Macky au palais, Macky à l’APR, c’est « l’agonie de la mystique de l’Etat » selon Babacar Justin Ndiaye

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L’APR a fêté ses cinq et fabuleuses années. Parcours exceptionnel d’un Parti qui a conquis le pouvoir, trois ans après sa naissance, dans un continent où les opposants sont traditionnellement abonnés à la « Longue Marche » de Mao. Une performance qui interdit, aussi bien le recul que l’immobilisme, sur le chemin d’une vie politique (nationale) qui – selon les professions de foi entendues ici et là – met le cap vers les cimes de la bonne gouvernance. Anniversaire et aubaine pour que son Excellence, Monsieur le Président, cesse d’être le camarade, l’égal, (presque) le copain des militants. Fussent-ils ceux de son Parti !
En votant – mieux – en plébiscitant la Constitution de janvier 2001, les Sénégalais ont constitutionnalisé la compatibilité des charges (cumulées) de Président de la république et de Secrétaire général de Parti. Dans la foulée, ils ont donné corps à une commodité politique grandement voulue par Abdoulaye Wade, sans détecter le virus corrosif qu’ils ont, par ce biais, glissé dans la principale et prestigieuse institution du pays : l’Etat.
Aujourd’hui, le Président de la république est pour les uns, le chef de l’Etat ; et pour les autres, le camarade – parmi les camarades – de l’APR. Et (plus préoccupant encore) le partenaire parmi les partenaires d’une ou de plusieurs coalitions. Voilà le cancer constitutionnalisé qui détériore la gouvernance, en exposant le chef de l’Etat. Et en rendant l’Etat, lui-même, irrémédiablement flasque. Voire vermoulu. Comme l’ont attesté moult péripéties récentes et retentissantes.
Bien entendu, cette liaison politiquement incestueuse est antérieure au référendum de 2001. Jusqu’au milieu des années 90, le PS fut effectivement un Parti-Etat dans lequel les instances politiques et les responsabilités étatiques s’entrelacèrent inextricablement. Toutefois, un effort de démarcation n’a cessé d’être lentement accompli avec les réunions de son Bureau politique successivement délocalisées à l’Assemblée nationale et à la Maison du Parti située à Colobane. Paradoxalement, c’est le chef de file de l’opposition d’alors, Abdoulaye Wade, qui avait théorisé et imposé à Abdou Diouf (avec l’approbation de l’opinion publique) la séparation des deux charges. Un bond qualitatif en direction de la bonne gouvernance que le leader du PDS enterrera, sans gêne, après l’alternance de 2000. Un chef d’œuvre d’hypocrisie stratégique dont Wade détient le secret et l’apanage.
Epigone de Maitre Abdoulaye Wade – tout au moins sur ce terrain-là – Macky Sall s’accommode ostensiblement du statu quo ; puisqu’il n’envisage pas encore de nettoyer la Constitution de cet anachronisme qui – accouplement oblige – mine inexorablement l’Etat. Pas étonnant donc que les servitudes partisanes (réunions de comité directeur, conclaves de coalitions et arbitrages des ambitions électorales) créent fréquemment des circonstances où le Président de la république subit les assauts et les effusions d’une camaraderie tellement chaude et débridée que le mythe chargé de sublimation et la distance protectrice de l’Etat fondent comme du beurre au soleil. Avec les répercussions fatales à l’autorité et préjudiciables au prestige de la clé de voûte des institutions : le premier magistrat du pays.
Les sorties audacieuses du ministre-conseiller, Mme Marième Badiane, la réplique disproportionnée – un constat et non un jugement de valeur sur le fond de l’affaire – de Moubarak Lô et les déballages assortis de chantages de la coalition « Macky 20123 » sont les effets pervers de l‘hégémonie des Partis et des coalitions de Partis, c’est-à-dire juridiquement des associations privées, sur le fonctionnement de l’appareil d’Etat. Avec un nombre de conséquences, parmi lesquelles, figure la banalisation rampante du statut de Macky Sall indistinctement le Président de la république (chef des armées) et le Secrétaire général d’un Parti au sein duquel (démocratie oblige) les biches et les buffles sont égaux en poids. Inquiétant et saisissant tableau des réalités. Si le freinage tarde et tarde encore, le prochain vainqueur de la présidentielle sera élue à la camaraderie suprême, en lieu et place, de la magistrature suprême.
Il s’y ajoute que le chef de l’Etat a l’art de prêter le flanc. Comment concevoir que Macky Sall absent du territoire national, durant une semaine (séjours au Koweït et au Bénin), puisse entamer – au détriment des dossiers amoncelés –une réunion de cinq heures d’horloge, avec ses camarades de l’APR ? Une rencontre – censée siffler la fin de la récréation de Thiès (choc entre les partisans du Docteur Augustin Tine et ceux de Thierno Alassane Sall) – qui a finalement débouché sur une foire d’empoigne au cours de laquelle, Premier ministre, ministre d’Etat et militants de base, tous en tant que camarades, ont croisé le fer. A armes égales, devant le camarade-président. Qui disait que la fréquentation assidue est une potentielle source de mépris ?
Le desserrement de l’étau protocolaire et la modification de l’ambiance habituellement aseptisée et solennelle du Palais, depuis mars 2000, ne sont pas étrangers à l’agonie de la mystique de l’Etat et à la rouille de ses symboles. N’empêche, le protocole (symbole légendaire de rigueur) et le cabinet présidentiel (coiffé par un organisateur réputé) peuvent, en dépit des deux charges ou fonctions imbriquées, remanier l‘agenda présidentiel dans un sens amplement républicain et restrictivement politicien. Il y va de la santé des institutions qui sont plus nationales que les Partis politiques.
Avant son éloignement de la gestion courante et quotidienne du Parti, Abdou Diouf (à l’image de son prédécesseur Léopold Sédar Senghor) présidait le Bureau politique du Parti socialiste dans une séquence de temps bien minutée (jamais cinq heures de parlote) et dans une ambiance feutrée. En effet, un chef d’Etat a l’obligation d’être présent, proche et distant. Simultanément. C’est une question de savoir-faire, donc de savoir-gouverner. Il peut prendre des bains de foule sans faire une cure de banalisation.
Le seul et historique raté – le coup de poing d’un membre de l’instance dirigeante du PS sur la figure d’un autre hiérarque – fut sanctionné fermement et rapidement. Car, ce sont l’autorité et la sécurité d’Abdou Diouf qui ont été ainsi tâtées en public. Même restreint. Geste inadmissible pour un Président issu de l’article 35 (sans légitimité originelle) mais soucieux d’asseoir son autorité sur des camarades et des barons. Comme quoi, l’utilité du Parti et des coalitions – grosses machines à gagner les élections – ne doit en aucun cas supplanter l’importance de l’Etat dont la crédibilité croissante assure la stabilité et la sauvegarde nationales, mille fois plus précieuses que les gains ou les dividendes politiques.
C’est précisément la crédibilité déclinante de l’Etat qui fournit la bonne grille de lecture de la sordide actualité du faux visa américain ayant pour décor incroyable : le Secrétariat Général de la Présidence. Sous Jean-Baptiste Collin, Eminence grise de 1980 à 1990, les ministres ne déambulaient ni souvent ni longtemps dans le salon d’attente. A fortiori les truands. Les Généraux, les patrons des diverses branches de la Police, les ambassadeurs et les gouverneurs y attendaient anxieux. Jadis, c’était une planète totalement inaccessible aux crapules.
Signalons que les deux chevilles ouvrières du Palais (Directeur du cabinet et Secrétaire général) étaient traditionnellement des hommes triés sur le volet. En plus de la compétence, les titulaires répandaient autour d’eux, une autorité naturelle et intimidante. Une race de géants de l’Etat (Collin, Daniel Cabou, Oumar Wellé etc.) qui est en voie d’extinction. A moins que leurs dignes héritiers encore présents dans la haute administration et parmi la crème de certains Partis, ne soient victimes d’un ostracisme politiquement absurde et bête.
En tout état de cause, un coup de barre s’impose à l’approche des récifs. Qui peut réduire, sans aucune pression, son septennat en quinquennat, peut bien placer la vitalité des institutions au-dessus de la prospérité des associations privées que sont les Partis. Ici et maintenant, il faut tordre le cou aux arguments spécieux suivant lesquels quitter la tète du Part équivaut à scier la branche sur laquelle on est assis. Question : cette branche a-t-elle plus de valeur que l’arbre (le pays entier) dont elle n’est qu’une petite excroissance ? D’un point de vue patriotique, la réponse est évidemment : non.
La seconde et fallacieuse thèse veut que le Président de la république, candidat victorieux du Parti, ne rende pas « orphelins », ses camarades et compagnons de la traversée du désert, auxquels il doit, par ailleurs, une fière chandelle. D’abord, le corps électoral – le fichier en fait foi – est plus nombreux que tous les militants de tous les partis réunis. Ensuite, la dette colossale est celle que l’on doit au peuple qui a conféré sa confiance à un de ses fils qui n’est pas forcément le meilleur. Enfin, le fonctionnement régulier et salvateur des institutions passe avant le succès d’un Parti. En définitive, c’est la soif inextinguible d’un second mandat qui esquinte l’Etat.

Même la Guinée, entrée tardivement et dramatiquement en démocratie, est gouvernée par un Président, Alpha Condé, qui a confié les rênes du RPG (locomotive d’une vaste coalition au pouvoir) à un camarade non membre du gouvernement. Un autre voisin, le Général Mohamed Abdelaziz a froidement assassiné la démocratie (renversement du Président Abdallahi démocratiquement élu) truqué les élections etc. Mais II a eu l’élégance républicaine de confier le Secrétariat général de son parti (l’UPR) à un apparatchik. Pareillement au Mali où IBK se place quotidiennement au-dessus de la mêlée.
Les premiers sont-ils devenus les derniers, confirmant parfaitement les prédictions de l’Evangile ? Le cinquième anniversaire de l’APR – célébré fastueusement – offrait pourtant à Macky Sall, l’opportunité de rattraper et de surclasser beaucoup de ses pairs, par la démission de ses fonctions de Secrétaire général du Parti. Lui qui a été proprement et massivement élu en 2012. Tel est le prix à payer pour embrayer sur une gouvernance non polluée par les pesanteurs et les senteurs partisanes. Une gouvernance qui, in fine, calcifie les institutions.

1 COMMENTAIRE

  1. ?LE RAPPORT D’AUDIT QUI MET À NU LA GESTION DE MARY TEUW NIANE
    (rapport commandité conjointement par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Économie et des Finances, sur financement de la Banque mondiale)
    sur ndarinfo
    UGB-de-Saint-Louis-Le-rapport-d-audit-qui-met-a-nu-la-gestion-de-Mary-Teuw-Niane

    __________

    «LA JUSTICE DOIT FAIRE LA LUMIERE SUR L’ARGENT INJECTE DANS
    L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR »
    BIRAHIM SECK DU FORUM CIVIL
    sur seneplus
    la-justice-doit-faire-la-lumiere-sur-l%E2%80%99argent-injecte-dans-l%E2%80%99enseignement-superieur
    Publication 16/09/2013

    Actuellement, la polémique fait rage entre le Saes et ministère de l’Enseignement Supérieur sur l’utilisation des milliards injectés dans l’enseignement privé pour l’orientation des bacheliers. Qu’est ce que cela vous inspire ?

    Le Saes a tout à fait raison de demander des comptes au gouvernement sur l’argent injecté dans l’enseignement supérieur pour la prise en charge des bacheliers orientés dans les universités privées. Les dirigeant du Saes n’ont usé que des dispositions des
    articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et des peuples qui fait partie intégrante du préambule de notre constitution qui prône la bonne gouvernance et la transparence. Il ne devrait y avoir même pas de polémique. Les autorités devraient
    même rendre compte avant que le Saes ne le demande. Les étudiants également doivent demander des comptes parce que les services sont pour eux.

    De plus, mon étonnement est plus grand sur le silence affiché par le gouvernement par rapport aux différents audits publiés sur l’enseignement supérieur qui intéressent les autorités de l’enseignement supérieur et au plus haut niveau. C’est grave et inquiétant au moment où nous dit que l’Etat veut injecter 302 milliards dans le domaine de l’enseignement supérieur.

    La justice traque des citoyens sénégalais et quand on produit des audits qui intéressent les membres du gouvernement ou des administrateurs, l’Etat ferme les yeux. Ce sont ces pratiques que les Sénégalais ont combattues. La justice sénégalaise doit également faire la lumière sur l’argent injecté dans l’enseignement supérieur. Les rapports d’audit sont là.

    Cependant la Banque mondiale est également interpellée car il ne sera logique ni acceptable que de l’argent soit à nouveau injecté sans que la vérité ne soit connu sur les faits invoqués dans ces rapports d’audit sur l’enseignement supérieur.

    Le Saes est bien dans son rôle et il appartient à l’Etat d’éclairer les Sénégalais si on veut avoir un enseignement supérieur de qualité dans un espace de sérénité et de lumière.
    _________

    «MARY TEUW NIANE MENE LE PRESIDENT DROIT AU MUR»
    SEYDI ABABACAR NDIAYE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SAES
    Oumar KANDE | Publication 23/08/2013
    sur seneplus «mary-teuw-niane-mene-le-president-droit-au-mur »

    « Seydi Ababacar Ndiaye, continuant son interpellation, demande quelle suite sera donnée à l’audit des universités où il a été noté une mauvaise gestion généralisée, «y compris la gestion du ministre actuel quand il était recteur de l’Ugb».

    «Est-ce qu’on peut continuer à faire confiance à des dirigeants qui ont été épinglés par différents rapports ? IL Y A AUSSI UN AUTRE DOCUMENT COMMANDITÉ PAR L’ACTUEL RECTEUR DE L’UGB AU NIVEAU DE LA DÉLÉGATION POUR LA RÉFORME DE L’ETAT ET DE L’ASSISTANAT TECHNIQUE (DREAT), QUI ÉPINGLE LE MÊME MINISTRE.

    Ce document à montré que l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, quand il était recteur à l’Ugb, son jeu favori c’était de créer des postes de responsabilité, de direction. Il en avait créé dix-neuf dans une petite université comme l’Ugb et il y avait des conséquences sur la masse salariale car tous ces directeurs avaient l’équivalent d’un million d’indemnité.

    Ces manquements devraient édifier qu’il faut faire les bonnes enquêtes et prendre les individus qu’il faut pour les missions importantes.

    Quelqu’un qui dirige une simple université et qui a ces types de comportement, on lui confie le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il y a lieu de se poser des questions», a dit Seydi Ababacar Ndiaye. »

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