Mamadou Lamine Diallo, leader du mouvement Tekki : «Le gouvernement devra rendre compte des sommes dégagées pour la gestion des inondations»

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Mamadou Lamine Diallo du mouvement Tekki  est largement revenu, dans cet entretien, sur les questions qui agitent le Sénégal. Au sujet de la gestion des inondations, Diallo estime que le gouvernement devra rendre compte des sommes dégagées. 

Vous commémorez le décès du 1er coordonnateur de votre mouvement, Moussa Ndiaye, dont le (les) meurtrier (s) court (ent) toujours. A votre avis qu’est-ce qui bloque la manifestation de la vérité ?

A notre connaissance le dossier est toujours entre les mains de la Division des investigations criminelles (Dic) et le Procureur général. L’autopsie a été réalisée lors de ce décès en septembre 2008. Et les médecins avaient demandé des analyses toxicologiques supplémentaires complémentaires. Nous avons été plusieurs fois à la Dic ; nous sommes intervenus publiquement plusieurs fois  sur cette question pendant le magistère de Wade. Lorsque Macky est arrivé au pouvoir, nous avons écrit au ministre de la Justice avec copie au Pm ainsi qu’au président des Assises nationales pour réclamer que la lumière soit faite. Ce régime doit nous aider sur cette affaire.

Aux dernières législatives, le mouvement Tekki n’a eu qu’un seul député. Vous êtes déçus ?

Non, nous ne sommes pas déçus. Nous savions que c’était extrêmement difficile. D’abord parce que notre 1er coordonnateur est décédé. Et nous sommes donc passés dans une période relativement difficile d’organisation. Ensuite, le Sénégal a eu une élection présidentielle très compliquée où Wade s’est invité par la force. Et ça conduit à une situation très particulière où finalement c’était un référendum contre Wade et le président Macky a gagné. Et nous-mêmes, nous avons contribué à cette victoire de Sall. Ce qui fait que c’était difficile d’expliquer aux populations sénégalaises pourquoi nous n’étions pas avec le président Sall aux législatives. Nous avions pensé que le mouvement citoyen et populaire, qui s’était mobilisé contre la candidature de Wade, allait   pouvoir s’investir dans les législatives. Mais, malheureusement, il s’est plus ou moins abstenu. Et ça nous a fait du tort.  Cela dit, nous sommes contents d’être à l’Assemblée nationale. Ça prouve que Tekki qui est parti tout seul, sans coalition, existe.

Macky Sall est pourtant à la recherche de bons profils. Pourquoi Diallo n’est pas à ses côtés ?

Il faut poser la question au président. Peut-être qu’il a une autre expérience de mon expertise. Mais ce qui est clair, c’est que nous sommes dans la majorité présidentielle. Nous l’avons dit, nous l’avons écrit. Mais, à notre façon. Comme on l’a dit, dans la vigilance citoyenne et dans la dignité, dans le refus du clientélisme politique et dans le fait qu’il faut s’engager pour le Sénégal, dans un patriotisme. C’est ça qui est notre marque dans cette majorité présidentielle.

Vous servirez mieux le Sénégal en étant à l’Assemblée nationale ?

Je ne sais pas. Je ne cours pas derrière des postes. Au départ, l’ambition de Tekki c’est de prendre le pouvoir au Sénégal. Nous avons une doctrine de «responsabilisme», nous avons une vision, nous avons aussi décliné des programmes avec des points forts souvent avec des stratégies. Et c’est à ça que nous croyons fondamentalement. Ce qui importe aujourd’hui c’est que le destin du monde se joue en Afrique. Notre continent est l’enjeu du monde et le Sénégal a un très grand rôle à jouer. Mon ambition, c’est de participer à ce destin-là. Et nous pensons que nous en avons les moyens.

Avant la présidentielle, votre étiez un peu à l’écart. Qu’est-ce qui a changé au point de rejoindre la majorité présidentielle ?

Non, nous avons été dans la mouvance présidentielle pour ainsi dire pour le 2e tour. Ce qui s’est passé pour le 1er tour, nous n’avons pas choisi de coalition pour la simple et bonne raison que des candidats s’étaient engagés à ne pas aller à l’élection avec Wade. Nous étions dans cette dynamique populaire et citoyenne. Lorsqu’à la fin, nous nous sommes aperçus que le mouvement populaire n’avait pas réussi à empêcher cette candidature de Wade, les différents candidats ont décidé d’aller à l’élection. Et Tekki a discuté de ça. Et c’était une question très compliquée. Au niveau même du M23, le mot d’ordre consistant à boycotter le bulletin de Wade l’a prouvé. Et lorsque Macky est arrivé au 2e tour nous avons appelé à le soutenir contre Wade.

Avec cette majorité à l’Assemblée, n’y  a-t-il pas lieu de craindre les mêmes travers du Pds avec sa majorité écrasante ?  

Si cela devait être le cas, ça serait dommage. Je crois que nous voulons une Assemblée de rupture. Et cela est marqué par la date du 23 juin. Il faut une Assemblée qui soit là pour défendre les intérêts des Sénégalais. Nous, nous voulons nous battre pour ce type d’Assemblée. Et nous avons déjà dit que nous étions là pour la vigilance citoyenne. Cela dit, nous sommes dans le groupe parlementaire de Benno. Mais nous espérons que c’est une Assemblée qui va jouer son rôle. Ce sera en tout cas notre attitude.

Pensez-vous que Macky Sall était dans la dynamique de la suppression du Sénat ou a-t-il été contraint par l’ampleur des inondations ?

Il faut reconnaitre que Macky a été clair depuis le début de la nécessité de conserver le Sénat qu’il estimait utile pour notre démocratie. C’est pourquoi, on se dirigeait vers les sénatoriales. C’est la reconnaissance de la dynamique populaire qui a fait que le président a certainement jugé utile de revenir sur sa décision. Avec cette situation des inondations que tout le monde déplore, on ne peut pas expliquer aux Sénégalais que de l’argent va être dépensé pour une institution qui n’en vaut pas forcément la peine.

 

Vous pensez que la suppression su Sénat sera aussi facile qu’on le laisse présager ?

Je ne vois pas d’obstacle politique à ça. Je pense que le président doit en profiter pour vraiment faire des avancées démocratiques tel que le mouvement populaire l’a souhaité : suppression du Sénat, du poste de vice-président, ramener le mandat à 5 ans et même créer la Cour constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel a posé des problèmes notamment pendant le règne de Wade. Faut-il le réformer ? 

Je pense qu’il faut transformer le Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle pour permettre à la justice d’avoir une indépendance. Le conseil s’est toujours déclaré incompétent, estimant que, de manière explicite, dans le décret qui l’a créé, il n’y a pas eu de loi constitutionnelle. Ce n’est pas acceptable. Je pense que le moment est venu pour le président de nous proposer, dans la révision constitutionnelle, de transformer le conseil en Cour. Ce serait une grande avancée démocratique.

 

Abdoul Mbaye fait demain sa déclaration de politique générale ; quelles devraient être les priorités des législateurs en matière de réformes sociales ?

A Tekki, nous avons cinq ordres de priorités. C’est l’éducation et la santé qui doivent être travaillées très sérieusement. Il faut aussi créer des pôles régionaux de développement en permettant à Dakar de respirer. En décentralisant les différents services à l’intérieur du pays. Je verrai bien le ministère de l’Agriculture à Thiès, le Parlement à Diourbel, etc. Cela permettra à Dakar de respirer. On ne peut pas imaginer Dakar à cinq ou six millions d’habitants. Donc, il faut se projeter dans l’avenir. Il n’y a pas de réserve foncière. Wade a tout bazardé. Donc, il faut de grandes décisions dans cette direction. Il y a la question de la sécurité intérieure, la paix en Casamance, la sécurité extérieure. C’est cela que nous voyons comme chantiers dans les 5 prochaines années. Naturellement, il y a la question des audits. Il faut que ceux qui ont bénéficié de la spéculation foncière payent les coûts de l’assainissement et du réaménagement du territoire. C’est cela l’enjeu et Macky doit s’y atteler.

 

Le problème de l’électricité demeure malgré toutes les tentatives pour sa résolution. Par quel bout doit-on le tenir ?

Le management de la Senelec a toujours été problématique. Il est politique. Il doit être revu parce qu’il y a beaucoup de choses à faire. En attendant de trouver du pétrole au Sénégal, il faut faire très attention au thermique. Je ne crois pas à la centrale au charbon. C’est un gros projet et un gros projet qui  déstructure l’environnement. Je propose à Macky d’abandonner cette centrale et de travailler à créer des centrales hydroélectriques. Et pour ça, il nous faudra le bon voisinage avec la Gambie, la Guinée. Sans électricité, il n’y aura pas d’industrie.

Même avec un Gouvernement dit de rupture, on continue de parler de népotisme dans le choix des responsables des postes stratégiques.

Nous ne sommes pas d’accord avec ça. Je crois que là-dessus, nous sommes clairs. Les Assises l’ont été aussi. On avait même parlé de neutralité de l’administration. On avait même proposé de faire un appel d’offre pour certains postes dans l’administration. Mais, il est vrai que l’Apr et Macky 2012 ne partageaient pas notre point de vue. Mais on se trouve dans une dynamique politique. Toutefois, c’est mieux que ce que faisait Wade.

 

Quelles solutions peut-on imaginer pour mettre fin à la récurrence des inondations au Sénégal ?

Il faut avoir un programme de travail sur plusieurs années. De manière organisée et réfléchie. Je pense que l’année prochaine, on devra être dans une situation de prévention. Lorsque la météo annonce une pluie, on doit prendre tout de suite des dispositions pour demander   aux populations habitant les zones à risques de déménager dans les écoles ou autres sites aménagés au préalable. Cela dit, pour la question des inondations, c’est une affaire d’aménagement des villes. Avec la longue période de sécheresse, on a construit dans les bas-fonds ou dans les zones à risques. Il se trouve que le plan d’urbanisme de Dakar en particulier a été complètement négligé par Wade. Il faut en revenir à l’orthodoxie et là où c’est possible de faire des canalisations, comme à Ouest-Foire ou Dalifort.  Cela demande, peut-être, une restructuration des quartiers. Mais il y a des zones où il faut forcément dégager les habitants pour les reloger ailleurs. Mais cela doit se faire après des études très sérieuses sur le plan technique et financier. Si on fait le travail normalement, cela prendra du temps. D’ici l’année prochaine, je doute fort que des travaux de grande envergure puissent commencer. Si on veut vraiment avoir des travaux d’envergure, il faut commencer en 2014 et les terminer en 2016. Et en ce moment-là, on sera mieux loti du point de vue des inondations.

Pourtant, des sommes ont toujours été annoncées dans ces cas d’espèce.

C’est le lieu de dire que je suis contre cette idée d’affecter des ressources ex-nihilo. Ça été fait au plan Jaxxay. C’est une erreur ; ça ne se fait pas. Tu ne peux affecter x milliards de Francs aux inondations. Parce que tu ne sais pas ce que tu vas dépenser. Ça va engendrer des gaspillages et de la corruption. C’est après avoir évalué sérieusement les travaux à faire qu’on connait les coûts et les montants à affecter à tel ou tel autre projet ou programme. Et avec des mesures à prendre. C’est comme ça qu’il faut travailler. Mais aujourd’hui, on est dans une période d’émotion. On n’a pas besoin de beaucoup d’argent. On est dans une phase d’urgence ; il faut juste pomper les eaux, reloger les gens, leur donner à manger, les soigner…  Cette période va se terminer, peut être, en octobre. Et à partir de là, il faut reprendre sérieusement les dossiers. De ce point de vue, le gouvernement devra présenter à la population un bilan comptable des dépenses qui ont été faites avec les ressources qui ont été collectées. C’est ce qu’on attend du  gouvernement de rupture. Je crois que ceux qui ont bénéficié de la spéculation foncière de Wade doivent être les premiers à payer. Le gouvernement doit réfléchir à une forme de taxation même temporaire de ceux qui ont bénéficié de la cette spéculation.

Quelle a été votre appréciation de la sortie du président Macky à l’endroit des autorités gambiennes après l’exécution de nos compatriotes ?

Je pense qu’elle était opportune. Certains ont regretté que ce fût un peu tardif. Moi, je pense que le président Macky Sall était dans une dynamique de bon voisinage avec Jammeh. Il était en Gambie dès son élection. Maintenant, quand on a exécuté ces deux Sénégalais, sans prévenir, il était normal que le président proteste vivement. Je crois que c’est une bonne chose.  Parce que la peine de ces Sénégalais aurait pu être commuées en peine de prison. Ça aurait été plus élégant de la part du président Jammeh. Surtout que Macky est allé le voir avec un panier de colas. Nous sommes après tout des Africains.

 

Par où doit passer le règlement de la crise en Casamance qui est une de vos priorités ?

Je sais que le bon voisinage est important. Il ne peut pas avoir de paix en Casamance sans une implication de la Gambie et de la Guinée-Bissau. Pour cela, il faut convaincre les Gambiens de la nécessité du bon voisinage. Ça demande d’avoir une ambassade forte et dynamique. Il faut déplorer qu’on ait des ambassades à 500 millions de francs en Gambien ou en Guinée-Bissau. On doit avoir une ambassade de 2 à 3 milliards. C’est cela la marque du bon voisinage. Notamment, la construction du pont sur la Gambie. Ça va résoudre 40% du problème.

Source : La Tribune

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