Macky dans le jeu des princes saoudiens

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Le Sénégal et la guerre des Princes

Le président de la République vient de formaliser l’envoi de soldats d’élite sénégalais pour prendre part à l’opération dite «Tempête décisive» dans sa phase II. Cette opération montée par l’Arabie Saoudite et impliquant neuf pays arabes dont l’Egypte est, d’une part, le premier acte posé par le nouveau leadership saoudien incarné par de jeunes princes impudents et inexpérimentés à l’image du fils du roi Mohamed Ben Salmane, 35 ans, ministre de la Défense et Président de la Cour royale et, d’autre part, elle constitue une nouvelle escalade dans la polarisation croissante du monde musulman en deux blocs, l’un sunnite avec l’Arabie Saoudite et l’Egypte et l’autre chiite avec l’Iran et l’Irak.

Une mise en œuvre de la diplomatie économique du président Sall

Le président Sall l’avait dit : sa doctrine diplomatique est on ne peut plus pragmatique, elle est au service du développement économique. D’autant plus que sur le plan diplomatique, notre participation à cette opération rentre dans la logique de la guerre du Golfe en 1990, guerre dans laquelle nos soldats avaient tout de même payé le plus lourd tribut après les Etats-Unis d’Amérique avec 92 morts dans le crash d’un avion militaire les transportant. Cette participation historique – il faut le dire – a valu au Sénégal une grande estime de la part de ces pétromonarchies, surtout du Koweït et de l’Arabie Saoudite. Ce statut avait permis l’intensification de nos relations de coopération avec ces deux pays, notamment dans les domaines de l’aide au développement et du financement d’infrastructures. Cette coopération a pour symbole le King Fahd Palace offert au Sénégal en son temps par le roi Fahd d’Arabie Saoudite pour les besoins de la première Oci tenue au Sénégal en 1992, soit deux ans après la guerre.

Le Fonds koweïtien n’est pas en reste, qui a financé de nombreux projets d’infrastructures au Sénégal et notamment une grande partie des infrastructures réalisées lors du sommet de l’Oci de 2008, mais aussi l’élargissement de l’avenue Cheikh Anta Diop, le Prolongement de la Vdn, etc. L’importance de ces financements a certainement contribué à convaincre le pragmatique président Sall du bien fondé d’une participation sénégalaise à cette opération. Espérant au tournant des financements importants et la venue du président de la Banque islamique de développement dont Riyad est le principal bailleur. A peine une semaine après la demande saoudienne, rien n’est pas venu le démentir sur les possibles retombées économiques rapides et fructueuses pour notre pays. Vue sous cet angle, cette guerre est une chance pour le Sénégal et surtout pour le président Sall qui a là l’occasion de mettre en œuvre sa diplomatie économique, tout en espérant en tirer des financements pour son programme de développement économique résumé par le Pse.

L’argument de la menace sur les lieux saints et l’exemple pakistanais

Le Pakistan est l’une des premières puissances militaires du monde musulman et sa seule puissance nucléaire. C’est un pays qui fait face au terrorisme de manière frontale depuis plus d’une décennie. Il a, pourtant, refusé de participer à l’opération «Tempête décisive» malgré les fortes relations qui l’unissent avec l’Arabie Saoudite dont il est un partenaire commercial important. Les Pakistanais ont tout de même tenu à rassurer sur leur engagement à protéger les lieux saints de l’Islam en cas de menace. Ce refus du Pakistan s’explique parce que l’argument de menace contre le territoire saoudien ne tient pas. Devons-nous seulement rappeler que l’Arabie Saoudite est unie par un accord de défense avec la première puissance militaire au monde, qu’il dispose un des plus gros budgets de défense de la région.

Ce faisceau de faits nous pousse à plusieurs questionnements

Quelles sont les réelles motivations de l’implication de nos troupes dans cette guerre ? Quelles seront les limites à cette implication ? Nos Jambaars seront-ils cantonnés dans un rôle défensif le long de la frontière saoudienne du Sud, ou seront-ils impliqués dans une opération en territoire yéménite sans mandat de l’Onu ? Sinon pourquoi avoir envoyé des troupes avec une configuration plus offensive que défensive ? Et Surtout, dans un monde musulman qui se polarise de plus en plus entre des blocs sunnites et chiites, ne serait-il pas plus sage pour le Sénégal de rester à l’écart de cet affrontement fratricide pour pouvoir jouer les arbitres en cas de besoin. Ces questions méritent d’être élucidées pour les Sénégalais qui sont aujourd’hui inquiets de voir leurs soldats s’envoler vers une guerre qui n’est ni la leur, ni juste, ni légale et au vu des motifs peut-être même haram.

L’aventure d’une génération pour les nouveaux princes

L’Arabie Saoudite est un allié stratégique de premier ordre pour le Sénégal. Il n’est certainement pas question pour nous ici de remettre en cause cette alliance stratégique. Toutefois, ce n’est pas là une excuse pour éviter que l’on se penche sur la légitimité de cette guerre et de notre participation. En d’autres termes, cette alliance ne doit pas être un prétexte pour faire de nous des obligés des princes saoudiens. Cette alliance doit être raisonnable et bâtie sur des valeurs qui unissent nos deux pays, dont la sanctuarisation des lieux saints de l’Islam et l’engagement de les défendre contre toute menace extérieure, au vu de ce que ces lieux représentent pour la grande majorité des Sénégalais.

Toutefois, comme nous l’avons affirmé, il n’y a en l’espèce aucune menace directe contre le territoire saoudien. Mais plutôt une escalade dans la lutte d’influence qui oppose l’Arabie Saoudite à l’Iran chiite dont l’influence supposée ou réelle s’est fortement accrue ces dernières années un peu partout dans la région (Irak, Liban, Syrie, Afghanistan, Bahrein, et finalement Yémen). Il s’agit donc pour les Saoudiens de mener une offensive «décisive» pour endiguer la montée en puissance de l’Iran chiite, avant la levée prochaine des sanctions économiques contre celle-ci, levée qui risque de rendre à l’Iran la plénitude de sa puissance et de son influence. C’est donc une stratégie de «guerre préventive» chère aux néo-conservateurs américains et notablement George Bush qui s’en était servi pour justifier les attaques contre l’Afghanistan et l’Irak.

Pour le nouvel establishment saoudien constitué par de jeunes princes et notamment le fils du roi Salmane, en l’occurrence Mohamed ben Salmane (fer de lance de l’opération), il s’agit de faire leurs preuves en abandonnant l’ancienne approche plus sage de feu le roi Abdallah au profit des notions américaines du «Hard-Power» qu’avait défini le Pr Joseph Nye Jr comme «la capacité d’utiliser la carotte de l’économie et le bâton militaire pour soumettre les autres à sa volonté». Pour le Sénégal, on se doute bien qu’il s’agit de la carotte et quelles que soient les vitamines que pourraient en tirer notre économie et le Pse, les conséquences de notre implication dans cette guerre sur notre sécurité, et celle de nos soldats sont beaucoup trop hasardeuses pour qu’on se jette dans cette aventure la tête en premier.

L’opération «Tempête décisive» ou l’expérimentation d’une puissance

L’opération «Tempête décisive» est avant tout un message adressé par le nouvel establishment saoudien à l’Iran, et c’est un message de fermeté et de résolution à user de la force armée si nécessaire. C’est aussi un message adressé à l’allié américain et surtout l’Administration Obama dont le rapprochement des positions avec l’Iran, et le manque de fermeté sur le nucléaire Iranien ont fini par irriter les Saoudiens au plus haut point. Ainsi, le nouvel establishment entend envoyer un message aux Américains en démontrant sa capacité à rassembler une large coalition (dix pays) et à capitaliser sur son influence, sa force de frappe économique et militaire, ce sans l’assistance des Américains qui, même s’ils n’ont pas condamné les frappes, n’ont pas manqué de se réjouir de leur fin.

Alors, dans sa première phase, cette opération s’était limitée au bombardement intensif de villes du Yémen dans une tentative d’anéantir les groupes zayidistes Ansar-Allah (une secte chiite supposée être sous l’escarcelle de l’Iran) et réinstaller le président Hadi qui est allé se réfugier en Arabie Saoudite suite au renversement de son régime par ces mêmes rebelles. Malgré l’intensité des premiers jours de frappes qui ont vu la mort de plusieurs dizaines de civils et des destructions impressionnantes, les rebelles gardent toujours le contrôle sur une grande partie du territoire yéménite, et l’opération dans sa première phase ne peut être qualifiée de succès.

Les Saoudiens prépareraient donc la phase II de l’opération qui impliquerait une incursion en terre yéménite pour en finir avec les rebelles, dans un remake de l’opération «Tempête du désert» qu’avaient menée jadis les Américains contre l’Irak à la tête d’une coalition dont faisait partie le Sénégal. A la différence près que, cette fois, ce sera sans les Américains mais bien avec nos Jambaars. Du côté yéménite, cette incursion terrestre pourrait être perçue par la population comme une agression extérieure. D’autant plus qu’il y a déjà eu des manifestations exigeant l’arrêt des bombardements saoudiens poussant le président Hadi (dont l’appel à l’aide avait servi de prétexte au lancement de l’opération) à exiger, à son tour, l’arrêt des frappes aériennes.

Quand on lit cette situation à la lumière de l’histoire récente de la région et les guerres d’Irak et d’Afghanistan, on a tous les ingrédients pour que le Yémen devienne un nouvel Afghanistan, là aussi à la différence près, que les envahisseurs seront les Saoudiens et les Sénégalais parmi leurs alliés. Quand on ajoute à cette équation le fait que le Yémen a la réputation d’être un pays guerrier où les grandes puissances régionales comme l’Egypte ont payé chèrement leur incursion, on peut en déduire que nos craintes au sujet de nosJambaars sont bien fondées. Les mêmes causes ne produisent-elles pas les mêmes effets ? Dans tous les cas, prions pour nos Jambaars afin qu’ils nous reviennent tous sains, saufs et ragaillardis.

Arabi NIASSE

Juriste,Science-Po Lyon

[email protected]

6 Commentaires

  1. qu’on nous parle plus de l’argent sale.qu’est ce qui est plus sale que cet’argent de la prostitution « vendre ta chaire ».immaginè qu’un jour qu’on fait des autoroutes comme ila touba et autre avec cet argent venant de cette guerre ilègale qui va tuer mème des frères musulmans

  2. Rien que la certitude de devoir retrouver les jambars côte à côte, pour un même combat avec les combattants d’Al Qaïda, ceux d’Al Nostra, de même que ceux de l’EI, devait créer la nausée chez les sénégalais nourris depuis des années de slogans anti terroristes jihadistes, égorgeurs. Aujourd’hui, les soldats sénégalais sont appelés à combattre avec eux la même cause: réinstaller un président déchu sur son fauteuil. C’est vrai que grâce à la magie des médias les terroristes jihadistes égorgeurs d’hier sont devenus les légalistes de la coalition internationale, et les houthis sont devenus les terroristes du moment.

  3. Macky Sall avec le peu qu’il a appris Dieu sait qu’il est nul et borné devrait savoir les conséquences d’une guerre
    D’abord une guerre n’a pas de limite géographique dés l’instant qu’on est dedans il faut s’attendre à ce que les obus et les balles arrivent à nos frontières meme si cela doit passer par des actes terroristes je ne sais si Macky Sall sera encore au pouvoir ou non mais tot ou tard on paiera cher notre participation à cette agression contre un pays souverain qui est le Yémen
    On ne peut pas définir la durée d’une guerre meme si on se fixe des objectifs militaires à atteindre avant de déclencher le conflit mais on est jamais sur du temps
    On ne peut pas connaitre le nombre de pertes en vie humaines c’est impossible tant que le conflit n’est pas terminé
    l’engagement militaire sur le terrain n’est jamais fixe il peut changer selon les circonstances on peut nous faire croire que nos soldats ne seront pas engagés mais au fil du conflit ils peuvent etre au milieu de la charnière
    Maintenant parlons des soit disant retombées financières et militaires peut etre l’Arabie Saoudite riche monarchie du Golfe Arabique mettra quelques centaines de milliards de francs comme don pour le Sénégal et des armes de guerre pour notre armée et après est ce qu’on avait besoin d’envoyer nos enfants à l’abattoir dans un conflit entre arabes pour l’argent et des armes ?
    est ce qu’on a besoin de mettre notre pays en danger pour de l’argent ?
    Mensonges et fumisteries il ne s’agit pas de défendre les lieux saints d’une quelconque agression les lieux saints ne sont nullement menacés par quiconque au contraire c’est l’Arabie Saoudite qui est allée agresser un autre pays avec la bénédiction des américains et des autres pays occidentaux qui ferment leurs yeux face aux nombreuses tueries des civiles yemenites qu’est ce que le pauvre petit Sénégal quia des problèmes jusqu’au va faire dans cette galère ?
    Que signifie LE P.S.E c’est un plan dont on nous dit les résultats seront visibles d’ici 20 ans alors réfléchissons ensemble cherchons ensemble comment faire pour atteindre les objectifs de ce P.S.E sans mettre en danger notre pays et l’avenir de nos enfants

  4. Je crois qu’il n’y a pas de questionnements. Un soldat ne se valorise que par la guerre. Nos jambars sont fiers d’y être et de prouver qu’ils sont des jambars.
    La décision du président en tant que chef suprême des armées est salutaire.
    maintenant prions pour un franc succès à nos jambars et qu’ils nous reviennent sains et saufs avec des poches pleines.

    • c’est ça il y a que l’argent qui vous intéresse voila ce qui sr caractérise et qui détruit notre société demain quand les bombes vont exploser à Dakar et ailleurs vous comprendrez la portée de vos conneries

    • Et vous n’avez vraiment pas honte! Comme quoi la fin justifi les moyen. Tous les moyen sont bon pour avoir de l’argent. Vous qui nous timpanisez du jour au lendement avec votre refus de l’argent sale.

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