Loyers: une loi mackyavélique

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Beaux bobos de bonobo aux baux ! Son Excédence Macky Sall, généreux avec le bien des autres, a donc décidé de baisser les loyers d’autorité. Les députés appelés à voter cette «loi-loyers» l’ont fait à l’unanimité.

Il faut quand même préciser que certains députés ont souscrit à la loi sur la baisse des loyers après en avoir dénoncé les tares, histoire de couvrir leurs postérieurs, oups pardon, leurs arrières, au cas où la loi se révèlerait inapplicable. Comme celle qui interdit la mendicité au Sénégal (article 245 du Code pénal) et celle met à la charge de l’Etat l’éducation obligatoire de la jeunesse par des écoles publiques (article 22 de la Constitution), alors que les rues foisonnent de mendiants et d’enfants non-scolarisés, obligeant tout le monde soit à serrer les fesses, soit à subir tranquillement ces phénomènes.

Traduction : toute la classe politique et politicienne veut profiter des gains électoraux qu’il y aurait à flatter l’échine des nombreux électeurs locataires. Dans les villes qui comptent, ils seront toujours plus nombreux que les bailleurs, n’est-ce pas ? Les locataires sont supposés plus nombreux que les propriétaires-bailleurs et leur poids électoral est plus fort ; la baisse des loyers donne donc, à court terme, un avantage électoral. Sauf que d’ici les locales de juin, des affrontements judiciaires et extrajudiciaires entre logeurs et locataires pourraient perturber ces belles projections électoralistes, en pourrissant carrément l’ambiance.

A vue d’œil, les locales pourrait se transformer en référendum populaire portant sur une seule question : «êtes-vous pour ou contre la loi-loyers de Macky Sall ?»

«Loi-loyers» rime tellement bien avec louvoyer. Quitte à procéder à un enculage de mouches, enfin… à la sodomisation d’insectes diptères (restons polis), le gouvernement et l’Assemblée ont déterminé les pourcentages de baisse de loyer. Cela rappelle les mœurs des singes bonobos, qui s’adonnent au rapprochement réciproque de leurs parties intimes à intervalles réguliers pour régler tous les conflits dans le groupe, et même les conflits inexistants.

Bailleurs, ne vous laissez pas faire ! A la manière bonobo, Macky Sall viole les fondements, heu, les fondations des bailleurs et leur droit non moins fondamental à la propriété privée. La Constitution du Sénégal, en son article 15, dispose que «le droit de propriété est garanti par la présente Constitution. Il ne peut y être porté atteinte que dans le cas de nécessité publique légalement constatée, sous réserve d’une juste et préalable indemnité». Tous les textes de loi, décret et règlements sont subordonnés à la Constitution. La loi sur la baisse des loyers est anticonstitutionnelle. Elle doit être attaquée successivement devant le tribunal administratif, le Conseil d’Etat, la Cour Suprême, la Cour de Justice de l’Union africaine et la Cour internationale de Justice de La Haye !

MACKY ET SA MAJORITE SANS DOMICILE FIXE

La loi sur la baisse des loyers, en plus d’être inconstitutionnelle, est inefficace. Elle baisse les loyers, mais ne les bloque pas à leurs niveaux actuels. Niveaux de loyers qui peuvent être relevés rapidement par les bailleurs, par le biais de divers artifices sur lesquels nous ne nous étendrons pas ici. Sauf à parler de la fameuse pratique du «droit de reprise», qui émergera aussitôt chez les bailleurs. Elle consiste pour les bailleurs à réclamer un versement occulte, inscrit nulle part, pouvant même équivaloir à un ou deux ans de loyer et qui sera acquitté en plus du loyer mensuel, avant d’autoriser le locataire à occuper les lieux. On l’a vu sous d’autres cieux. La loi-loyers est inefficace et sera doublement inefficace si on applique la double peine au bailleur. C’est-à-dire la baisse et le blocage des loyers.

Voici les raisons pour lesquelles la loi-loyers va dans le mur :

Raisons pragmatiques : l’évidence empirique montre que la situation globale se dégrade pour tous (dégradation qualitative et quantitative du parc de logements). Propriétaires comme bailleurs, soucieux de leur porte-monnaie, ne s’attelleront plus aux travaux d’entretien et de rénovation qui leur incombent. Il y a un gain pour les locataires au moment de l’application, mais aucun pour les mal-logés en général.

Raisons politiques : l’intervention de l’Etat n’est pas capable de corriger les défauts du marché, mais plutôt de les accroître ou de les créer. C’est l’accès à la propriété qui doit être facilité pour les locataires.

Raisons économiques : de manière générale, le maintien d’un loyer en accord avec la demande réelle est essentiel, surtout à Dakar, pour pousser à la construction de logements sociaux dans les territoires environnant Dakar.

Des raisons économiques, côté investisseurs : pour maintenir une motivation économique à la construction neuve et à la rénovation, sans laquelle la quantité et la qualité des logements sont limitées.

Des raisons économiques, côté locataires : pour ne pas distordre artificiellement la demande, ne pas créer de rentes de situation en faveur de ceux qui sont déjà logés au détriment de ceux qui cherchent à se loger, laisser le partage se faire objectivement entre les locataires (adéquation entre la taille de la famille et la taille des logements, notamment).

L’Etat du Sénégal, sous le lourd poids de Macky Sall, risque de bientôt crever le plancher des vaches. Il s’en prend à ce qui est un filet de sécurité sociale pour beaucoup de Sénégalais : la propriété d’un bien immobilier et sa mise en location est une technique d’obtention d’un revenu principal ou complémentaire pour préparer sa retraite ou y subvenir. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir droit à une bourse familiale étatique d’un montant faramineux de 25.000 francs Cfa par trimestre ! Dans un pays où l’Etat refuse d’assumer ses responsabilités pour ce qui est d’assurer un revenu décent aux citoyens. De ce point de vue, en pensant qu’il y a plus de locataires électeurs que de bailleurs-grands électeurs, Macky Sall et sa majorité sans domicile fixe se trompent lourdement. Tous les locataires ont un membre de leur parentèle qui est propriétaire-bailleur, et dont ils sont solidaires. Il y a beaucoup plus de parents de propriétaires- bailleurs dans ce pays qu’autre chose et l’accès à la propriété y est sacralisé. De la même façon que tout le monde est parent d’un émigré dans ce pays.

Quelle sera la prochaine étape pour l’Etat ? Prélever des taxes sur les appels téléphoniques entrants au motif qu’ils foulent notre beau sol ? Non, ça, ça a déjà été tenté en vain.

Alors quoi ? Prélever 29%, 14% et 4% sur les envois Western Union, Money Express, Wari, Moneygram, Joni-Joni (citons-les tous pour ne fâcher personne !) des émigrés, pour financer l’autoroute à péage Rosso-Fongolimbi, au motif que les expatriés sont des privilégiés qui roulent tous les jours sur des autoroutes ?

Maitre Amoul Keur Ndiaye (Nietti Mbaar)

Journaliste – Huissier

seneplus.com

1 COMMENTAIRE

  1. Macky dit à son peuple:
    – Je vous offre à chacun 20 000 F par mois. Et que chacun de vous prenne ses 20 000 F de la poche de son voisin.
    Et l’on applaudit. Et l’on manifeste pour dire merci. Moi, je crois qu’il y a quelque chose qui ne va pas. On applaudit parce qu’on a « gagné » 20 000 ou parce qu’on a maintenant le droit (la force) de puiser de la poche du sale voisin ? On a crié hourra parce qu’on tient enfin l’occasion de la montrer à ce fanfaron voisin pour qui, d’ailleurs, on avait gardé une insulte dans la bouche depuis 20 ans. Maintenant le président et l’assemblée offre l’occasion de la lui lancer à la face.

    NB: En les citant tous pour ne pas en fâcher, Me Amoul Keur en a oublié quelques uns. Ex: Yooni Ma Cash.

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