Manipulations, rebondissement, relaxe : Aïda, la reine de themis

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On ne le dira jamais assez, Aïda Ndiongue a le don de mettre le Palais de Justice sens dessus-dessous. La dame trouve suffisamment de ressources pour mettre la Justice à ses pieds. Jugez-en par ces nombreux faits qui parlent d’eux-mêmes.

Dans la foulée du verdict, rendu la semaine dernière par le Tribunal correctionnel de Dakar, relaxant la dame Aïda Ndiongue et ses acolytes dans le dossier sulfureux des marchés de produits phytosanitaires passés dans le cadre de l’exécution du Plan Jaxaay, un communiqué avait été publié au nom du Parquet de Dakar. Ledit communiqué de presse exprimait une vive émotion quant à la décision rendue. En réaction, l’Union des Magistrats Sénégalais (Ums) a sorti un communiqué pour ruer dans les brancards de Serigne Bassirou Guèye, procureur de Dakar. Le pauvre Serigne Bassirou Guèye s’est vu remonter les bretelles par le président de l’Ums, Abdoul Aziz Seck. Le procureur de Dakar a véritablement bon dos.

La double peine infligée au procureur
Le président de l’Ums et tous les membres du bureau de cette organisation corporatiste savent parfaitement les circonstances de la publication du communiqué controversé. Il s’avère que Serigne Bassirou Guèye apparaît plutôt comme une victime dans cette affaire. En effet, le texte publié dans les médias a été substitué au véritable communiqué élaboré par le Parquet de Dakar, qui était assez laconique car se limitant simplement à dire que : «Le Tribunal de Grande Instance de Dakar a rendu le 28 mai 2015, une décision de relaxe de tous les prévenus dans le dossier communément appelé «affaire Aïda Ndiongue». Le Parquet de Dakar, au vu des éléments en sa possession, a décidé d’interjeter appel de cette décision.»
Par contre, ce qui a tenu lieu de communiqué de presse a été bel et bien une «note interne» du Parquet qui a été adressée au ministre de la Justice et qui avait été présentée au cours d’une réunion de coordination tenue à la chancellerie. Le procureur Guèye semble d’ailleurs avoir eu une certaine prémonition, car il avait tenu à préciser, à l’endroit des participants à la réunion de coordination, que la note du Parquet n’était pas destinée à une publication. N’empêche, la chancellerie fera diffuser la note après y avoir opéré des manipulations comme en changeant l’intitulé «note interne» pour y mettre «communiqué de presse», et surtout en changeant le nom du signataire. A la place du signataire originel a figuré le nom de Serigne Bassirou Guèye dans le document rendu public.
Le bureau de l’Ums n’ignore pas ces péripéties et l’Ums compte de nombreux membres qui avaient assisté à cette rencontre, pour pouvoir en témoigner. Seulement, l’Ums semble n’avoir cure de cette vérité et au nom de la défense de ses membres, elle jette en pâture un autre de ses membres. Ce n’est pas une première. On se rappelle que, toujours dans cette affaire Aïda Ndiongue, au lendemain d’un point de presse tenu par Serigne Bassirou Guèye pour présenter les valeurs appartenant à Aïda Ndiongue et qui faisaient l’objet de saisies judiciaires, l’Ums était montée au créneau pour dire que «la déclaration du procureur de Dakar était excessive», alors que ce dernier n’avait nullement mis en cause un magistrat. Le courroux de l’Ums avait étonné car ce n’était point la première fois que les services du Parquet ont eu à tenir un point de presse et jamais on n’avait entendu l’Ums s’en émouvoir. Dans ces conditions, il sera difficile de ne pas croire que le fauteuil de procureur de Dakar est particulièrement dans la ligne de mire de responsables de l’Ums. C’est d’ailleurs un poste si attrayant qu’aucun membre du bureau de l’Ums ne le refuserait.

Aïda Ndiongue envoûte le Palais de Justice
Aïda Ndiongue s’est vue réserver un traitement particulièrement indulgent de la part des magistrats en charge de son dossier et ceci à toutes les étapes de la procédure. La dame, forte d’on ne sait quelle assurance, n’a eu de cesse de narguer les médias qui avaient l’outrecuidance de l’évoquer. Certains médias avaient fait leurs choux gras d’un rapport de l’Inspection générale d’Etat sur ce scandale. Aux publications circonstanciées sur la gabegie du Plan Jaxaay et la valse de milliards de francs encaissés par Aïda Ndiongue, cette dernière opposait un mépris et un aplomb sidérants. Elle était si assurée de son impunité qu’elle avait poussé le bouchon en giflant à l’enquête préliminaire, un témoin, et avait insulté les gendarmes-enquêteurs. Dans ces colonnes, nous avions relevé en son temps que pour bien moins que cela, des justiciables avaient été jetés en prison. Hélas, il ne se trouvait pas un magistrat qui pouvait s’en être ému jusqu’à relever l’affront fait par Aïda Ndiongue. Au Tribunal, de nombreuses personnes ont été témoins de coups de gueule de Aïda Ndiongue à l’endroit de magistrats en charge de son affaire. Aïda Ndiongue pouvait toiser son monde et insulter à travers des sorties dans la presse, la ministre de la Justice, Mme Aminata Touré, qui avait osé donner des instructions aux magistrats d’ouvrir une information judiciaire. Le dossier traînera en longueur dans la phase d’enquête préliminaire. Tous les prétextes et alibis ont été employés pour retarder l’ouverture d’une information judiciaire. Les réunions de coordination du Parquet au ministère de la Justice, étaient toujours l’occasion pour l’obstinée Aminata Touré de demander l’ouverture de poursuites. Elle ajoutait le geste à la parole en relançant à chaque fois le Parquet de lettre de rappel. De guerre lasse, une information judiciaire était ouverte auprès du cabinet du Doyen des juges Mahawa Sémou Diouf. Coup de théâtre, Aïda Ndiongue sera inculpée et laissée en liberté provisoire tandis que certains de ses co-inculpés avaient été placés sous mandat de dépôt. Ce qui apparaissait aux yeux de l’opinion publique comme une forfaiture n’avait cependant pas ému grand monde au Palais de Justice.

Sidiki Kaba manipulé à partir de la présidence de la République
Quelques mois plus tard, après que le parquet de Dakar eut changé de patron avec le remplacement de Ousmane Diagne par Serigne Bassirou Guèye, les co-inculpés comme l’ancien Directeur de cabinet du ministre Oumar Sarr, Abdoul Aziz Diop, bénéficieront d’une mise en liberté provisoire on ne peut plus rocambolesque. En effet, cette mise en liberté provisoire n’avait été possible qu’à la faveur d’une manipulation orchestrée au plus haut niveau de l’Etat. En effet, le Parquet avait reçu des instructions du nouveau ministre de la Justice, à peine nommé, Me Sidiki Kaba, de donner une suite favorable à la demande de liberté provisoire introduite par les inculpés. Telle serait la volonté du président Macky Sall, avait cru le ministre de la Justice, sur la foi d’une confidence d’un membre du cabinet présidentiel qui le lui aurait indiqué comme une instruction présidentielle. Quelle légèreté et quel laxisme à ce niveau de l’Etat ! Le Président Macky Sall ne pourra que faire le constat que son ministre de la Justice avait été abusé. Entre-temps, Abdoul Aziz Diop et consorts avaient humé l’air de la liberté et la décision n’était plus révocable. Après cette mise en liberté provisoire, le dossier dort encore dans les tiroirs du Doyen des juges. Plus aucun autre acte de procédure ne sera réalisé. Pour enterrer un dossier, on ne s’y prendrait pas mieux.

Le Parquet sort un nouveau dossier qui envoie Aïda Ndiongue en prison
La pilule a été amère pour les plus hautes autorités de l’Etat. Il fallait trouver les voies et moyens pour relancer la machine judiciaire contre Aïda Ndiongue et sa bande. Le procureur de Dakar tomba sur une aubaine. Il dénichera quatre transferts de fonds en faveur de Aïda Ndiongue et qui étaient jusque-là inconnus des enquêteurs. C’était suffisant pour ouvrir une nouvelle information judiciaire contre les personnes mises en cause. Le procureur Guèye prendra le soin d’éviter de confier le nouveau dossier au même juge d’instruction. Il saisira cette fois-ci, le juge Samba Sall en charge du deuxième Cabinet. Toutes les diligences ont été prises et les inculpés ont été placés sous mandat de dépôt. Aïda Ndiongue se retrouva ainsi en prison. Le magistrat instructeur fera des réquisitions à personnes qualifiées pour asseoir les montants du préjudicie et surtout opérer à la saisie de plus de 41 milliards de francs Cfa amassés par Aïda Ndiongue entre les années 2000 à 2011. Le magot était stupéfiant, avec des «bons anonymes et des bijoux de valeur». Les sommes saisies sont confiées à la Caisse des dépôts et consignations (Cdc).
L’instruction judiciaire se poursuivra non sans encombre. Le juge Samba Sall refusera une demande de liberté provisoire formulée par les inculpés. Leurs conseils relèveront appel de la décision du juge. Le coup de théâtre interviendra au niveau de la Cour d’appel. Le Premier président Demba Kandji, ayant eu vent d’un coup de Jarnac qui se préparait, avait estimé devoir monter au créneau. Il fera valoir ses prérogatives de chef de juridiction qui l’autorisent à présider toute formation de la cour. Ainsi prendra-t-il le dossier en main. Il présidera l’audience de la Chambre d’accusation qui rendra alors un arrêt conforme à la décision du premier juge. Aïda Ndiongue et ses co-inculpés resteront en prison.
Le dossier pourra alors revenir au Cabinet d’instruction pour que le juge Samba Sall puisse rendre une ordonnance de saisine du Tribunal correctionnel. Les personnes mises en cause qui gardaient encore prison seront jugées le 28 mai 2015 pour être relaxées. Aïda Ndiongue a gagné cette nouvelle manche. Le Parquet a interjeté appel et ce sont encore les soubresauts de cette décision de faire appel qui provoquent l’ire de certains magistrats. Dites si Aïda Ndiongue n’est pas puissante ?

La gêne de nombreux hauts magistrats
Dans les travées du Palais de Justice, ils sont nombreux les avocats, magistrats et autres membres de la famille judiciaire à se dire troublés par la dernière sortie de l’Ums. D’aucuns se demandent pourquoi l’Ums n’avait pas estimé devoir voler au secours des magistrats de la Cour suprême quand ils étaient pris à partie par l’opinion publique après l’arrêt controversé de la chambre criminelle sur l’affaire Karim Wade. L’émotion était si vive que le Procureur général de l’époque, Mamadou Badio Camara, avait décidé de prendre sur lui, contrairement à la volonté exprimée par le ministre Kaba, de demander un rabat d’arrêt. On ne voudrait pas non plus croire que l’Ums a décidé de réagir du fait qu’un de ses membres aurait remis en cause la probité de ses pairs magistrats. En effet, qui ne se rappelle pas les adieux du magistrat Ousmane Diagne quand il cédait son fauteuil de procureur de Dakar.

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1 COMMENTAIRE

  1. Encore Madiambal dans ses œuvres.
    C’est l’arrestation d’Aida Ndiongue qui devait étonner les gens honnêtes. Et le texte de Madiambal le prouve puisqu’il avoue que le procureur cherchait coûte que coûte à mettre Aïda Mbodj en prison (Chapitre 5, nouveau dossier).
    Revenons aux règles d’exécution de marché et de payement pour comprendre. Lorsqu’une entreprise gagne un marché de l’état, elle exécute les travaux ou fournie la commande. Les travaux exécutés ou la commande fournie sont attestés par des attachements, un procès verbal de réception, et dans le cas des fournitures de commande s’y ajoute un bordereau de livraison. L’entreprise fait sa facture qui est certifiée par le service technique de l’état responsable de tutelle des travaux ou de la commande. Le trésor ou tout autre organe financier de l’état ne décaisse un seul franc que sur la base de cette facture certifié par l’organe technique et qui vaut ordre de décaissement.
    Dans ces cas, lorsqu’un pouvoir arrête un entrepreneur par l’accusation de détournement de biens de l’état (même si on s’interdit de se demander comment, vue que tout est inversé dans ce pays), pourquoi il n’y a pas poursuite de la tutelle technique seule pour avoir demander à l’état de décaisser de l’argent sur la base d’attachements de travaux, de PV de réception et de facture certifiée alors que les travaux ne sont pas exécutés ou que la commande n’est pas honorée (selon l’accusation) ? Par rapport à l’état, l’entrepreneur n’a fait aucune faute. S’il y a faute c’est la tutelle technique qui a fait décaissé à l’état pour des travaux non exécutés ou des commandes non honorées. Le trésor ne connait pas l’entrepreneur et n’est pas sensé le connaître. Le trésor connait les bras techniques de l’état dont les attestations techniques (PV de réception, attachements, factures) sont des ordres de décaissements.
    Mais ici, il s’agit de la procédure normale, dans les pays normaux. Au Sénégal, nous sommes sous un pouvoir de légionnaires, au service des pourvoyeurs de légions. Au Sénégal nous sommes sous ce que Sidi Lamine appelait la dictature médiatique qui part du principe que les consommateurs de ses produits sont des ignares qui vont avaler toute diabolisation. Au Sénégal nous sommes sous un pouvoir où la haine est érigée en institution d’état. Au Sénégal nous vivons le principe qui veut que n’importe quel non sens, ou même anti sens, répété par la presse des 100 fait office de droit républicain. Au Sénégal, nous vivons une dictature qui veut que le pouvoir de Macky a toujours raison même quand il a tord.
    Il n’y a pas une goutte de droit dans les actes de Macky. Il n’y a que de la vengeance que la presse des 100 couvre de plus en plus mal. Ils ne peuvent pas duper le peuple tout le temps.

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