Magal de Touba : Par delà le cérémonial, un sursaut national.

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Chaque année, les mourides du Sénégal et de la Diaspora célèbrent le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, le 18 Safar. A cette date, les esprits n’ont de préoccupation que pour la citadelle du  saint fondateur, un être d’exception qui a su dire non à un moment où le oui paraissait être une nécessité, la seule alternative pour qui voulait  vivre, ou survivre.  L’étendue de son œuvre et de ses enseignements n’a d’égale que l’ampleur de sa vision. Nous sommes convaincu que son aura, spirituel surtout mais social également, ses legs,  illuminent et continueront d’illuminer les  générations à venir à la manière de l’astre solaire du levant au Couchant.  

L’impact spirituel,  économique et culturel du Grand Magal de Touba au-delà de nos frontières s’attachera à toujours magnifier la hauteur et la profondeur qui ponctuent la personnalité du saint Homme.

Aussi, nous sommes nous fait le devoir impérieux de revenir de cet événement  grandiose à tout point de vue afin d’en mieux saisir la portée.

En effet, par delà le caractère impressionnant des « berndé » et les incantations des panégyriques paradisiaques du Cheikh, quelles leçons est-il possible de tirer du Magal ?  Quelles perspectives devons-nous envisager pour profiter de ce jour unique en son genre afin  de redonner un nouveau souffle à toute une nation, à toute une génération. D’autant que, ce n’est un secret pour personne, mis à part l’aspect culturel et cérémonial de l’événement, la vie et l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba, qui servent de référentiels, regorgent d’innombrables enseignements susceptibles de servir de piliers aux systèmes de développement économique et culturel du Sénégal et de l’Afrique.    

 

  • Le thiant, comme stimulant pour dépasser nos propres limites

 

Rares sont les personnalités qui, dans l’histoire de l’humanité, considèrent le jour de leur captivité, non comme un jour d’épreuves et de tristesse, mais un jour de reconnaissance, de joie et de gratitude. Et le Saint homme de s’en expliquer en ces termes  dans le poème Assirou : « Je cheminais en vérité, lors de ma marche vers l’Exil, en compagnie des Vertueux Gens de Badr alors que mes persécuteurs étaient persuadés que j’étais leur prisonnier… ». Sublime preuve de dépassement, d’abnégation, de dévouement et de résistance !

Concernant la manière de rendre grâce à Dieu, Serigne Bou Mak Bi avait une vision toute aussi particulière : « Si des bienfaits du Seigneur me parviennent, ma façon de Lui rendre grâce, c’est de resserrer d’avantage la ceinture et d’œuvrer d’avantage pour Lui afin d’en mériter encore plus ». Puisque les Dons du Créateur sont infinis, nos efforts pour les obtenir le doivent aussi. Une quête perpétuelle de la perfection. Dès lors, rendre grâce, c’est procéder à une introspection et faire preuve de motivation supplémentaire pour atteindre des visées plus ambitieuses. Cette vision bambistea du « thiant » va au-delà des cérémonies protocolaires et des festivités et invite au dépassement de soi en toute circonstance, à un sursaut national.

  • La Khidma, au service de la nation

L’extraordinaire potentiel démographique et économique des mourides peut être d’avantage mis à profit pour propulser notre pays vers la vraie émergence.

En effet, bien que déjà très effectif, le « liguéyal Serigne Touba »  doit s’émanciper du cercle dans lequel il semble être cantonné pour mieux servir la nation, le peuple. Cheikhoul Khadim ne s’était-il pas exprimé en ces termes : «  Si ce n’était pas pour les fils d’Adam, je ne passerais aucune nuit sur terre » ?

Ce qui, à notre sens, signifie que servir le peuple est la manière idéale de Servir Borom Touba.  Mais, comment ?  

Sans remettre en cause l’importance de la construction des mosquées et des « keur Serigne Touba »  qui constituent l’épine dorsale de la communauté, il serait convenant d’admettre la nécéssité de mobiliser le potentiel mouride pour construire des hôpitaux, des écoles de haute renommée, et de grandes entreprises qui offriront des emplois et permettront aux populations de subvenir convenablement à leurs besoins, d’avoir une autonomie relative propre à préserver leur dignité et leur foi afin de s’affranchir de toute influence étrangère : Le malade peine à respecter ses obligations religieuses, idem pour l’affamé. «  Ak niakka bon ci waju bax » disait Serigne Moussa Ka.

Aussi, le dahira doit-il retrouver sa mission primordiale qui consiste à participer à l’amélioration du bien-être de la communauté, à propager la connaissance et l’entraide. Il pourrait dès lors se révéler un puissant instrument de finance participative dans des projets d’utilité publique. Les outils de finance islamique seront compatibles avec l’esprit qui y règne et les questions relatives à l’environnement et au civisme pourraient y trouver écho. De plus, le dahira doit être une plateforme d’intégration sociale.  Khidmatoul Khadim ne saurait être plus grand !

De plus, le travail et les ambitions des mourides doivent dépasser les délimitations géographiques de la ville  Touba afin de s’étendre à travers le monde. Les mourides sont partout présents, porteurs de la mission de Bamba qui se veut universelle, elle l’est sans doute.

Aussi, de ce point de vue, Serigne Touba apparaît nettement comme un précurseur de la décentralisation au Sénégal en envoyant ses talibés les plus en vue partout dans le pays  pérenniser le culte et le travail et étendre la dimension de l’Islam : Mame Cheikh Anta à Darou Salam, Mame Thierno Ibra Faty à Darou Mouhty, Serigne Modou Moustapha à Tindody, Serigne Fallou à Ndindy.

 

  • L’éducation et la science au cœur de la pensée de Bamba

 

L’éducation, quant à elle, constitue le thème central de la pensée bambiste et doit reprendre la place qui sied. Selon Serigne Touba : «  La science et l’action sont deux joyaux pour les deux mondes… et la primauté doit être donnée à la science ». Nos fils et petits fils nous en voudront de ne leur avoir pas légué un système éducatif performant basé sur les enseignements de Borom Touba dans un cadre républicain.

Le patriotisme doit être le viatique de tout mouride. Le civisme est une partie de la religion au même titre que le Fiq, le tassawouf etc…. Le respect des valeurs fondamentales de la République, l’hygiène, le respect de la nature,  le travail doivent constituer un sacerdoce pour tout mouride.

Serigne Touba ne profitait pas de la nation, il la faisait vivre. Aussi a-t-il  toujours œuvré pour l’émergence spirituelle, économique et sociale de la communauté. Il exhortait ses disciples au travail et au respect. Bien que vivant sous la colonisation française, son sens de la responsabilité le poussa à apporter sa participation au relèvement du franc français à hauteur de 500.000 francs.   

De plus, les mourides se doivent d’être, non des spectateurs devant les mutations du  monde, mais des précurseurs qui, faisant fi des contingences du moment engagent une réflexion en profondeur sur les questions spirituelles, économiques et sociales, sur la problématique du monde moderne. L’Europe a attendu deux décennies pour adhérer à la vision de Serigne Abdoul Ahad relative à la prohibition du tabac. Il peut en être ainsi dans beaucoup d’autres domaines à condition que l’on mette nos efforts en synergie. La matière grise existe, les moyens aussi.

 

  • La cité de Touba comme pôle de perfectionnement et de redressement national

 

Par ailleurs, des dérives notoires et récurrentes sont souvent perpétrées au nom du mouridisme par des gens qui devraient en être les remparts. Il a été rapporté que Cheikh Ahmadou Bamba avait déclaré de manière prémonitoire devant Serigne Modou Moustapha, Serigne Fallou, Serigne Massamba et Serigne Modou Rokhaya Bousso : «  Je n’ai ni fils, ni frères, ni neveu…. Je n’ai que des talibés ». Ce qui poussa ces derniers à troquer séance tenante leur écharpe de fils, frère ou neveu contre la ceinture de talibé. Toute action aux antipodes de cette idéologie, peu importe l’origine de son auteur, est aussi éloignée du mouridisme que le sont les deux pôles de notre globe terrestre.

Touba est et doit demeurer, comme l’a si bien évoqué son Fondateur dans Matlaboul Fawzayni, une cité de perfectionnement et de redressement ; un centre d’enseignement et d’instruction approfondie, la CITADELLE de la tolérance et de l’obéissance et non le parterre où se mijotent et se mettent en œuvre des innovations blâmables.

Aliou Bamba Mbacké

5 Commentaires

  1. L’enseignement de Serigne Touba doit nécessairement être commenté et mis à jour par les oulémas mourides ; oui, ses héritiers doivent d’abord s’évertuer à montrer la conformité de son message avec le Coran et la Tradition du Prophète (PSL) – c’est le seul gage pour prétendre à sa vulgarisation en dehors de sa communauté ! Autant donc parler tout simplement de l’Islam, plutôt que du mouridisme qui n’en est qu’une lecture. Ainsi, ce que notre pays doit faire pour émerger sur tous les plans, c’est de réhabiliter l’idéologie du Prophète (PSL) qui est universelle et immuable, pour ensuite réactiver les idéologies laïques – proviendraient- elles de la Chine – et qui ont toutes montré leurs limites.

  2. Je n’ai aucun problème avec les mourides ; mais, en tant que missionnaire, je suis tenu de recadrer et donc, entre autre, de ramener les choses à leurs justes proportions, conformément au dogme islamique (devoir d’ingérence). En vérité, avant son rappel à Dieu, le Prophète (PSL) nous a tout dit sur tout ce qui arrivera, jusqu’à la fin du monde ; tout cela a été consigné dans le Hadith. Oui, rien n’a été éludé ; c’est ainsi qu’il a été largement question de la situation de crise généralisée que nous vivons actuellement et qui entre globalement dans le cadre des signes de la ‘’fin des temps’’ (akhirou zamân) ; et bien entendu, il a été aussi largement question des solutions, qui passent forcément par une restauration de la religion (retour à Dieu) – mission que Dieu confie à un homme, au début de chaque siècle (Sakhâwî, al-Maqâsid al-Hasana) ; ces ‘’restaurateurs de la religion’’ se relaient la mission tous les 100 ans ; et parmi eux, seuls Jésus (à son retour) et le Mahdi – son disciple et ‘’preuve décisive’’ – ont une mission clairement explicitée dans le Hadith ; dès lors, toute autre mission ne peut être que celle d’un précurseur du Mahdi – et donc irrémédiablement appelée au dépérissement (déclin). Et dans cette perspective inéluctable, j’ai forcément une autre lecture du Magal (états-des-lieux et perspectives.

  3. Bonne contribution. Vous êtes pétri de matière grise. Le monde mouride doit extérioriser la conception de la république de son fondateur.

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