Livre du Colonel NDAW : Y aller avec plus d’intelligence que d’émotion Par Mamadou Ndione

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Depuis quelques temps, le livre du Colonel NDAW « Pour l’honneur de la Gendarmerie Sénégalaise » semble défrayer la chronique avec des commentaires passionnés tournant pour l’essentiel autour de deux questions essentielles à savoir :

– Un militaire doit-il violer l’obligation de réserve

– Faut-il au nom du principe d’obligation de réserve se taire et enterrer tout ce qui a été écrit de grave notamment dans le tome 2 du livre ?

D’emblée, l’opinion doit savoir que les supposés faits relatés par le Colonel NDAW se sont déroulés sous le magistère de l’ancien Président. A ceux qui seraient tentés de dire que le Président Macky Sall a été Premier Ministre de Wade de 2004 à 2007, nous pouvons dire que le Colonel NDAW n’a
jamais mêlé l’actuel Président dans les supposés faits décrits dans le livre. Bien au contraire, l’auteur y explique clairement le complot dont aurait été victime l’actuel Président à l’époque Premier Ministre, puis Président de l’Assemblée Nationale qui était la cible des faucons du palais. Sans entrer ici dans les détails du livre (pour ne pas donner une impression de propagande), je note simplement que le Président Macky Sall n’a jamais été cité dans les supposés faits graves relayés dans le livre. Le dire c’est juste la Vérité. Cette précision de taille signifie que l’actuel Président de prime abord n’a aucun intérêt en tant qu’individu à vouloir mettre une sorte d’omerta sur le livre. Il est cependant gardien de
la Constitution, Chef Suprême des armées et Premier responsable de l’intégrité nationale. Serait-il responsable qu’un Chef d’Etat ferme les yeux quand un haut gradé de l’armée viole le règlement militaire en mettant sur la place publique des supposés faits gravissime pour l’essentiel mettant en cause la hiérarchie de la gendarmerie et des hommes politiques y compris l’ancien Chef de l’Etat ? La question aussi délicate qu’elle soit doit être traitée de façon républicaine d’abord. Faut-il encourager demain nos hauts gradés à prendre la plume ou le micro pour raconter au grand jour des faits pouvant remettre en cause la nation ?

Je crois que l’Etat doit appliquer à l’auteur du livre toute la rigueur du règlement et de la justice militaire. Autrement, ce serait fragiliser la République en transformant la grande muette en boites à pandores.

La question délicate demeure cependant la suite discrète à donner à cette affaire pour ne pas donner une impression d’omerta coupable ce d’autant plus que le citoyen interpelle en toute légitimité au nom d’un principe de transparence notamment dans les faits de corruption, la gestion du dossier
casamançais et les violations des droits humains. Du moment que le ver est dans le fruit, il faut un traitement et non un silence total.

Comment s’attaquer aux problèmes de fonds posés dans livre sans donner l’impression de céder à l’émotion collective qui, hélas, ne comprend souvent pas que la gestion d’un Etat se base d’abord sur la sérénité à toute épreuve. Le citoyen devancera l’élu dans l’ambition, mais ce même citoyen doit savoir que le temps de la décision n’est pas celui de l’ambition.

A mon humble avis, un meilleur traitement de cette affaire suppose deux choses essentielles :

– Appliquer au Colonel NDAW ni plus ni moins que ce que prévoient la loi et le règlement militaire cela dans le respect de ses droits individuel.

– Traiter dans un temps raisonnable avec toute la rigueur requise les supposés faits repris dans

le livre sans donner l’impression de céder dans une précipitation maladroite à l’émotion légitime.

La construction de l’Etat de droit est à ce prix. Construire l’Etat de droit veut aussi dire éduquer le peuple civil et militaire pour qu’il comprenne que les notions de secrets d’Etat ne sont pas antinomiques de la transparence. Lorsqu’aux USA l’informaticien Edward Snowden, ancien employé
de la NASA a révélé en 2013 les programmes de surveillance de masse des citoyens américains, l’Etat l’a mis en examen et jusqu’à ce jour il est en exil. Ce qui est reproché à Snowden c’est d’abord la violation du secret alors que les problèmes qu’il a pourtant posés interpellent sur les droits des citoyens à avoir une vie privée protégée. Entre le devoir de sécurité publique (qui exige le renseignement) et la gestion de la délicate question des libertés publiques, les Etats responsables mettront toujours (même sans le dire) la Sécurité au-dessus de toute autre considération. Sans comparer l’affaire Snowden au cas présent, nous voulons juste insister sur le fait que même sous d’autres cieux l’obligation de réserve est une donnée essentielle de sécurité publique. Quelque part, il y aura toujours un pouvoir entre les mains d’individus à tous les échelons civiles et militaires. L’essentiel est surtout d’avoir de bonnes pratiques dans les mœurs politiques, civiles et militaires qu’il faut assainir à travers des mécanismes de contrôle interne qui n’ébranleront pas la République en trop fragilisant le détenteur de la légitimité populaire ou du pouvoir hiérarchique.En choisissant un Chef d’Etat détenteur de la légitimité populaire et clef de voute des institutions, la démocratie a compris que ce denier doit user de ses prérogatives pour éviter l’opacité et l’anarchie. Le citoyen Sénégalais doit, dans cette situation délicate, faire preuve de retenue en donnant le temps à une solution intelligente à ce douloureux problème qui heureusement n’est pas une équation insoluble.

Nous devons, au-delà de la position exigeante de citoyen, faire preuve de réalisme pour mettre l’Etat dans une position de traitement intelligent de cette situation. Un traitement intelligent ne saurait se faire dans la précipitation du grand déballage qui discrédite les institutions et les corps armés. Le citoyen n’a aucun intérêt à avoir des institutions et des corps armés fragiles.

Certes, il faut extirper la mauvaise graine, mais il faut le faire avec toute l’intelligence requise par le management d’un Etat en construction. Nos corps armés sont à l’image de notre société. Nous devons savoir que tous sans exception nous devons aller vers cette remise en cause en faisant du travail honnête et respectable le seul critère d’ascension sociale. Ce chantier-là doit être abordé par toutes et tous devant le miroir de nos consciences respectives. Tant qu’on occultera ce chantier collectif, on
passera à côté de l’essentiel. Evidemment, dans ce chantier collectif, les détenteurs de pourvoir à tous les échelons auront toujours des exigences individuelles plus importantes que tous.
Mamadou NDIONE
[email protected]

Cadre APR Diass

4 Commentaires

  1. Ce gars est un reveur, il veut une chose et son contraire, ah bon, on doit sanctionner le colonel Ndao pour son livre. Et ceux qui ont pille les deniers publics? Et ceux qui ont mis la vie de nos vaillants soldats en Casamance? Que faire de tous ces detournements de deniers publics et d’objectifs? Ce Dionne prend les Senegalais pour des demeures en nous proposant un traitement discret de tout ce qu’a revele Ndao au lieu de proner la transparence. Hypocrisie quand tu nous tiens, la plus grave maladie de notre pays c’est l’hypocrisie, jouer a l’autruche, ne pas voir la Verite en face mais la verite finit toujours par triompher; aussi longue que soit la nuit, le jour se leve toujours.

  2. Monsieur Ass Fall n’a pas lu le texte de Monsieur NDIONE qui demande textuellement ceci « Traiter dans un temps raisonnable avec toute la rigueur requise les supposés faits repris dans le livre sans donner l’impression de céder dans une précipitation maladroite à l’émotion légitime. ». La proposition de Monsieur NDIONE est une démarche mue par la sagesse. Nous pouvons traiter cette question sans aller dans un deballage généralisé qui ne fera qu’affaiblir la République. Monsieur NDIONE a le courage de donner un avis. Je crois que nous gagnerons à ne pas verser dans l’émotion en tratant les gens d’hypocrite. Monsieur Ass Fall, vous avez le droit d’avoir un avis contraire, mais vous n’avez pas le droit d’insulter ceux qui donnent leur avis. Je vous demande au nom du mois béni de présenter des excuses à Monsieur NDIONE.

  3. @Abdou Karim Mbaye, voici un passage du texte de Dionne: ‘…La question délicate demeure cependant la suite discrète à donner à cette affaire…’ Voila ce que l’on appelle en wolof le ‘neupeu neupeul’ et j’ai le droit de dire que le masla et l’hypocrisie tuent a petit feu le Senegal. Il y a un manque notoire de courage surtout de la part de nos dirigeants. Rien qu’a suivre le debat suite a la publication du livre dans le journal Enquete, je crois rever lorsque j’entends des gens comme Dionne dire que oui Ndao devrait respecter le droit de reserve et pendant ce temps la corruption et le pillage des deniers publics continue de plus belle! Il faut de la transparence, et puis il faut enqueter sur les magouilles de l’armee et de la gendarmerie (sans approche discrete) comme on le fait avec les autres entites, ministeres et agences: sante, education, equipement, etc. Que l’on ne nous sert pas le secret d’Etat, mon oeil, secret d’Etat. Encore une fois, le ‘tapale’ ne marche pas, la verite et le mensonge ne peuvent co-exister (le feu et l’eau non plus). Il faut savoir ce que l’on veut, encore une fois on ne peut pas avoir une chose et son contraire: nous nous disons musulmans ou chretiens et on veut vivre sur et dans le mensonge? Je n’ai aucune excuse a presenter a presenter a qui que ce soit. Cela n’ira pas. Je suis outre rien qu’a penser a l’argent pille par ces superieurs de l’Armee. Si le colonel a tord qu’on le condamne mais l’Etat doit ouvrir une enquete et ne pas l’enterrer comme on l’a fait avec la police, la drogue et Keita. L’argent detourne est l’argent public, nos impots, du contribuable donc en tant que citoyens, on a le droit de SAVOIR, j’ai le droit de savoir et denoncer l’hypocrise qui gangrene la societe senegalaise. C’est toujours ceux qui trouvent un interet qui defendent la cause perdue.

  4. Monsieur Ass Fall, vous auriez du continuer la phrase.
    Je le fait pour vous. Voilà ce que Monsieur NDIONE a intégralement écrit « La question délicate demeure cependant la suite discrète à donner à cette affaire pour ne pas donner une impression d’omerta coupable ce d’autant plus que le citoyen interpelle en toute légitimité au nom d’un principe de transparence notamment dans les faits de corruption, la gestion du dossier casamançais et les violations des droits humains. Du moment que le ver est dans le fruit, il faut un traitement et non un silence total ».
    Je ne commente pas.
    Monsieur NDIONE n’a peut etre pas la même frénésie guerrière que vous mais tout comme vous, il veut que la lumière soit faite. La lumière et non le feu…

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