Pds, les mouvements de soutien, les alliés, tous se sont mobilisés pendant ces jours-là. On n’a donné aucun franc, mais ils se sont mobilisés eux-mêmes pour défendre la démocratie, lutter contre l’arbitraire. C’est ça qu’on va retenir dans ce procès. Quelle que soit sa durée, on analysera chaque acte du gouvernement, chaque acte de Macky Sall, qui a décidé de mettre Karim Wade en prison.

QUESTION :Et quelle analyse faites-vous des actes déjà posés depuis le début du procès, avec notamment les révélations faites par les deux camps?

REPONSE: Il n’y a pas encore eu de révélations importantes. Parce que sûrement, on va aller plus loin. Le Sénégal est un pays où tout le monde se connaît. Les gens savent qui est le Procureur, qui a été tel avocat, quels sont les dossiers qui les concernent. Donc, forcément, quand il y a des attaques en dessous de la ceinture, en face, les gens livreront des informations qui seront appréciées par le peuple. Il y a eu une attitude malsaine des avocats de l’Etat et du Procureur, en face, la défense a brillamment répondu. Il y a des questions importantes qui sont discutées. Mais, au-delà de ces questions, il y a la manière de les poser, les dessous politiques et parfois les dessous personnels. Quand un Procureur va jusqu’à attaquer vilainement un avocat, cela a un sens. Mais le dossier n’est pas terrible, les avocats vont le démontrer.

QUESTION :Vous avez toujours dit que le dossier est vide, mais cela n’empêche pas qu’on organise le procès. Pensez-vous pouvoir vous en sortir?

REPONSE: Je sais que Karim est innocent, je n’en ai aucun doute. Je connais le dossier. Pour moi, Karim est innocent, cela va de soi. Je vous ai dit que c’est le procès de Macky Sall. Maintenant, la question est : est-ce que Macky Sall est innocent ? C’est l’autre question qui va être débattue.

QUESTION :Qu’est-ce que vous insinuez par là ?

REPONSE: Pour moi, Karim est innocent et cela va se démontrer avec des arguments. Et probablement, les gens vont dire que Karim n’est pas la personne qui devait être là. Ce sont des arguments que les uns et les autres vont développer tout au long de ce procès. Vous avez vu le début. Si le procès se déroule normalement, beaucoup de choses vont se clarifier et comme ça, le Sénégal saura qui est qui et qui a fait quoi. L’alternance sous Wade a duré 12 ans, nous avons trouvé ici des dossiers sulfureux, mais nous avions essayé de redresser, parce que le Sénégal, c’est ça, sans amener la famille d’Abdou Diouf ou les responsables du Ps en prison, alors que tout le monde sait qu’ils sont nombreux à être milliardaires. Ils ont trouvé un pays redressé, mais ils sont venus en coalition avec ceux qui ont été battus en 2000. Et ils essaient de détruire l’image des vainqueurs de 2000. Ils veulent que le pays retienne que nous sommes des voleurs, que nous avons détruit le pays, alors que tout le monde sait qu’il n’y avait rien avant 2000. Si le Sénégal s’est construit, c’est bien parce qu’il y a eu l’alternance de 2000. Ce qu’ils devraient faire, c’est continuer sur la lancée de 2000, les immenses réalisations, les immenses progrès pendant ces 12 ans.

QUESTION :Au début de l’affaire Karim Wade, le Pds avait promis une grande mobilisation, mais on s’est rendu compte que depuis le démarrage du procès, la mobilisation s’effrite de jour en jour, qu’est-ce qui explique cela ?

REPONSE: La mobilisation ne faiblit pas. Le premier jour, ils ont permis que les gens entrent, mais après la démonstration de force, ils ont envoyé des nervis de l’Apr dans la salle, mais tout le monde pouvait constater que nous dominions très largement. Il y avait deux pelés et trois tondus contre des milliers de personnes qui sont venues sans être payées, pour soutenir Karim Wade et le Pds. Le deuxième jour, il y a eu le problème sur l’occupation du premier étage, il y a eu des gaz lacrymogènes pour chasser nos militants. On avait même emprisonné pendant quelques heures, quelques militants du Pds. Et vous verrez que le 18 août, il y aura une fore mobilisation, même s’ils ont diminué la capacité de mobilisation des militants. Le Pds reste mobilisé et est pour la justice. Nous pensons que Karim est innocent et qu’il y a juste un procès politicien. Ce sera le procès de Macky Sall.

QUESTION :Vous insistez beaucoup sur cela, en quoi sera-ce le procès de Macky Sall ?

REPONSE: Macky Sall a géré avec nous. Après 2012, nous savons ce qui se passe dans notre pays. Nous avons les détails, comment le niveau de corruption a grimpé, comment dans certains projets, on voit des taux de corruption à deux chiffres, comment les marchés de gré à gré font légion. C’est malheureux. On veut condamner le Pds, Me Wade et son fils. Le Pds se défendra. Les avocats vont détailler en parlant de certaines choses dans le montage de certains marchés de l’Etat, de corruption.

QUESTION :Donc on va assister à des déballages ?

REPONSE: Le régime veut nous attaquer, nous nous défendrons. Nous montrerons que sous Wade, le pays a été mieux géré que maintenant. Ce ne sera pas un déballage, mais juste une technique de défense. Nous ne parlons pas seulement pour les juges, mais pour le peuple aussi. Les Sénégalais vont comprendre que c’est seulement un montage politicien.

QUESTION :On a également noté l’absence de Me Wade au procès, on ne voit que Mme Viviane Wade, qu’est-ce qui explique cela ?

REPONSE: Ce qui est clair, c’est que Me Wade soutient son fils. Il n’est pas venu au procès, mais vous avez vu comment les avocats de l’Etat l’ont insulté. Son nom a été prononcé plusieurs fois. Il y a son fils qui est accusé et lui-même qui sera au centre et qui ne pourra pas parler. Il y a tout un contexte qui peut permettre de comprendre son absence. Mais il est présent.

QUESTION :Donc, c’est juste pour cela qu’il n’est pas venu ?

REPONSE: Il ne m’a pas expliqué les raisons pour lesquelles il n’est pas venu. Mais je peux comprendre qu’il ne soit pas venu. Dans tous les cas, il est avec nous.

QUESTION :Ne trouvez-vous pas bizarre qu’on emprisonne son fils, qu’il ne soit pas allé lui rendre visite en prison, encore moins assister à son procès ?

REPONSE: Non. Le Président Wade est un homme d’expérience. Karim ne peut pas douter un seul instant de l’amour de son père. Lors de la dernière audience, ils ont montré que ce n’est pas Karim Wade qu’ils visaient, mais son père. Ils ont traité Wade de tous les noms d’oiseaux. S’il était là-bas, cela allait poser problème et changer la nature des audiences. Parce que certains qui ont parlé n’oseraient pas utiliser les mots qu’ils ont utilisés. Parce que Me Wade connaît le pays, il a été avocat, il a été aussi un acteur politique pendant des décennies, donc il connaît les gens. Mais il ne va pas s’engager sur un certain terrain, parce que c’est très bas. Mais si chacun disait ce qu’il savait du Procureur quand il était à Tambacounda, ou ce dont certains l’accusent et qui sont en France ou au Sénégal…, je connais des noms, les avocats aussi connaissent des noms. Mais est-ce que tout cela est utile pour le Sénégal? En tout cas, nous, on essaie de nous recentrer, c’est un procès politique, c’est Macky Sall qui l’a décidé, en relation avec ses acolytes, les perdants de 2000-2001.

QUESTION :D’aucuns pensent qu’on doit appeler le Président Abdoulaye Wade à témoigner dans ce procès. Etes-vous de cet avis ?

REPONSE: Beaucoup l’ont cité. Abdoulaye Wade a fait beaucoup de choses pour beaucoup de personnes. Il a dit clairement qu’il y a certaines choses qui lui appartiennent, qu’il a dû confier à Karim. Donc, il connaît beaucoup de dossiers. Cela peut être utile pour tout le monde qu’il détaille certains aspects, mais on verra. C’est une question plus judiciaire que politique.

QUESTION :Mais personnellement, est-ce que vous êtes pour son témoignage pour clarifier certaines choses?

REPONSE: Sûrement pour la manifestation de la vérité. Mais je ne suis pas avocat, je suis un responsable politique et je veux que le procès de Macky Sall soit un procès qui éveille le peuple. Je crois que les objectifs vont se retourner contre les commanditaires, c’est à dire la coalition hybride et Macky Sall.

QUESTION :Pourquoi dites-vous que ça va se retourner contre eux ?

REPONSE: Nous allons argumenter et démontrer que s’il y a des personnes qu’on aurait dû accuser, qui auraient dû être là-bas, ce n’est pas Karim. C’est probablement une partie d’entre eux. Ceux qui ont pillé et détruit le pays, sont là-bas, ils sont dans les réunions ministérielles, autour de la majorité présidentielle et ils se présentent comme des gens propres. C’est un peu le drame de la situation. Mais la vérité va éclater et ce sera inéluctablement contre eux.

QUESTION :Certains militants et responsables du Pds estiment que Macky Sall veut simplement empêcher Karim Wade de se présenter à la Présidentielle de 2017, vous le croyez aussi ?

REPONSE: Je pense d’abord que c’est un procès contre le Pds, contre le Président Wade. C’est une tentative d’humilier jusqu’au bout le Président Wade, parce qu’il a gagné en 2000 contre tout le produit du colonialisme. Quand Me Wade est venu, c’est l’Afrique libérée, qui osait parler contre la France, le Fmi, la Banque mondiale. C’est Abdoulaye Wade qui a commencé à poser les bases d’une unification de l’Afrique. Tout le monde sait que tous les grands de ce monde étaient avec Macky Sall ou en tout cas étaient contre Abdoulaye Wade. C’est tout ce système qu’ils veulent détruire et condamner.

QUESTION :Mais pas pour empêcher Karim Wade de se présenter en 2017 ?

REPONSE: Quand tu veux détruire Abdoulaye Wade, tu veux en même temps détruire son fils. Pendant longtemps, ils ont expliqué, vers 2011-2012, qu’Abdoulaye Wade travaillait pour son fils, pour une dévolution monarchique du pouvoir. Donc, une manière de juger Wade, c’est de prendre son fils. Karim est un Sénégalais, il y a beaucoup de gens qui commencent à le comprendre et à l’appuyer. Aujourd’hui, tous ceux qui voient la grande tricherie du régime, se disent qu’ils peuvent se tourner vers Karim Wade et le supporter. C’est une réalité qui est objective. Je pense qu’au départ, ce n’était pas cela mais au cours de l’évolution, ils se rendent compte que si Karim était candidat, qu’il pouvait l’emporter. C’est clair. Ils le savent, ils ont fait leur sondage. Karim a grandi en prison, il a appris à connaître le Sénégal d’en bas, il connaît le Sénégalais, il a pu mieux étudier certains aspects de la vie politique, économique. Il a grandi en prison, c’est un candidat qui peut être très sérieux contre le régime de Macky Sall. Ils le savent.

QUESTION :Macky Sall dit que Karim Wade ne constitue pas une menace pour lui…

REPONSE: C’est le langage politicien. Mais la vérité est là, les résultats des élections locales le montrent. Le pays est en train de se déplacer, il n’a plus la majorité qu’il avait il y a un an. Le pays le conteste. Karim est une solution, c’est une évidence. C’est comme quand il dit qu’il a gagné à 80% les Locales, si cela le convainc, il n’a qu’à continuer à le dire, dure sera la chute.

QUESTION :En disant que Macky Sall veut empêcher Karim Wade de se présenter en 2017, est-ce que le Pds ne fait pas de lui son candidat de fait pour la prochaine Présidentielle?

REPONSE: Le Pds n’en est pas à ce stade. Mais vous avez vu qu’il y a beaucoup d’individualités qui estiment qu’ils peuvent être candidat pour le compte du Pds. Nous sommes dans un parti démocratique, donc c’est normal qu’il y ait des forces qui se dégagent. Mais avant qu’on en arrive là, les choses vont être très claires et on va avoir un candidat unique pour le Pds. Et ceux qui ne seront pas choisis par le parti, vont se ranger et mener la bataille avec la personne qui sera choisie. Nous avons des responsables loyaux, qui ont lutté jusqu’au bout avec le Président Wade. J’ai eu la chance de les connaître et de travailler avec eux. Je remercie toujours le bon Dieu et le Président Wade d’avoir l’occasion de travailler avec cette belle équipe, tous responsables et déterminés. Maintenant, s’il y a une élection présidentielle, on va définir la forme pour y aller.

QUESTION :Après les Locales, le Pds estime qu’il est sorti victorieux de ces joutes. Comment appréciez-vous les performances de votre parti ?

REPONSE: Notre frère Modou Diagne Fada a donné des détails qui montrent qu’en termes de voix, nous sommes majoritaires dans le pays, avec nos alliés. Puisque dans certaines localités, il sera très difficile de différencier les alliés et le Pds. Mais de manière générale, nous sommes sortis victorieux de ces élections. Quand Macky Sall parle de victoire à 80%, il parle en termes de collectivités locales, mais tout le monde sait qu’on ne peut pas raisonner en termes de collectivités. On va vers des élections nationales où chaque voix compte, si on veut calculer en termes de représentation nationale, on ne peut pas compter en nombre de collectivités locales. Cela me rappelle le débat de 2009 où le Pds montrait à chaque fois qu’il était majoritaire en termes de collectivités locales. C’était clair que nous étions majoritaires au niveau des collectivités locales, mais aveugles et sourds, parce qu’on n’avait pas compris qu’il y avait un message qu’il fallait décoder. Nous avions perdu Dakar et les grandes villes. Nous n’avions pas bien analysé la situation.

QUESTION :Vous pensez que Macky Sall est dans la même situation que vous en 2009 ?

REPONSE: Apparemment. Mais Macky Sall est cartésien, je pense qu’il a pu calculer et voir que quand on perd Dakar, Pikine, malgré tout ce qu’ils ont fait pour avoir la ville, Rufisque, Thiès, toute la région de Diourbel, le Sud, quand on vole au Nord pour pouvoir gagner Saint Louis etc. Si malgré cela, Macky Sall pense qu’il a gagné, je lui souhaite de bien gagner la prochaine fois dans cette voie. Il va perdre lamentablement.

QUESTION :Il y a votre cas à Dagana où vous régnez en maître depuis 1996. Qu’est-ce qui explique que vous êtes indétrônable?

REPONSE: Je ne suis pas indétrônable à Dagana. C’est vrai qu’ils ont mis beaucoup de moyens à Dagana. Ils ont mis des moyens colossaux, ils ont même mis des moyens mystiques. Parce que j’ai vu qu’ils ont tué des singes, brûlé des ânes, tué un chien qu’ils ont enterré comme si c’était une personne humaine qui était morte. Ils ont utilisé tous les moyens mystiques et tous les moyens financiers et humains pour pouvoir gagner Dagana. Mais ils ont lamentablement perdu. A Dagana, s’ils ne font pas de coalition, il n’y a même pas besoin d’aller à une élection. C’est pourquoi ils font leur Bennoo Bokk Yaakaar quand il s’agit de Dagana. Mais malgré cela, dans la commune, ils n’arrivent pas à avoir trois voix sur dix, même pas 30%. Cela prouve qu’ils sont vraiment faibles. Nous avons perdu le département avec très peu de voix. Nous sommes sociologiquement majoritaires dans le département de Dagana, mais nous n’avons pas été très vigilants dans certaines communes. Dans la commune, j’ai des relations particulières avec les populations. Je dis toujours que j’aurais pu avoir comme nom Dagana. Je suis de là-bas, chaque endroit, chaque personne me ressemble d’une certaine manière, je suis un peu leur vitrine. Je suis avec eux, je prends les moyens de transport qu’ils prennent, je mange avec eux, je prends du thé avec eux. C’est cela Dagana, nous sommes ensemble. Macky Sall sait qu’il n’avait aucune chance de gagner Dagana.

QUESTION :Le Président Macky Sall avait promis de sanctionner les perdants aux Locales, il a tenu parole et a formé un nouveau gouvernement dirigé par Mohammed Dionne. Comment appréciez-vous cela ?

REPONSE: Je ne sais pas s’il a tenu sa promesse, il a changé des gens dans le gouvernement et il les a reconduits le lendemain. L’exemple le plus frappant, c’est celui de l’ancien ministre en charge de la Bonne gouvernance (Abdou Latif Coulibaly Ndlr) qui devient Secrétaire général du gouvernement, sans en avoir d’ailleurs les compétences. Le Secrétaire général du gouvernement (Seydou Guèye Ndlr) devient directeur de Cabinet adjoint du Président. D’autres vont être directeurs généraux. Donc, de fait, il ne pourra pas respecter ses engagements. Nous avons un régime présidentiel, le président de la République peut à tout moment changer son Premier ministre. Nous n’avons pas à juger de l’opportunité de cela. C’est vrai que l’ancien Premier ministre (Mimi Touré Ndlr) était très impliqué(e) dans les questions liées au combat contre le Pds. Le nouveau Premier ministre est un ami, nous avons fait les mêmes écoles. Mais on ne juge pas un gouvernement par les amitiés ou les relations qu’on peut avoir avec les uns et les autres. C’est un nouveau gouvernement de Macky Sall qui entre dans le sillage de ses promesses et de ses ambitions. Nous pensons que Macky Sall ne peut pas réussir à construire le pays comme il l’espère. Il n’en a pas les moyens, ni technique ni stratégique.

QUESTION :Que pensez-vous de la sortie du ministre Mbagnick Ndiaye, qui dit qu’il a été nommé grâce à la Première dame, Marème Faye Sall ?

REPONSE: Là aussi, c’est malheureusement une image du Sénégal qui devient de plus en plus réelle et quand nous regardons cela, nous nous posons des questions. Pourquoi on est descendu(s) aussi bas ? Mais apparemment, il n’a fait que dire la vérité. Certains ont confirmé cette vérité, le Sénégal ne mérite pas cela. C’est un Président qu’on élit, pas son épouse. On n’élit pas sa famille. Je ne connais pas les détails, mais si c’est vrai, ce serait vraiment dommage pour notre pays.

QUESTION :Le Président Macky Sall avait promis de réduire son mandat, de 7 à 5 ans, aujourd’hui il veut procéder par référendum pour matérialiser cet engagement. Qu’est-ce que vous en pensez ?

REPONSE: S’il veut vraiment réduire son mandat, il y a d’autres moyens pour le faire. J’espère qu’il ne veut pas organiser ce référendum pour que le peuple dise «non» et qu’il reste jusqu’en 2019. Cela peut être un moyen rapide de précipiter sa chute. Parce que le pays est fatigué. Je crois que Macky Sall le sait. Il paraît qu’il va commencer des voyages économiques, mais s’il rencontre le vrai Sénégal, il verra que le pays est fatigué et qu’il en a marre de sa politique. Il n’y a aucune solution sérieuse. Le pays semble aller de mal en pis. Il dit qu’il propose un référendum, la commission d’Amadou Makhtar Mbow (Cnri) qui était chargée de réfléchir sur les institutions, avait fait beaucoup de propositions sur le plan institutionnel et autres, mais le Président Macky Sall, à ma connaissance, n’a discuté avec aucun parti ni avec les personnalités proches de notre camp, donc je ne sais pas comment il va organiser son référendum. C’est le moment pour expliquer aux Sénégalais où il veut aller. Il faut qu’il parle et qu’on comprenne où il veut aller. La politique, ce n’est pas l’art de se cacher. Soit vous vous montrez, soit les gens vont vous trouver.

QUESTION :Le colonel Ndao a sorti un livre dans lequel il a fait des révélations, en accusant certaines personnalités comme le Président Abdoulaye Wade. Quel commentaire faites-vous de ce brûlot ?

REPONSE: J’ai juste lu le début du tome 2 où il me citait, pas nommément. Puisqu’il disait qu’il y a un ancien ministre d’Etat, qui est un ancien enfant de troupe, et qui aurait dû démissionner quand il a été cité dans une affaire de mœurs. Après, il a dit qu’il reprenait mot pour mot ce qu’un de vos collègues avait écrit sur cette affaire. Quand j’ai lu la lettre de votre collègue, j’ai pensé qu’il parlait de moi. Je trouve qu’il est assez lâche. Quand il veut parler d’une personne, il faut d’abord qu’il ose la citer nommément. Je n’ai pas de problème particulier. S’il dit des contrevérités, la justice me donne des possibilités de porter plainte. Je trouve qu’il n’est pas si courageux que ça. Et j’étais choqué quand j’ai lu une autre partie du livre où il expliquait son passage à l’école militaire. Il disait qu’une fois, il y avait des grèves, on a renvoyé tous ses camarades, sauf lui, parce que son oncle a retiré son nom de la liste au dernier moment. Il aurait dû démissionner. Il définit des principes qu’il ne respecte pas. Je n’ai pas lu tout le livre, mais il y a apparemment des éléments à scandale. Si c’est vérifié, ça va poser d’autres problèmes. J’ai l’impression que c’est vraiment léger et que le livre est venu à une période où, avec le rapport de l’Ige, je me demande si tout cela n’est pas commandité.

QUESTION :Par qui ?

REPONSE: Le brûlot parle beaucoup de certains Généraux, du régime de Me Abdoulaye Wade, mais ne parle guère de Macky Sall. Il était le ministre de l’Intérieur, était au centre des questions casamançaises. Je ne vais pas en dire un mot.

QUESTION :Le professeur Malick Ndiaye a, lui aussi, écrit un livre dans lequel il s’attaque au Président Macky Sall. Quelle analyse en faites-vous?

REPONSE: Je connais Malick Ndiaye depuis des décennies, nous avons milité ensemble dans l’association des étudiants sénégalais en France. Je pense que c’est un homme sincère, qui, à un moment donné, a voulu expliquer le ras-bol de toute une équipe. C’est «Macky2012», ils ont cru en Macky Sall dès 2011 ou 2010, avant que les grands partis ne s’en mêlent. Ce sont les déçus du «Mackyisme». Beaucoup d’entre eux s’attendaient à autre chose. Par exemple, il doit être déçu quand Macky Sall dit qu’il a gardé par devers lui tous les dossiers de justice gênant pour ses proches. Il doit être déçu par la politique menée par Macky Sall au double niveau national et africain. J’ai lu les extraits de ce livre, mais ça rejoint en partie ce que nous pensons depuis longtemps. Macky Sall ne peut pas réussir à bâtir un Sénégal émergent avec les moyens qu’il a et les partis qui sont autour de lui.

PROPOS RECUEILLIS PAR SOPHIE BARRO