Macky Sall tient son consensus national par Madiambal Diagne

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Le Président Macky Sall a fait un pari sur l’avenir ; le pari de faire du Sénégal un pays émergent en 2035. Il va de soi qu’à cette échéance, il ne sera plus à la tête du pays. Mais il s’inscrit dans une dynamique de laisser une marque indélébile dans l’histoire. Ce ne sera pas une gageure.
De quelque bord que l’on soit, on ne peut parler de la Côte d’Ivoire sans pour autant que l’image d’un Félix Houphouët Boigny ne marque les esprits et peut-être demain, les Ivoiriens se souviendront de Alassane Dramane Ouattara. En Malaisie, Mahathir Ibn Mohamad a laissé l’image d’avoir réussi à façonner un pays pour le mettre sur la voie du progrès, du développement, de la modernité. En Turquie, la grande reconnaissance éternelle faite à Moustapha Kemal Atatürk, baptisé le père de la Nation turque, se traduit par le fait de laisser ses posters trôner dans tous les édifices publics. En Egypte, Gamal Abdel Nasser a encore droit à tous les bons souvenirs. Au Brésil, Luis Inacio Da Silva dit Lula bénéficie de la reconnaissance. Aux Emirats Arabes Unis, le même hommage reconnaissant est rendu à l’Emir Cheikh Khalifa Ben Zayed Al Nahyane. Ne parlons pas de Nelson Mandela !
La marque des grands hommes est assurément de transcender leur époque et de se projeter dans l’avenir de leur Peuple, mais surtout de pouvoir être à la base d’un consensus national autour d’une cause publique, qu’elle soit de libération nationale, de paix, de réunification de son Peuple ou d’avoir réussi à jeter les bases d’un développement économique et social. Le Plan Sénégal Emergent à l’horizon 2035, s’inscrit dans cette logique de générosité générationnelle.
Il faut dire que nous avions eu à manifester de grandes réserves à l’endroit de ce grand projet économique. Si l’idée à la base était bien généreuse, le processus de sa mise en œuvre laissait perplexe. Les grands commis de l’Etat n’avaient pas été associés à son élaboration et les conditions de gestation apparaissaient on ne peut plus opaques. Le chef de l’Etat a eu l’humilité de reconnaître les ratés et ainsi de réajuster le tir. Le processus s’est fortement transformé pour devenir plus inclusif. Tous les acteurs économiques ont donc été désormais impliqués. Tous les projets ont été discutés, amendés et même certains rangés aux oubliettes au profit de nouveaux. Toutes les franges du secteur privé national (Cnp, Cnes, Medes, Unacois) dont nul n’ignore leur esprit critique vis-à-vis des politiques économiques qui ont été mises en œuvre au Sénégal ces dernières décennies, ont fini par reconnaître, unanimement, qu’avec ce Plan Sénégal Emergent (Pse), «le Sénégal tient une formidable opportunité de se mettre sur la bonne rampe du développement». Les organisations syndicales de travailleurs ont déjà apporté leur soutien au projet. Aussi, le secteur des médias a été sollicité pas seulement pour accompagner le processus, mais aussi comme acteur essentiel du processus d’élaboration du Pse. Une première ! La même approche a également été de mise à l’endroit de toute la société civile. Mais la grande prouesse aura été de réussir à mettre toute la classe politique unie, derrière le Pse. L’initiative du gouvernement de présenter le Pse aux députés a révélé, bien plus qu’une union, une communion nationale autour du Pse. Toutes les coteries politiques ont eu à affirmer leur soutien total et entier à ce projet. A entendre les députés Modou Diagne Fada, Iba Der Thiam et Aïda Mbodji (Pds), Moustapha Diakhaté (Benno bokk yaakaar), Thierno Bocoum (Rewmi), Abdoulaye Makhtar Diop et Sokhna Dieng (Pvd), Mamadou Diallo (Tekki) dire leur engagement à endosser le Pse, on ne peut s’empêcher de se dire que quelque chose est en train de bouger dans ce pays.
Dans cette quête du consensus national, le Président Sall ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin. Le document du Pse, qui a déjà intégré les remarques et suggestions des différents milieux auxquels il a été soumis, sera envoyé aux différentes formations politiques pour information, mais aussi pour recueillir des avis supplémentaires. De même, tous les anciens chefs de gouvernement et anciens ministres de l’Economie et des Finances du Sénégal vont être appelés à apprécier le Pse et donner des conseils pour renforcer sa pertinence et son efficacité. Il ne restera alors, avant d’aller au Groupe Consultatif de Paris, qui, il faut le dire, ne constituera qu’une première étape de la mise en œuvre du Pse, qu’à rallier toutes les autres couches sociales, dont les milieux religieux, pour solliciter leur onction.
L’accueil des partenaires au développement, les partenaires techniques et financiers, est favorable. Toute la communauté des bailleurs de fonds représentés à Dakar a été associée aux discussions et la présentation du Pse aux dernières assemblées générales de l’Ocde à Paris, par le ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ, autorise toutes les confiances.
Les Professeurs Momar Coumba Diop et Mamadou Diouf, dans leur livre Le Sénégal sous Abdou Diouf, Etat et société, publié en 1990 chez Khartala, nous enseignent que le successeur de Léopold Sédar Senghor avait une préoccupation fondamentale, celle de bâtir un consensus national. En effet, «à peine investi aux fonctions présidentielles, Abdou Diouf se voit confronté à un triple défi : asseoir son autorité et sa légitimité, gérer la tension démocratique, concilier les exigences des institutions financières internationales et des principaux pays pourvoyeurs de financements avec les impératifs de reproduction d’un pouvoir central foncièrement clientéliste». Abdou Diouf s’était essayé à la recherche d’un consensus national, il y avait plus ou moins réussi du fait de son grand handicap lié aux conditions de son accession au pouvoir par une dévolution aux relents monarchiques. Abdoulaye Wade lui, n’a jamais pu réussir à jeter les bases d’un consensus sur une cause nationale, du fait de sa trop grande suffisance mais aussi de son esprit clanique. Macky Sall tient une chance historique de réussir un tel pari. C’est presque fait. Ce consensus national ne justifierait-il pas que le Pse fasse l’objet d’une loi d’orientation nationale ? On verra bien si la mise en œuvre sera aussi heureuse.
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