La chanteuse Sérère Marie Ngoné Ndione, artiste à l’ensemble lyrique au théâtre national Daniel Sorano, a signalé que l’environnement musical sénégalais est pollué par une maladie qui est commune à tous les artistes. Elle est convaincue que l’avènement des nouvelles technologies a porté un grand coup à leurs potentialités artistiques et financières. Au banc des accusés, elle pointe du doigt le téléchargement qui rend leurs œuvres accessibles à tous, mais aussi la cherté des studios de production, alors que personne n’achète plus de CD. C’est le cri du cœur qu’elle a émis dans cet entretien qu’elle a exclusivement accordé à Sud Quotidien.
L’ensemble lyrique ne produit plus. Quelle est la raison ?
Marie Ngoné Ndione- L’ensemble lyrique continue bien de produire, mais il y a un défaut de communication. Auparavant, il y avait un directeur de production et un directeur de marketing qui s’occupaient de la propagande autour de nos activités. Ce sont eux qui s’occupaient d’informer le public de nos activités à tel enseigne que partout où on devait se rendre, le public était bien informé. Mais depuis que ceux-ci ne sont y plus là, nos activités sont restées inaperçues parce que ces postes sont restés vides. Nous n’avons plus de gens qui s’occupent de notre promotion. Il n’y a pas longtemps le ballet est revenu de Chine sans pour autant que les Sénégalais n’en soit informés. Personne n’est au courant. Si les postes précités étaient pourvus, la presse et le public seraient informés de tout ce qu’on fait. Quand le ballet, l’ensemble lyrique ou la troupe dramatique se déplace la presse devait être au parfum. Par ailleurs, nous sommes confrontés à un manque de personnel. Plusieurs artistes ont fait valoir leurs droits à la retraite sans être remplacés. C’est un vide que nous ressentons.
Qui sont ceux ou celles qui ont fait valoir leur droit à la retraite ?
Je peux vous citer Khady Diouf, Daro Mbaye, Ndèye Mbaye Djinema Djinema, Madiodio Gningue, Khar Mbaye Madiaga, et d’autres. Il n’y a plus d’hommes chanteurs au sein de l’ensemble lyrique. Ils ne restent plus que deux hommes : Alassane Mbaye et Mbaye Ndiaye. Alors qu’ils étaient près de dix hommes auparavant et les femmes étaient douze. Aujourd’hui, l’ensemble compte au total neuf personnes, deux hommes et sept femmes. On n’a plus d’effectif. Si un ensemble compte seulement deux batteurs de tam-tam c’est qu’il y a véritablement problème. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous insistons sur la nécessité de recruter. On ne peut gérer une maison comme ça pendant treize sans recruter. Ce n’est pas normal, il faut renforcer le personnel.
Pourquoi n’avez-vous pas sorti de cassette depuis longtemps ?
C’est une maladie commune à tous les artistes. Depuis l’avènement du téléchargement, personne n’achète plus de CD. Il tue l’effort des artistes. Aujourd’hui, les producteurs ne produisent plus parce qu’ils estiment qu’on achète plus les CD et ils ont en partie raison, car on en achète plus. Or, les artistes n’ont pas les moyens de s’auto produire, donc c’est un manque à gagner pour nous. Si quelqu’un achète un CD, les autres le sollicitent pour le télécharger. Télécharges-moi Marie Ngoné ou Soda Mama. C’est ce qui nous fatigue, nous sommes lésés. La production est là pourtant. C’est en 2007 que j’avais sorti mon dernier CD « TIDA NDANG » mais la vente n’était pas fameuse alors que je m’étais auto produite. J’ai des spectacles un peu partout mais il est difficile pour un artiste, avec la cherté des studios de production de s’auto produire et de lutter en même temps pour sa subsistance. C’est simplement ça et rien d’autre.
Quelles sont vos solutions par rapport à cette situation ?
Les solutions ? (Rires…) Je ne sais même pas si j’ai des solutions par rapport à ça. Ce qui est plus fréquent maintenant chez nous artistes musiciens pour éviter d’être oubliés, ce sont les singles. Auparavant au Sénégal au mois de décembre les nouvelles cassettes se bousculaient dans le marché, mais aujourd’hui ce sont les singles qui sont à la mode pour la raison que vous savez. Même les grands artistes ne font pas exception à la règle. Nous prions simplement Dieu pour que ça change. Mais je ne suis pas sure que la situation puisse changer avec la nouvelle technologie qui a beaucoup contribué à notre perte. Avons-nous des raisons d’espérer ? Dieu est Grand.
