Lutte contre le terrorisme au Sahel : le coup de pression du président Déby

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Le président tchadien, Idriss Déby Itno, menace de retirer une partie de ses troupes engagées dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et de ne pas participer à la force conjointe du G5 Sahel sans un soutien financier à son pays.

À sept jours du sommet des chefs d’État du « G5 Sahel » (Mauritanie, Burkina, Tchad, Niger et Mali) qui se retrouveront à Bamako, au Mali, dimanche 2 juillet, le président tchadien, Idriss Déby Itno, a posé dimanche 25 juin ses conditions au déploiement d’une force conjointe au Sahel et au maintien de ses troupes déjà déployées au Niger, au Nigeria, au Cameroun, au Mali et à la frontière libyenne dans le cadre de la lutte antiterroriste.

« Tout cela coûte excessivement cher et, si rien n’est fait, le Tchad sera malheureusement dans l’obligation de se retirer », affirme le chef de l’État dans une longue interview accordée au Monde/RFI/TV5 Monde.

« Le Tchad est un petit pays qui n’a pas de moyens, qui a connu d’énormes problèmes dans son histoire récente. Il est donc du devoir de tous ceux qui ont plus de moyens de l’aider sur le plan militaire, matériel, logistique, financier », estime Idriss Déby Itno qui juge que son armée ne peut pas « être dans le G5 Sahel et en même temps dans une autre mission sur le même théâtre ».

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Au Mali, le Tchad forme le troisième contingent le plus important de la Minusma, la Mission des Nations unies, avec 1 390 hommes et il a engagé 2 000 soldats dans la Force multinationale mixte, créée en 2015 conjointement par le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun, pour combattre le groupe islamiste Boko Haram.

Pression avant le sommet

En février, les chefs d’État du G5 Sahel ont annoncé la « création immédiate » d’une force antiterroriste conjointe de 5 000 hommes. Le rôle de cette force conjointe sera de sécuriser les frontières de cette vaste zone minée par les trafics et le terrorisme, en appui de la Minusma et de l’opération Barkane. Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté mercredi 21 juin, à l’unanimité, une résolution –élaborée par la France- saluant son déploiement.

Sans contrepartie financière, Idriss Déby peut-il se retirer du projet ? « Je pense qu’il s’agit avant tout d’un moyen de pression avant le sommet du G5 auquel Emmanuel Macon participe », explique Nicolas Desgrais, doctorant à l’université du Kent, spécialisé dans les questions de défense au Sahel. « Le Tchad a fait preuve d’investissements très importants dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qu’il juge, à juste titre, ne pas être récompensés à travers le G5 Sahel. Il s’estime lésé et pense qu’il a une carte à jouer puisque la lutte antiterroriste est au cœur des préoccupations internationales », poursuit-il. Le président tchadien dit avoir engagé « 300 milliards de francs CFA (plus de 457 millions d’euros) pour la lutte contre le terrorisme sans un soutien quelconque de l’extérieur. »

« Une vraie nervosité du pouvoir »

« Ce n’est pas la première fois que Déby met la pression sur ses partenaires. C’est une façon de faire de la politique, » analyse Marielle Debos, maître de conférences en science politique, spécialiste du Tchad, qui souligne la crise « extrêmement grave » que connait actuellement le pays. Cette crise est un facteur déterminant dans le discours très offensif et menaçant du président. Marielle Debos décrit « une vraie nervosité du pouvoir » face à ce naufrage économique, conséquence de la chute du cours du baril de brut et à une mauvaise gestion de cette manne pétrolière.

Déby reconnait dans l’entretien au Monde/RFI/TV5 Monde « une démarche irresponsable » à propos de la contraction d’un prêt de 2 milliards d’euros auprès de la société Glencore pour racheter les parts détenues par Chevron qui absorbe aujourd’hui la quasi-totalité des ventes du pétrole tchadien pour se rembourser.

« Les conséquences sur la santé, sur l’éducation, sur les services publics qui fonctionnaient déjà mal sont considérables. Les chantiers sont à l’arrêt. Les salaires des fonctionnaires ont été divisés par deux », détaille la spécialiste. « Les caisses de l’État sont vides », résume-t-elle. Un contexte socialement et économiquement explosif pour le pays, où les inégalités n’ont jamais été aussi fortes.

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Problème, la question cruciale du finalement de cette force conjointe est loin d’être réglée. Pour le moment, seule l’Union européenne a annoncé le 5 juin une aide de 50 millions d’euros, disant vouloir montrer l’exemple « aux autres partenaires du G5 Sahel ». Mais cet appel n’a pas rencontré, jusque-là, un fort écho, notamment aux États-Unis. Principal contributeur aux opérations de maintien de la paix des Nations unies, Washington souhaite serrer drastiquement les cordons de la bourse depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.

La résolution précise qu’une conférence des donateurs sera organisée « rapidement » tout en relevant néanmoins qu’il « incombe [aux pays du G5] de donner à [leur force] les ressources dont elle a besoin ». Un message auquel le Tchad a donc d’ores et déjà répondu.

Source: France24

1 COMMENTAIRE

  1. Le Président Deby ignore t-il que l’argent est le nerf de la guerre !?
    Quand on est ruiné financièrement, on ne joue plus au Gendarme, on rentre simplement à la maison !!
    À Force de se mêler de ce qui ne le regarde pas, Idriss Deby a conduit son pays dans une impasse.
    Qui t’a obligé à envoyer des troupes à l’étranger !? Personne ; sinon la recherche d’une gloire personnelle, qui a fini par coûter cher au contribuable tchadien.
    Il serait plus sage pour Deby de rapatrier ses troupes au Tchad, les redéployer contre Boko Haram et surtout éviter ce ridicule chantage pour avoir des sous de la part des occidentaux, afin de renflouer les caisses de l’Etat tchadien, désespérément vides.
    Quant à la question de la françafrique, elle est facile à régler pour le Tchad :
    1) le retrait du Tchad de la zone franc. Depuis la chute des cours du pétrole, Deby est devenu le plus grand contempteur du franc CFA ; alors qu’en 3 mois, les chinois peuvent lui imprimer une nouvelle monnaie nationale, uniquement tchadienne ;
    2) le retrait de toutes les forces françaises du Tchad.
    Trêve de bavardage et de couardise ; le Président Idriss Deby doit avoir enfin le courage de passer aux actes et arrêter de nous casser les tympans avec ce nouveau refrain, très à la mode ces derniers temps : « il faut couper le cordon ombilical avec la France » !!
    Merci.

    PS : cette situation du Tchad doit alerter les autorités maliennes qui ne peuvent pas continuer à confier leur sécurité à la France. Imaginer un seul instant que la France dise qu’elle en a marre que ses fils se fassent tuer au Mali et refuse de dépenser chaque année des millions d’euros dans le bourbier malien. Quelle catastrophe pour le Mali et la sous-région !!
    Nos armées ouest-africaines (surtout malienne et nigérienne) devront donc se préparer à se passer de la France. A bon entendeur salut !!

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