Lettre ouverte Aux dirigeants et personnalités mourides par Serigne Ahmadou Moukhtar Sylla

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Après avoir suivi de près la cérémonie officielle qui clôturait la 120eme édition de la commémoration du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba à Touba, notamment l’allocution de Serigne Mountakha Bachir à travers de laquelle il a transmis le ndigal du calife général des mourides pour l’érection d’une université à Touba. Un “ ndigal “ qui a attiré mon attention et qui m’a vraiment poussé vers une réflexion intellectuelle que je vais essayer d’étaler par cette lettre ouverte.
Je m’adresse aux dirigeants et aux personnalités mourides censés réaliser le ndigal du calife.
En ma qualité de disciple mouride, en ma qualité d’intellectuel, et en ma qualité de membre de la famille d’un côté je pense avoir l’étoffe et la légitimité d’apporter ma contribution à tous les sujets qui me paraissent utiles pour le développement de la voie de Bamba surtout en matière de ce qu’il considérait comme une ‘’arme’’ contre ses adversaires, le savoir.
Une université à touba : une prière exaucée
Dans son livre Matlaboul fawzayni, cheikh Ahmadou avait demandé à son Seigneur trois choses dans sa ville préférée Touba : une mosquée, l’eau courante et un établissement scolaire dont ses apprenants viennent de tous les coins du monde. Les deux premières sont réalisées, pendant que la troisième est le projet qui vient d’être lancé par le calife…
Alors que faut-il vraiment pour arriver à réaliser ce projet avec succès ?
L’idée de la construction d’une université à touba avait été initiée par le 3eme calife de touba cheikh Abdoul ahad qui l’avait déjà construite à la corniche Ouest à 4 kilomètres aux environs de la grande mosquée. Mais l’initiateur a disparu avant l’ouverture et le déroulement du programme…Quelques années plus tard, l’université fut transformée en une école coranique, chose qui étonna tous ceux qui étaient au courant de l’ambition de l’initiateur.
La différence entre la construction unilatéralement et un ndigal à l’édification :
La deuxième est plus importante car tous les disciples sont appelés à y participer. En plus, en écoutant bien Serigne Mountakha, il l’a comparé avec le ndigal donné l’an dernier à propos de la grande mosquée. Donc ce sont les trois principales préoccupations du calife : la grande mosquée ; la mosquée massalikoul djinan à Dakar; et l’université de touba dénombrait il Serigne Mountakha …
Pourquoi l’université islamique ?
Pourquoi veut-on délimiter le ndigal du calife ?
A ma grande surprise, j’ai lu des articles de presse qui rapportent des informations selon lesquelles le calife a donné une directive pour l’érection d’une université islamique. Chose qui est totalement à l’opposé de ce que le calife a réellement dit dans le “ ndigal “ qu’il a donné. Cette précision est très importante et il reste clair que pour apprendre la science islamique nul n’est besoin d’édifier une université qui couterait des centaines de millions voire des milliards de nos francs. Pour la seule et simple raison que la vraie science islamique ne s’apprend point dans les universités.
Ainsi au vu du contexte actuel de l’enseignement supérieur au Sénégal et particulièrement à Touba, le besoin se trouve réellement dans l’érection d’une université dans laquelle toutes les disciplines seront enseignées : du droit à la philosophie en passant par la technologie, les sciences et l’histoire. Une université à Touba serait une aubaine pour cette ville qui abrite à peu près 3 millions d’habitants, et pour le Sénégal aussi qui n’en possède pas suffisamment. Pour réussir à mettre ce projet sur pied, l’engagement et l’implication de tout le monde est nécessaire.
Néanmoins, Il faudrait se débarrasser de cette posture regrettable qui est l’attitude qui gangrène même le mouridisme tendant à exclure systématiquement les femmes et la jeunesse de tous les travaux d’ordre intellectuel. Toutes les catégories de la société détenant une compétence dans ce domaines sont invitées à prendre part à ce projet, que ça soit les hommes, les femmes, les jeunes, les francophones de même que les arabophones.
Aussi, il est important de préciser que l’inclusion de certaines personnes dans ce projet du seul fait de leur descendance ou de leur appartenance à certaines familles serait nuisible à sa réalisation. Ce projet est bien différent du Magal qui est piloté par un comité que tout un chacun peut diriger. Tout compte fait, c’est un projet intellectuel qui prône le savoir et qui va, par conséquent, appartenir aux savants et intellectuels.
Comme son nom l’indique, c’est une université et donc toutes les responsabilités doivent être confiées aux universitaires aptes et compétents en la matière. Ainsi toute ingérence qui peut porter atteinte au bon déroulement de ce projet serait insupportable et impardonnable. De plus, je pense qu’il est opportun de mettre en garde les gens qui se croient toujours plus méritants et mieux placés pour gérer les affaires publiques de Touba. Et à ceux là, je leur dis que ce projet appartient à toute la population confondue, pas uniquement à la confrérie mouride.
J’invite toutes les personnes qui ne sont pas compétentes dans ce domaine à s’abstenir de s’impliquer dans ce projet, ce serait la meilleure manière pour eux de contribuer à la réussite de ce projet.
Me concernant, ma préférence va à l’érection d’une université semi-publique au niveau de laquelle le califat va gérer la forme et l’Etat se chargera du fond.
Au cas où mes interlocuteurs s’intéresseraient à ma proposition, je leur expliquerais volontiers la question du fond et de la forme que je viens de soulever.

Ahmadou Moukhtar Sylla
Rabat- Maroc 18/12/2014

1 COMMENTAIRE

  1. Salam Serigne Ahmadoul Moukhtar,

    J’ai lu votre contribution et j’avoue que je suis entierement d’accord avec vous.

    Cependant la mienne va dans le sens qu’il est d’ores et deja temps que Touba s’ouvre aux sciences profanes (Pas uniquement religieux). Pourqu’oi les chefs religieux sont contre l’implantation des ecoles dites  »ecole toubab » dans la ville sainte? Alors que nous savons bien que le chef spirituel de la Mouridiyah ne l’a nullement interdit. Qui pourrait le contredire en se fondant sur ses ecrits? Cependant on se rappelle de l’avis qu’il avait donne pour la construction d’une ecole a Diourbel par les colons.

    Je pense qu’un des problemes majeurs de la tariqa consiste a ce que les chefs religieux a tort ou raison pensent plus ou moins que l’heritage du Cheikh leur reviennent globalement. Par consequent, on constate l’esprit tangible de superiorite qui gouverne la tariqa et sur tout les plans. Un  »simple » Talibe (intellectuel ou pas) n’est jamais habilite a proposer quelques choses allant dans le sens de faire avancer la ville et/ou la tariqa et qui serait susceptible d’etre appliquer par le Khalif.

    Au moment ou nous sommes, il y’a des intellectuels Mourides (francophone et/ou arabophones) partout dans le monde qui ont des idees pour faire bien marcher les choses. Mais qui leur ouvrira la porte?

    Assalamou Alaykoum

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