Marine Le Pen – Jean Luc Mélenchon : La tentation des « extrêmes »

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L’un des deux devrait, selon les derniers sondages, affronter Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle. Le modèle économique, le terrorisme, le chômage, l’Europe sont présentés par les candidats de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche comme les causes du mal vivre français.

Après les Usa (élection de Donald Trump à la Maison-Blanche) et l’Angleterre (Brexit), la France va-t-elle, à son tour, se singulariser avec ce scrutin présidentiel ? Va-t-elle franchir le pas et élire à sa tête une Marine Le Pen ? La candidate du Front national, que les sondages –ces fameuses auscultations de l’opinion électorale- assurent d’une présence au second tour, ne serait alors pas la première personnalité d’envergure de l’extrême-droite à ce stade.

En 2002 déjà, son père, Jean-Marie Le Pen, était arrivé deuxième derrière Jacques Chirac, sonnant le glas des ambitions politiques du candidat socialiste Lionel Jospin. Traumatisés par la présence d’une figure aussi controversée à ce niveau, les électeurs français s’étaient alors retrouvés autour d’un Front républicain pour lui faire barrage. Malgré tout, 17,79 % des électeurs avaient voté pour lui au second tour…

Quinze ans plus tard, sa fille a repris le flambeau. Et de quelle manière ! Candidate à l’élection présidentielle de 2012, elle était arrivée en troisième position au premier tour en obtenant 17,90 % des suffrages exprimés, soit un meilleur résultat que tous ceux obtenus par son père au premier tour d’une élection présidentielle. Certes, Ségolène Royal est la première femme à accéder au second tour d’un scrutin présidentiel (2007), mais avec la nouvelle égérie « frontiste », l’impensable est envisagé. D’ailleurs, beaucoup d’observateurs extérieurs à la vie politique française résument l’élection du huitième président de la Vème République en cette question : Marine Le Pen peut-elle gagner ?

Dans l’éditorial d’un hors-série consacré à ce scrutin -dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est incertain comme jamais-, « Le courrier international » rappelle que « le temps électoral est propice aux colères, mais aussi aux espoirs et, pourquoi pas, aux révolutions, ces bouleversements brusques et profonds dont la France pense depuis 1789 détenir le secret ». Mais, jusqu’où cette tentation peut-elle aller ? Le temps des « extrêmes » serait-il arrivé ? Côté programme, la blonde de quarante-neuf ans « humanise » ce que son ascendant a théorisé depuis des décennies.

Même aseptisé, son programme propose la sortie de l’euro avec, en cas d’échec, un projet de référendum sur la sortie de l’Union européenne ; l’inscription de la préférence nationale dans la Constitution ; la fin du droit du sol et la limitation des droits sociaux ; des embauches, les trente-cinq heures (temps de travail par semaine) et la retraite à soixante ans. Bref, les fondamentaux du Fn demeurent avec une xénophobie qui programme la chasse aux immigrés, la fermeture des frontières et la destruction de l’Union européenne.

Dans un débat présidentiel saboté par les « affaires », contre vents médiatiques et marées judiciaires, elle cristallise les frustrations, déceptions et angoisses d’une société dont de larges pans sont frappés par le chômage, la précarité et le sentiment d’insécurité. En même temps, la classe politique française « classique » (celle du clivage Gauche-Droite) est décrédibilisée, pour beaucoup, en raison des scandales liés à des emplois fictifs accordés à la proche famille (François Fillon) ou aux employés politiques (Marine Le Pen).

« Liberté, Égalité, Fraternité »
Mais, la France, c’est d’abord la quatrième puissance militaire au monde, la deuxième économie de l’Union européenne, un système de santé performant « qui n’oublie personne » et une influence réelle dans de grandes parties du monde, en Afrique principalement, en raison de son passé colonial. La France, ce sont aussi des élites parmi les mieux formées, une maîtrise des technologies de pointe (armement, espace, aviation, télécommunications) auxquelles s’adossent des industries qui trustent des marchés partout sur la planète. Ses détracteurs ne sont, par contre, pas convaincus par son Code du travail, « obsolète et bouffi », et une fiscalité « qui fait fuir les patrons ». Plus attraction médiatique que croquemitaine, l’autre « extrême », Jean-Luc Mélenchon (un tribun de soixante-six ans), est d’abord l’histoire d’un idéaliste qui n’a pas supporté l’entrée de son pays dans le libéralisme gouvernemental aujourd’hui au-dessus des identités politiques (socialistes, gaullistes, nationalistes, centristes, populistes) pour incarner un mode de gouvernance qui s’applique presque partout dans ce monde du début du vingt-et-unième siècle.

Le leader de « la France insoumise », né dans la zone internationale de Tanger, incarne la résurgence de l’idéal anti capitaliste, celui qui fait rêver du grand soir. Depuis la crise financière de 2008, « la méfiance envers les marchés et une foi renouvelée en l’État remettent en question l’ancienne orthodoxie et émergent en tant que force politique », fait remarquer le (pourtant) très libéral hebdomadaire londonien « The Economist ».

Jean-Luc Mélenchon avait obtenu 11 % en 2012 et était arrivé en quatrième position. Harangueur de foule dans la tradition des grands leaders socialistes, il a réveillé –dans certains milieux- cette culture du refus propre à ce pays qui avait guillotiné un roi pour installer la République. Lui aussi propose la retraite à soixante ans avec une réduction du temps de travail, des négociations avec l’Ue pour la refonte des traités ou en sortir après un référendum, le renforcement de l’impôt sur les fortunes, le recrutement de deux cent mille fonctionnaires.

Habile, il réussit à parfumer aux senteurs de la modernité un discours qui fleure le soixante-huitard. Dans ses élans révolutionnaires, avec des références à Simon Bolivar et Hugo Chavez, voire Fidel Castro, il a d’abord attiré la classe ouvrière et les déçus du « système », mais au fil de la campagne, alors que ses adversaires étaient dans des postures défensives ou de justification, il a dégagé on-ne-sait-quoi d’honnête homme, loin des casseroles du microcosme.

Comme sur les réseaux sociaux, il a su être présent partout à la fois en usant d’hologrammes là où il ne pouvait être présent physiquement. Ainsi, début avril, plus d’une centaine d’économistes de dix-sept pays à travers le monde (dont le Pr François Seck Fall de l’Université de Toulouse et Amadou Makhourédia Diop de l’Université de Thiès) ont appelé à voter pour « la France insoumise » dimanche. La France n’a jamais été dirigée par ses « Extrêmes » et à ses extrêmes. La présence de Marine Le Pen plus que probable au second tour est plus qu’une piqûre de rappel. Mais, si Marianne devait renier sa devise : « Liberté, Égalité, Fraternité », c’est que le pays de Descartes n’aurait alors plus sa…raison.

Par Samboudian KAMARA

lesoleil.sn

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