Entretien exclusif. Abdoulaye Wade dit tout et sans détour: Karim, Idy, Dr Mame Marie Faye, Gbagbo, sa candidature…

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Pour interviewer le président sénégalais, il faut assurément libérer toute sa bande au risque de rater certains propos. Prolixe à souhait et direct comme il l’est, Me Abdoulaye Wade adore la parole. Pas étonnant pour un avocat ! Lorsque nous l’avons rencontré à son palais le 1er décembre 2010 de 21h 30 à 23h 30, nous avons vu que l’homme d’Etat, malgré ses 84 ans, est plus qu’endurant. Déjà, l’heure du rendez-vous avait étonné, mais nous apprendrons que le président du Sénégal travaille parfois jusqu’à 2h, voire 3 h du matin. Nous accueillant à la porte du palais à 21h30, Me Abdoulaye Wade, avec humour nous lance : « Bienvenue ! Les présidents aussi, ça mange ! Alors, installez-vous ! ». Et il rejoint sa table à manger. Accompagné par l’un de ses hommes de confiance, l’illustre historien, le Pr Iba Der Thiam et par le ministre conseiller, porte-parole de la Présidence, Sérigne, nous nous sommes entretenus avec le président de la République du Sénégal et le secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (PDS) qui vient de le désigner comme le candidat du parti à la prochaine élection présidentielle. Il parle de la politique dans son pays, de sa candidature en 2012 et de ses opposants. Il parle aussi de ses relations avec Blaise Compaoré et Laurent Gbabgo. Il donne son point de vue sur les élections en Guinée et en Côte d’Ivoire. Me Abdoulaye Wade, panafricaniste, est remonté sur certains volets contre l’Union européenne et « ses APE ». Bref, Me Abdoulaye Wade, avec son franc-parler s’est prêté, pour la première fois, aux questions d’un journaliste burkinabè, dans le cadre d’une interview du genre. Entretien !

« Le Pays » : Comment Me Abdoulaye Wade se porte-t-il ?

Me Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal : Regardez-moi et dites à vos lecteurs comment vous m’avez trouvé. C’est tout ! (Eclats de rires…)

Nous vous posons la question parce qu’au cours de notre séjour, un docteur, Mme Mame Marie Faye, appelée « la fille de Wade », a dit au cours d’une conférence de presse que vous étiez malade…

D’abord, ce n’est pas un docteur. Elle est ophtalmologue. Je ne suis jamais allé me faire consulter chez elle, ni pour les yeux, ni pour les dents. Elle était membre de notre parti au tout début. Je l’ai beaucoup aidée pour se soigner. Elle est ensuite allée aux Etats-Unis. Nous n’avions plus eu, depuis lors, de relations, bien qu’elle ait écrit beaucoup de lettres. Je mets cela sous le coup de la frustration. L’Ordre des médecins lui a demandé des explications parce qu’on ne se lève pas un beau matin pour dire qu’on est médecin. Pour ce qu’elle a dit de moi, il n’ y aura pas de poursuites. Croyez-moi ! Il semble qu’elle a été manipulée. Certains ont profité de sa faiblesse mentale pour l’exploiter. Ça, ce n’est pas bien. Ce n’est pas cela qui va déterminer les élections. C’est complètement ridicule.

Pourquoi le président Wade accepte-t-il d’être candidat en 2012 ? J’ai accepté d’être candidat en 2012 parce que la mission que je me suis donnée pour mon peuple, pour l’Afrique et pour le monde noir n’a pas encore été complètement réalisée, en dépit des avancées notables enregistrées dans tous les domaines. J’ai accepté cette candidature parce que c’est la volonté du peuple sénégalais auquel j’ai consacré ma vie, depuis que j’étais sur les bancs de l’école. Enfin, je suis candidat parce que je suis capable, physiquement, intellectuellement et politiquement de relever triomphalement ce défi, avec l’aide de Dieu.

Vos adversaires politiques ne voient pas d’un bon œil que vous briguiez un 3e mandat, parce que, disent-ils, cela est contraire à l’esprit de la Constitution. Que leur répondez-vous ?

En vérité, ils savent que si je suis candidat, aucun d’entre eux n’est capable de me faire face. Je les battrai, dès le 1er tour, comme ce fut le cas en 2007 parce que j’ai un bilan, une vision qui inspire confiance et admiration ; parce que j’ai un parti puissant, organisé, combatif et engagé avec des alliés (près de 80 partis politiques loyaux et fidèles), sans compter la société civile, les femmes, les jeunes, les opérateurs économiques, le monde rural, les intellectuels, les chefs religieux et traditionnels et le soutien des Sénégalais de l’étranger. Si mes adversaires étaient sûrs qu’ils pourraient me battre aux élections de 2012, ils ne se priveraient pas d’un tel plaisir. Mais, comme ils savent qu’ils n’ont aucune chance contre moi, ils essaient de fuir le combat, en usant d’accusations fantaisistes que le droit et la simple éthique politique réprouvent. Est-il possible, pour le Docteur en droit que je suis, avocat international, depuis les années 50, Consultant respecté dans de nombreuses instances internationales et agrégé des sciences économiques, d’inspirer des réformes constitutionnelles qui me conduiraient au suicide politique ? Est-ce raisonnable ? La réponse coule de source. Le problème du 3e mandat que vous évoquez s’est posé dans les mêmes termes dans votre propre pays, quand votre président, après deux mandats et la modification de la Constitution, ramenant le nouveau mandat à 5 ans renouvelable une seule fois, s’est présenté en 2005. Quand votre opposition a prétendu que cela n’était pas possible, votre Conseil constitutionnel a tranché, en toute indépendance, en proclamant qu’une loi constitutionnelle n’est jamais rétroactive. La polémique a aussitôt, cessé, parce que les Burkinabè sont respectueux de la loi, aiment leur pays et se soucient de son image.

Un de vos militants, Idrissa Seck, est contre votre candidature. Court-il des sanctions au sein du PDS, votre parti ?

Moi, je suis un démocrate. Tout citoyen jouissant de ses droits civiques et politiques a le droit de se présenter aux élections. Maintenant, nous sommes dans un parti politique. Idrissa Seck sait bien qu’on ne peut pas avoir deux candidats dans un même parti. Chaque parti a sa procédure de désignation de son candidat. S’il respecte ces procédures, c’est bien. S’il les ignore, il ne pourra pas se présenter pour le compte du PDS .

Il se susurre que vous préparez votre fils, Karim Wade, pour vous succéder…

Vous savez, je ne peux rien contre les querelles d’Allemands (que les Allemands m’excusent !). On fait des procès à des gens sans savoir ni pourquoi, ni comment. Je n’ai jamais dit que je préparais mon fils à quoi que ce soit. Je dis seulement que c’est un garçon qui est compétent. Personne ne nie ses compétences. Raison pour laquelle je l’ai appelé à certaines responsabilités où il a fait ses preuves de façon concrète, notamment dans la question la plus difficile aujourd’hui qui est celle de l’énergie. Je connais ses compétences et je pense qu’il peut réussir. C’est pourquoi je lui ai confié ces responsabilités. Autrement, pourquoi l’aurais-je exposé en lui donnant la question la plus difficile du Sénégal qui est celle de l’énergie ? Maintenant, je dis que Karim est un citoyen sénégalais. Il a le droit de créer un parti, de se présenter aux élections. S’il le fait, c’est son affaire. Pour l’instant, ce n’est pas mon problème. Je l’utilise en fonction de ses capacités. D’ailleurs, il était banquier à Londres. Quand j’ai lancé un appel à tous les cadres sénégalais de revenir, il est venu avec sa sœur qui était en Suisse pour travailler comme tous les cadres. Pour moi, pour être président de la République du Sénégal, il faut la sanction populaire à travers des élections libres et transparentes. C’est valable pour moi, pour tout le monde, y compris mon fils.

L’opposition vous accuse de tailler la Constitution sénégalaise à votre mesure. Que répondez-vous à cela ?

Pourquoi voulez-vous que l’expression d’une opinion m’irrite, même si elle est aussi fausse que calomnieuse ? Les quelques jours que vous avez passés dans notre pays ont dû vous édifier sur le ton outrancier du langage de certains de nos hommes politiques et intellectuels qui, aveuglés par la haine et déçus par l’échec de leurs activités de chantage, sombrent dans des propos les plus dégradants, des initiatives les plus saugrenues et les affabulations les plus indignes, par simple goût de la vengeance et de la médisance, si ce n’est par un goût immodéré du pouvoir. On me compare souvent à Mamadou Tandja alors que je n’ai jamais fait un coup d’Etat militaire ; je n’ai jamais dissous la Cour constitutionnelle, ni l’Assemblée nationale. Je n’ai jamais forcé à l’exil quelque adversaire politique que ce soit. Sans le combat politique que j’ai mené pendant 26 ans, la démocratie sénégalaise n’aurait jamais atteint son niveau actuel. Cela dit, je vous signale, pour rétablir la vérité, que, du 7 mars 1963, date de notre première Constitution, au 10 mai 1999, veille de l’Alternance, c’est 22 fois que le régime précédent avait modifié la Constitution. Quand il y a introduit l’article 35, qui permettait une dévolution monarchique du pouvoir, avait-il taillé la Constitution à sa mesure ? J’ai, pour ma part, supprimé l’article 35. J’ai créé un statut de l’opposition. J’ai introduit la parité totale et absolue. J’ai réduit la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans. J’ai donné aux femmes le droit à la terre. Si c’est cela qu’on appelle tailler la Constitution à ma mesure, je vous laisse apprécier. Chacun a le droit d’exprimer son opinion. Dans le cas d’espèce, sur 66 présents à la réunion du PDS, ma candidature a été soutenue par 63 voix pour, 2 contre et une abstention. Comment dans votre pays, aurait-on apprécié un tel résultat ?

Le Sénégal et le festival mondial

Quels sont les actes majeurs, que vous avez posés, au cours de votre premier mandat et de celui en cours, pour la consolidation de la démocratie au Sénégal ?

Pour répondre à votre question, il faudra des heures. Vous séjournez dans notre pays, depuis quelques jours. Vous avez lu notre presse (une vingtaine de quotidiens, 15 hebdomadaires, 18 mensuels, 5 télévisions, près de 200 radios régionales et communautaires, 166 partis politiques, plus de 120 syndicats). Nous avons le Code de la presse le plus avancé du continent, qui dépénalise le délit de presse, la limitation des mandats à deux , une nette séparation des pouvoirs, la protection des minorités, le droit de manifestation, l’accès de tous à l’éducation, à laquelle le Sénégal consacre 40% de son budget, la gratuité des fournitures, des bourses pour tous les étudiants, la case des tout-petits, l’accès à l’autosuffisance alimentaire, etc.

Le développement d’un pays passe par le développement des infrastructures routières. Des efforts sont faits dans la capitale, qui a acquis des allures de grande ville. Qu’est-ce qui est prévu pour désenclaver rapidement les autres régions à l’image de Dakar ?

Quand je développais cette théorie à l’Union africaine et dans les réunions du G8, peu de gens m’écoutaient. Aujourd’hui, tout le monde me donne raison. Tant mieux. Même si on a perdu, hélas, du temps. Vous avez, de vos propres yeux, observé l’ampleur des changements intervenus dans la ville de Dakar. Il en est de même à Thiès. Il en sera ainsi, dans tout le reste du pays. Le Sénégal, tout entier, est devenu un immense chantier. Avec la provincialisation qui va doter les régions de gouvernements provinciaux, ce processus va s’accélérer et s’amplifier. Sous peu, le Sénégal sera un pays émergent.

Quels actes forts avez-vous posés pour diminuer le taux de chômage dans votre pays ?

Le chômage, au Sénégal, est moins important que dans tous les pays de la sous-région. Notre gouvernement, depuis 2000, a créé des centaines de milliers d’emplois, dans l’enseignement, dans la santé, dans la fonction publique, dans l’agriculture, dans l’élevage, dans la pêche, dans l’Industrie, dans le secteur informel, etc. Certes, tous les problèmes n’ont pas été résolus, mais nous avons créé plusieurs agences, expressément chargées de cette thématique, à la satisfaction des populations sénégalaises. Quand je prenais le pouvoir en 2000, j’ai trouvé plus de 3 000 enseignants jetés dans la rue, après leur formation. A la date d’aujourd’hui, j’en ai recruté plus de 25 000. Dans quel pays africain, a-t-on fait mieux ? A l’heure où je vous parle, la caravane de l’entrepreneuriat sillonne le Sénégal pour former de jeunes entrepreneurs. Il ne s’agit plus, pour nous d’offrir un métier, mais de créer pour chaque nouveau métier, des possibilités de recrutement de personnes sans emploi.

Le Festival mondial des arts nègres aura enfin lieu, après plusieurs reports. Quel sens donner à cette manifestation ?

Lorsqu’on organise une manifestation de la dimension du Festival mondial des arts nègres, on doit s’entourer de toutes les précautions. Je n’aime travailler, ni dans l’improvisation, ni dans l’informel. J’avais prévu un parc culturel comprenant des infrastructures de nouvelle génération, comme le nouveau Théâtre national, le Musée des Civilisations noires, l’Ecole nationale d’architecture, le Palais de la musique et la Place du souvenir, le Panthéon africain que je voulais ajouter aux initiatives, qui, depuis 1960, ont jalonné l’histoire culturelle de notre pays, à l’initiative de mes devanciers, avant le 3e Festival. Mais, toutes ces infrastructures verront le jour, avant 2012 et feront de Dakar la plateforme culturelle la plus performante et la plus moderne de toute l’Afrique au sud du Sahara. Je voulais que toutes ces infrastructures soient terminées avant la tenue du Festival mondial des arts nègres. Mais, nous avons réussi à trouver, en définitive, des solutions alternatives, satisfaisantes, garantissant au prochain festival, un succès éclatant. Il sera le plus grand rassemblement du monde noir jamais réuni. Il comprendra deux volets : un volet artistique et un volet intellectuel au cours desquels, l’Afrique transmettra au reste du monde un message pour le 21e siècle.

Vos rapports avec la presse sénégalaise sont-ils au beau fixe ?

Notre pays vient de se doter du Code de la presse, le plus révolutionnaire et le plus avancé d’Afrique, de l’avis des professionnels de l’information et de la communication, des syndicats de journalistes, de la société civile et de tous les leaders politiques. C’est un code consensuel, élaboré après près de 6 mois de concertation, qui sera proposé aux députés et aux sénateurs, pour qu’ils le votent, sans y changer une virgule. Quel est le pays qui a fait mieux, dans toute la sous-région ?

Le Monument de la renaissance africaine a fait des gorges chaudes au Sénégal. Que vous reproche–t-on ?

Le Monument de la renaissance africaine est derrière nous. Je n’y reviendrai donc pas. Tout reproche n’a pas de sens. Encore une fois, le Sénégal est un pays démocratique, dans lequel, chacun exprime, librement, ses opinions, contrairement à d’autres pays. Pourquoi vous focalisez-vous sur l’opinion de ceux qui sont contre, seulement et non sur celle des millions de Sénégalais et d’Africains de la diaspora, sans compter les 22 chefs d’Etat présents, lors de son inauguration ? Il y a quelques jours, la communauté noire du Brésil, représentant plus de 80 millions d’âmes, m’a envoyé un témoignage de reconnaissance, pour avoir érigé le Monument de la renaissance africaine et pour avoir accueilli les fils d’Haïti dans notre pays. Sortir le monde noir des profondeurs de l’obscurantisme, de la domination, de l’oppression, du mépris culturel, pour lui proposer un symbole de dignité, de liberté, d’indépendance, de fierté retrouvée, face à tous les autres peuples du monde est une mission sacrée. C’est une œuvre qui n’a pas de prix à cause de la confiance en soi que cela crée, de la libération de l’Homme noir, qui en découle et de sa reconnaissance en tant que partenaire à part entière, désormais connu et reconnu dans la coopération internationale. Quand Versailles a été construit, que n’a-t-on pas dit ? Quand la Tour Eiffel a été édifiée, combien de critiques n’a–t-elle pas soulevées ? Quand Mittérand avait lancé son projet de bibliothèque nationale, que ne lui a–t-on pas reproché ? Aujourd’hui, tous ces projets font la fierté de la France. Je laisse, par conséquent, au temps l’occasion de nous juger.

Où en est-on avec la crise énergétique qui sécoue le Sénégal ?

Peut-on me citer un seul pays, en Afrique au sud du Sahara, un seul pays qui ne connaît pas de crise énergétique, fût-elle pétrolière ? Il y a des pays où les populations ont du courant un jour sur deux, d’autres, un jour par semaine. Le Sénégal n’en est pas là. Il connaît, certes, des délestages, parce que le niveau de vie s’étant beaucoup élevé, le branchement électrique touche un nombre plus grand de familles, tandis que l’activité économique, en croissance continue, demande plus d’énergie. De 2000 à nos jours, nous avons fait, en matière d’investissements, plus que ce que n’a réalisé le Sénégal, depuis les années 1920, marquant la naissance des premières centrales, jusqu’en 2000, soit plus, en 10 ans, qu’en 80 ans, correspondant à la période coloniale et à celles de Senghor et d’Abdou Diouf cumulées. Dans quelques années, la crise de l’énergie ne sera plus qu’un vieux souvenir dans notre pays.

Vous êtes le président en exercice de l’OCI (Organisation de la conférence islamique). Les acquis jusqu’à ce jour vous satisfont-ils ?

Le bilan de l’OCI mérite, à lui seul, une interview. On ne peut l’évoquer en quelques lignes. Je me contenterai, simplement, à titre d’exemple, de dire que l’OCI représente, aujourd’hui, 1 milliard 500 millions d’habitants, selon les dernières statistiques. Elle est une organisation de paix, de solidarité, de coopération, de convivialité, insérant son action dans le dialogue interreligieux et la lutte contre l’extrémisme, sous toutes ses formes, la coopération avec tous les peuples épris de paix, de justice et de liberté. Juifs, chrétiens et musulmans sont, tous, les membres désunis de la grande famille d’Abraham. Nous devons apprendre à vivre en paix. C’est pour cela que j’ai salué la visite que le Roi d’Arabie Saoudite a rendue au Pape. Nous appuyons, également, tous les efforts visant à donner aux Palestiniens, un Etat reconnu, avec comme capitale Al Qods sur la base des frontières de 1967.

Le dialogue islamo–chrétien est une de vos préoccupations. Quels sont les efforts faits dans ce sens, pour un monde de tolérance ?

Le dialogue islamo-chrétien est ma grande préoccupation. Le Sénégal en est le meilleur laboratoire, puisque 95% de musulmans y vivent avec 4,5% de chrétiens, dans une synergie fraternelle, fondée sur la tolérance et le respect mutuel. Ce qu’on voit dans notre pays, n’existe nulle part. Senghor, chrétien qu’il était, a dirigé le Sénégal, de 1951 à 1983, sans avoir jamais été discriminé. Pouvez-vous me citer un seul pays, où une expérience analogue a été vécue ? Il a même pu, avant son départ, choisir son remplaçant et introduire dans la Constitution, une disposition lui permettant, sans être élu, de lui succéder pendant la durée restante de son mandat, sous la forme du fameux article 35. Le Sénégal est fier d’être un modèle de tolérance.

Comment sont vos rapports avec les communautés religieuses au Sénégal ?

J’appartiens à une famille dans laquelle, on retrouve des représentants de toutes les communautés religieuses représentées au Sénégal. Cette position me dispense de commentaires supplémentaires sur cette question.

… » Blaise et moi … »

Quels sont vos rapports avec votre jeune frère Blaise Compaoré ?

Posez-lui la question ! Je ne connais aucun nuage entre le chef de l’Etat de votre pays et celui du Sénégal. Quand je dénonçais la situation des Burkinabè dans un autre pays africain, je n’avais demandé l’autorisation à personne. N’est-ce pas là une preuve de mon manque de préjugés ?

D’aucuns pensent qu’il y a un problème de leadership au niveau africain entre vous…

Qui peut empêcher à certains, de penser ceci ou cela ? Quand j’ai commencé à m’occuper de l’Afrique, c’était dans les années 40, quand, au sortir du lycée, je suis tombé sur un journal évoquant la Conférence de Manchester de 1945 et l’appel de N’krumah en faveur du Panafricanisme. J’ai dirigé la FEANF. J’ai participé à l’avènement du Mouvement de libération nationale, avec votre compatriote Ki-Zerbo, Cheikh Hamidou Kane, etc. J’ai soutenu le combat d’Aimé Césaire contre le Parti communiste français. J’ai participé à la Réunion des intellectuels, écrivains et artistes noirs à la Sorbonne, en 1956 et à Rome, en 1959. J’ai soutenu la réunion de la Conférence de Bandoeng. J’ai défendu, en tant qu’avocat, la cause du FLN algérien et ai soutenu le combat du RDA, celui de l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (UGTAN), celui du Conseil de la jeunesse d’Afrique. Il n’y a pas eu un seul chantier, en Afrique, où, des années 50 à nos jours, Abdoulaye Wade n’ait été présent. J’ai écrit « Un Destin pour l’Afrique », que les spécialistes considèrent, avec « L’Afrique must unite » de Kwamé N’krumah et « Les Fondements d’un Etat fédéral d’Afrique noire » de Cheikh Anta Diop, comme des références sûres, indiquant la voie des Etats-Unis d’Afrique. Je suis, à ce jour, honoré de plus de 30 décorations internationales, dont le Prix Félix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix, décorations décernées par des institutions prestigieuses, comme la Sorbonne, les universités de Besançon et de Dauphine, celles de Harward, aux Etats-Unis et d’Utah, le Congrès américain, le NDI, le Black Cocus et la plus ancienne organisation noire, qui a été fondée en 1909, la NAACP. J’ai été salué par des artistes émérites et des opérateurs économiques à la notoriété reconnue.

Après tout cela, pensez-vous, vraiment, que la question d’un leadership soit ma préoccupation ?

Je crois pouvoir dire, toute modestie mise à part, en me basant sur les idées que je professe et sur la dimension intellectuelle, dont Dieu m’a doté, qu’Abdoulaye Wade n’appartient, ni au Sénégal, ni à la sous-région, ni à l’Afrique, mais au monde entier. Or, ce sont les idées qui gouvernent le monde.

Serez-vous à Bobo–Dioulasso, le 11 décembre prochain, pour le cinquantenaire du Burkina Faso ?

Si Dieu le veut, je serais heureux de rendre visite à mon ami, le Président Compaoré, ainsi qu’au peuple burkinabè.

Vous avez eu, entre- temps, maille à partir avec certains diplomates occidentaux, accrédités dans votre pays, qui parlaient de corruption au Sénégal. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le Sénégal a sa propre conception de la corruption et l’a toujours fait savoir. Pourquoi voyez-vous partout des tensions là où n’existent que de simples divergences d’opinions ? L’Afrique n’aurait-il plus le droit de penser autrement et de le faire savoir ?

Quelle appréciation faites-vous du Burkina Faso ?

Le Burkina Faso est un jeune pays par rapport aux vieux pays comme le Sénégal qui ont des rapports avec la France depuis des siècles. Ce jeune pays s’est rapidement affirmé sur le plan du leadership et du développement. Quiconque descend à Ouagadougou ou visite le Burkina aujourd’hui peut constater les énormes progrès qui ont été faits. J’avais l’habitude de dire à Blaise Compaoré (ndlr, le Président du Faso) que je pouvais apparaître comme laudateur du Burkina sans demander des honoraires tant je faisais les éloges du Burkina (rires). Il faut mesurer, non pas l’état du pays, mais les efforts qui ont été faits. Ce sont les progrès qu’il faut mesurer. Sur ce plan, le Burkina Faso est imbattable. D’une situation de pauvreté, avec un sol ingrat et de l’eau insuffisante, ce pays est arrivé à faire de merveilleuses choses. Je pense que Blaise Compaoré a réussi à donner aux Burkinabè, un idéal, à les fixer sur la terre, à faire de bons citoyens. Il a porté le combat économique un peu partout sur la superficie du pays, même dans le nord ingrat. Je ne peux que féliciter votre président pour ces grandes réussites. On ne peut pas parler de réussite sans parler du Burkina Faso. Cela est dû au Président Compaoré, mais aussi à l’esprit travailleur des Burkinabè. Il y a des peuples qui ne veulent pas travailler. Ce n’est pas le cas du Burkina Faso.

Quelle est votre opinion sur les élections en Guinée et en Côte d’Ivoire ?

La Guinée n’a pas connu de véritables élections depuis pratiquement l’indépendance. Il faut donc pardonner à ce pays de n’avoir pas réussi du premier coup. La politique qui a prévalu en Guinée jusqu’à présent a toujours utilisé les clivages ethniques au lieu de les effacer. Les clivages ethniques sont aujourd’hui plus du fait des cadres et des hommes politiques que le fait des peuples. Si ces cadres et ces politiciens avaient su s’élever au-dessus des ethnies pour faire appel au patriotisme, on n’en serait pas là aujourd’hui en Guinée. Quel que soit le gagnant dans ce pays, il en serait là avec des problèmes d’ethnicisme. J’espère simplement que lorsque la Cour suprême aura donné ses résultats (ndlr, l’interview a été réalisée la veille de la proclamation des résultats définitifs), la paix reviendra et le vainqueur pourra s’adresser à son adversaire pour qu’ensemble ils gouvernent. Il est clair qu’aucun ne peut gouverner tout seul la Guinée. Ça n’a pas de sens si on gouverne un pays dont la moitié est contre vous. Aux deux candidats (ndlr : les résultats définitifs donnent Alpha Condé vainqueur) que je connais bien et qui viennent me voir ou qui me téléphonent pour me demander des conseils, c’est ce que je leur dis. Il faut un compromis.

La Côte d’Ivoire, elle aussi, n’a pas connu d’élections depuis très longtemps. Bien entendu, ce sont des élections qui ont amené Gbagbo au pouvoir. Cet esprit doit continuer à prévaloir. Je souhaite que les résultats qui seront proclamés par la CEI soient reconnus par tous et que la paix revienne en Côte d’Ivoire (ndlr : l’entretien a eu lieu avant la proclamation des résultats). Ce pays a trop perdu de temps ; c’est un pays riche, qui a énormément de potentialités, qui aurait dû être la locomotive de la croissance de l’Afrique de l’Ouest, mais elle a quitté cette position qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Je compte sur le futur président pour panser rapidement les blessures et passer rapidement à l’essentiel, c’est-à-dire le redressement économique du pays, en se basant sur ses potentialités et sa richesse humaine.

Auriez-vous des nouvelles de l’ambassadeur de la Côte d’Ivoire au Sénégal que le Président Gbagbo a rappelé, suite à la visite de son rival Allassane Dramane Ouattara à Dakar entre les deux tours de l’élection présidentielle ? J’avoue que je ne me suis pas préoccupé de ce problème. Ça n’a aucune importance. Ça n’enlève en rien les relations qu’il y a entre les peuples ivoirien et sénégalais. Pour moi, c’est un coup de tête qui ne va pas durer. C’est pourquoi je ne réponds pas à ce geste interprété de manière inexacte par Gbagbo. Je ne lui ai jamais reproché d’avoir des relations avec mon opposition. Tout le monde sait qu’à chaque fois qu’il y a des élections, mes opposants sont chez lui. Il aidait mon opposition, mais cela ne me dérange pas. Ce sont ses amis d’idéologie socialiste. J’ai toujours entretenu de bonnes relations avec Gbagbo ; je comprends qu’à la veille d’une élection comme celle-là, on s’énerve très vite.

Aviez-vous parlé depuis le second tour ?

On ne s’est pas parlé mais j’ai été tenté aujourd’hui de l’appeler (ndlr, le 1er décembre, jour retenu pour la proclamation des résultats) ; Il n’est pas dit que je ne le ferai pas. Les gens me demandent : « Pourquoi vous n’appelez pas Gbagbo ? ». Je parle à Allassane qui est un ami de l’international libéral. Quand Houphouët Boigny (ndlr, le premier président de la Côte d’Ivoire) avait mis Gbagbo en prison, c’est moi qui l’avais tiré de là. J’étais ministre d’Etat de Abdou Diouf ; je lui ai donc demandé de me permettre d’aller voir Houphouët. C’est sur mon intervention qu’il a été gracié. Le libéral a tout fait pour qu’on libère le socialiste. Je sais donc que je dois parler à l’un et l’autre. On ne peut pas continuer à s’ignorer….

… Qu’il soit élu ou pas.. ;

Qu’il soit élu ou pas ! A plus forte raison s’il n’est pas élu, je dois lui parler. Je regrette simplement que la Côte d’Ivoire ne se soit pas davantage inspirée du sénégal. Au Sénégal, bien avant la proclamation des résultats, au fil des résultats, Abdou Diouf (ndlr, candidat au pouvoir en son temps) m’a appellé dès qu’il a su qu’il a perdu. Il m’a appelé pour me dire ceci : « Je te félicite parce que tu as gagné. Dès que je vais raccrocher avec toi, je vais appeler la presse pour annoncer que tu as gagné » ; ça, c’est une position qui est courageuse. Les amis de Diouf n’auraient pas accepté cela. C’est pourquoi il a pris les devants. S’il avait attendu les résultats, le Sénégal allait peut-être connaître la guerre civile. Intelligent qu’il est, il a coupé tout le monde en disant : « Moi, Abdou Diouf, candidat, je sais que j’ai perdu ». Aujourd’hui, j’entretiens de bonnes relations avec lui. Je l’ai soutenu pour la Francophonie. Pour tout vous dire, aujourd’hui même on s’est parlé (ndlr, le 1er décembre). Ce n’est donc pas parce que quelqu’un gagne des élections qu’il doit faire la chasse aux sorcières. Je suis avocat, je peux fabriquer un dossier contre quelqu’un. On en a tellement fabriqué contre moi que je sais comment ça se passe (rires…). Pourquoi les deux candidats en Côte d’Ivoire ne peuvent pas faire ça ? Comme je le dis, il y a une vie derrière la présidence. On n’en meurt pas de ne pas être président. Il faut faire comme Abdou Diouf. Si aujourd’hui vous êtes porté par les populations et que le lendemain elles ne veulent plus de vous , il faut partir ; il ne faut pas faire la bagarre.

Pourquoi avez-vous exigé le départ des bases françaises ?

Les bases françaises n’avaient jamais été conçues pour durer éternellement. Le Sénégal, pays souverain, a pris une décision conforme à ses intérêts, en concertation avec la France qui a souhaité bénéficier de facilités, dans le cadre de sa politique de coopération sous-régionale.

Quel est le degré de l’ambiance qu’il y a entre le président français Sarkozy et vous ?

Les Français sont établis au Sénégal depuis 1659. Cela crée des liens et tissent des sentiments. Posez-lui la question. Pour ma part, je pense pouvoir dire que nos relations sont empreintes d’amitié, de cordialité et de confiance réciproque.

Avez-vous un jugement à faire sur le travail de la presse burkinabè ?

Pour dire vrai, je ne la connais pas suffisamment pour la juger. Mais, je pense qu’à travers ce premier contact que j’ai eu avec vous, d’autres suivront. Ce qui leur permettront de mieux connaître le Sénégal et les Sénégalais, et leur gouvernement en venant sur place et en écoutant toutes les sensibilités, sans parti-pris, avant de juger. Je dis souvent que je ne cherche pas qu’on me flatte, ni qu’on me couvre d’éloges, mais qu’on fasse simplement preuve d’objectivité, en approuvant ce que je fais de positif et en critiquant ce qui mérite d’être amélioré.

« APD et non APE »

Que retenez-vous de primordial à l’issue de la rencontre Union européenne-Afrique qui vient de se tenir à Tripoli ?

Moi, je suis un libéral attaché à la coopération internationale, attaché aux principes de la libéralisation des échanges et à la construction d’une économie mondiale. Je n’exclue pas qu’il y ait des protections dans des périodes transitoires. L’Union européenne n’aime pas toujours qu’on rappelle l’histoire. On ne peut pas nous demander d’oublier l’esclavage du fait des Européens, du Portugal, de la Hollande. Ce n’est pas que j’ai reproché à Sarkozy (ndlr, président Français) l’esclavage. Après cela, ils nous ont colonisés, ils nous ont divisés. A Tripoli, à l’occasion de cette réunion, certains Africains disaient : « Il faut qu’on nous aide pour l’intégration régionale ». Quelle intégration ? S’il y a intégration, ça ne peut être que du fait de nous-mêmes. Je suis de ceux-là qui appellent de leurs vœux les Etats–Unis d’Afrique avec des relations très étroites avec la diaspora. On veut nous mettre dans le même lot et imposer à tout le monde des principes. Tous les chefs d’Etat qui ont pris la parole à Tripoli ont dénoncé le fait qu’il n’y a pas de résultats tangents dans nos relations avec l’Union européenne. Cette dernière nous propose des Accords de partenariat économiques. Nous sommes d’accord qu’il y ait des accords. Mais quels accords ? Ce qu’elle nous propose ne paraît pas acceptable. Elle ne veut pas discuter avec l’Union africaine. Elle profite pour départementaliser l’Afrique, elle a décidé de discuter avec des communautés pour mettre en valeur leurs contradictions et essayer de les exploiter. Nous ne sommes pas dupes. Il y a les accords sur la libéralisation. Nous avons établi une liste de produits à libéraliser. L’Union européenne en a proposé une autre. Nous sommes loin d’être d’accord sur le nombre de produits et sur le taux de libéralisation. Nous ne pouvons pas libéraliser au point de détruire nos industries naissantes. Nos industries naissantes- c’est un libéral qui parle- ont besoin d’être protégées. Quand elles seront fortifiées, on pourra ouvrir la concurrence. Si on ouvre les frontières, toutes nos industries vont disparaître. Parce qu’elles ne sont pas compétitives. L’Union européenne nous propose une compensation financière. Cela n’a pas de sens. On ne peut pas détruire une économie et remplacer cela par de l’argent. C’est comme si on me propose de me couper la jambe pour me donner de l’argent. Laissez-moi ma jambe ! L’Union européenne nous reproche de faire des faveurs à l’Inde, à la Chine. Je suis pour l’application de la clause. C’est mon point de vue personnel ; il faut laisser la concurrence entre tous les pays. Nos grandes divergences avec l’UE portent surtout sur les APE. Nous voulons des Accords de partenariat pour le développement (APD) et non pas des APE. Il ne faut pas échanger pour échanger. Il y a deux ans, l’UE avait menacé que si on ne signait pas au 31 décembre, on allait voir ce qu’on allait voir. Je dis qu’on ne verra rien du tout. Il est mieux qu’on continue de discuter. Les Européens ont fermé leurs frontières à l’Afrique noire. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Je dis bien, l’Afrique noire. Nous, on ne peut y entrer que par la petite porte du Schengen avec des visas et des critères de sélection. Alors qu’eux, ils entrent en Afrique comme dans un moulin. On me comprend difficilement. Je ne reproche pas aux Européens de faire la politique qu’ils veulent chez eux, mais, nous, nous devons répliquer en fonction de ce qu’ils font. C’est tout ! Nous devons montrer que nous pouvons sortir de l’isolement en construisant un conseil de coopération avec l’Amérique, l’Inde, la Chine et les pays arabes. Vous voyez où nous allons ? Chacun des pays africains est là derrière son drapeau pensant qu’il a le paradis chez lui. Nous avons une très grande responsabilité vis-à-vis de notre jeunesse ; pour ce faire, il n’ y a pas cent cinquante mille chemins, il faut passer par les Etats-Unis d’Afrique. Nous ne pouvons pas rester divisés comme nous le sommes. C’est suicidaire ! Si je dis tout cela, ce n’est pas que je suis contre l’aide. Le Sénégal est un pays très aidé. J’aurais pu m’en passer s’il y avait les Etats-Unis d’Afrique. J’ai prouvé qu’en 3 ans un pays alimentairement dépendant est inférieur à un pays en autosuffisance alimentaire. C’est une question de volonté. A Tripoli, tous les chefs d’Etats africains, chacun à sa façon, a fait comprendre aux Européens qu’ils nous faisaient prendre les vessies pour des lanternes. Ils tiennent toujours les mêmes discours : on va faire ci, on va faire ça. Alors qu’en les regardant, on voit qu’ils ne croient même pas en ce qu’ils disent. Ils n’ont pas besoin de nous faire des promesses qu’ils ne peuvent pas respecter.

Le Burkina Faso et le Sénégal ont chacun un candidat à la présidence de la Commission de la CEDEAO. Nous aurions appris que finalement le Sénégal a renoncé à ce poste au profit du Burkina Faso…

Jamais ! Je ne me suis pas désisté. Pourquoi ? Moi, je suis candidat ; le Burkina Faso est candidat. Chaque pays est souverain. J’ai demandé à mon ami Blaise de se désister en ma faveur et lui, il me demande de me désister. Si on n’est pas d’accord, on va aller démocratiquement aux votes. Celui qui aura la majorité aura le poste. Cela ne changera rien dans nos rapports. Ce poste de la CEDEAO est extrêmement important. Le Burkina en a assuré la vice-présidence ; je pense qu’il faut laisser la possibilité aux autres de contribuer. On n’est pas candidat pour qu’on dise que c’est un Sénégalais qui est là. On est candidat parce que celui que le Sénégal présente est un homme compétent. On devrait pouvoir passer rapidement sur cette affaire.

Propos recueillis à Dakar par Alexandre Le Grand ROUAMBA

lepays.bf

2 Commentaires

  1. combien il t’a payé Celà nt en rien la veracité des propos de Dr mame mare reduiie faye..On votera pour unni ses dérivés Idy ou macky pareilse coalition mais ni pour wade

  2. Archive] Lettre de Mame Marie Faye adressée à Wade en 2005
    Voir Suivi
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    (Source Archive: Baba Aïdara)

    A Monsieur ABDOULAYE WADE

    Président de la République du Sénégal.

    Objet : Pas question d’amnistie pour le meurtre de Maître Babacar SEYE , Vice-président du Conseil Constitutionnel assassiné en 1993.

    Monsieur le président de la République et cher «père».

    I – INTRODUCTION.

    Cela fait près de douze ans que je garde le silence le plus complet et le plus total, que je n’ai jamais ouvert la bouche concernant les dommages collatéraux causés par le lâche assassinat de Me Babacar Sèye, un parent par alliance de surcroît et que nous tous Saint-louisiens appelions du nom affectueux de Mbaye Sèye parce que non seulement il faisait partie intégrante de la grande famille des Saint-louisiens, mais aussi parce qu’il faisait partie de l’histoire de Saint-Louis, de la vie de Saint-Louis, du décor de Saint-Louis et tout simplement parce que c’était lui et parce que c’était nous.

    Aujourd’hui quand je lis avec la plus grande stupeur qu’après toutes les actions déjà très controversées que vous avez entreprises, depuis que vous êtes au pouvoir, concernant le meurtre de Me Babacar Sèye et qui n’ont cessé de jeter le trouble dans l’esprit des sénégalais, votre majorité mécanique de l’Assemblée nationale a voté purement et simplement une loi d’amnistie concernant ce meurtre, alors là je dis que ça suffit et qu’il est temps que je me décide enfin à vous parler sérieusement.

    Vous connaissez parfaitement le proverbe ouolof qui dit : «Gnou laï tam deum, ngaye sothio yakhou lire !» c’est à dire «Une personne soupçonnée de sorcellerie ne trouve rien de mieux à faire que de se curer les dents avec un os de bébé !» , eh bien sachez mon «père» que vous vous trouvez exactement dans la situation de cette personne-là. Parce que faire voter cette loi d’amnistie puis la faire promulguer ne signifie rien d’autre aux yeux du peuple sénégalais et aux yeux du monde entier que vous vous faites, malheureusement et d’une manière ou d’une autre, complice des instigateurs du meurtre de Me Babacar Sèye. II – VOUS N’ETES PAS L’INSTIGATEUR DU MEURTRE DE Me BABACAR SEYE. NI VOUS, NI VOTRE EPOUSE.

    Monsieur le président, il est loin le temps où me prenant par l’épaule vous clamiez à qui voulait l’entendre : «Mame Marie, ce n’est pas seulement ma militante, c’est avant tout ma fille !». C’est la raison pour laquelle je mets maintenant les mots «père» et «fille» entre guillemets.

    Il est loin aussi le temps où, vous considérant comme un père et comme un dieu, j’aurais été prête à donner ma vie pour vous.

    Depuis ce temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts…

    Cependant, comme on dit chez nous : «Kou dé yaak sa bamel» c’est-à-dire, «Chacun sera seul dans sa tombe et face à Dieu» , donc rendons à César ce qui est à César. Ce n’est pas parce que je condamne avec la dernière vigueur aujourd’hui votre attitude présente que je vais vous accuser de tous les maux d’Israël. Il n’est pas bon de jeter le bébé avec l’eau du bain.

    Aussi, je m’inscris complètement en faux contre la thèse qui consiste à vouloir faire de vous l’instigateur du meurtre de Me Babacar Sèye. Je dis que ceci est absolument faux. Je vous connais suffisamment pour soutenir que vous êtes un non-violent et que vous ne seriez même pas capable de faire du mal à une mouche. Je m’explique :

    A l’époque où j’étais votre «fille» et que nous nous faisions des confidences, vous avez eu à me confier un jour que vous avez toujours eu beaucoup d’admiration pour les médecins parce que leur mission, consistant à sauver des vies humaines, vous apparaissait très noble et que vous auriez aimé être médecin mais que vous aviez une véritable peur du sang, c’est la raison pour laquelle vous avez renoncé à faire médecine et vous vous êtes orienté vers le droit. Je vous répondis qu’en médecine, l’on finit plus ou moins par s’habituer au sang mais que l’on ne peut jamais s’habituer à la mort. Cette confidence de votre part m’avait alors beaucoup frappée et profondément émue.

    Une autre fois vous m’avez dit que vous vouliez bien accéder au pouvoir mais que pour rien au monde vous n’accepteriez qu’une seule goutte de sang soit versée pour cela et je vous ai cru parce que vous étiez très sincère en me tenant ces propos.

    J’ai été aussi maintes fois témoin de situations où vous vous étiez farouchement opposé à toute forme d’action violente de la part de membres du parti, ou même à toute forme d’action qui aurait pu entraîner le moindre danger pour l’un de nous et ceci même lorsque vous étiez injustement emprisonné par le pouvoir d’alors.

    De plus, je vous ai vu plusieurs fois soucieux, inquiet et même quelque peu angoissé pour nous lors de manifestations diverses, alors que nous-mêmes étions calmes et plutôt très gais. Donc aujourd’hui Monsieur le Président, je suis très bien placée pour témoigner que vous êtes un véritable non-violent et je répète encore une fois, que vous ne seriez même pas capable de faire du mal à une mouche !

    Il en est de même de votre épouse, Viviane Wade, c’est une véritable non-violente. J’ai eu à la voir à l’œuvre lors vos différentes arrestations et particulièrement pendant la période la plus dure que nous ayons jamais eu à traverser : il s’agit de l’emprisonnement des six de 1994 et qui s’est terminé par une grève de la faim. Cette période extrêmement pénible, je l’ai vécue du début à la fin avec Viviane et je puis dire ici que j’ai rarement vu une femme d’un courage pareil.

    Malgré la détermination sans faille de Viviane à vouloir faire sortir son époux de prison, elle n’a jamais fait preuve ni de la moindre parole violente et encore moins incité les gens à la violence. Au contraire, je me souviens que vers la fin, pendant la période de la grève de la faim, où il ne nous était même plus possible d’accéder à la prison et que nous étions à bout parce que le pouvoir de l’époque nous refusait la moindre manifestation pacifique, lorsque nous nous retrouvions dans le salon de la maison du Point E, complètement hors de nous mêmes, c’est Viviane qui nous calmait en levant les bras et en disant : «Bon maintenant, on se calme les enfants, on se calme !».

    En admiration devant elle je ne cessais de lui poser cette question : «Mais Viviane, comment tu fais pour tenir le coup ? Parce que moi, je n’en peux plus ! Je ne tiens plus !» Et elle me répondait invariablement : «Mais Mame Marie, il faut bien que je tienne le coup, je ne peux pas faire autrement, je ne peux pas me permettre de flancher !». Elle était alors une véritable source de courage pour nous tous et je garde des souvenirs extraordinaires de cette terrible période que nous avons vécue.

    Donc je soutiens ici mordicus que vous Monsieur le Président et votre épouse Viviane Wade êtes de véritables non-violents, que vous ne seriez pas capables de faire du mal à une mouche et que vous n’êtes absolument, mais alors absolument pas les instigateurs du meurtre de Me Babacar Sèye. Point à la ligne !

    Le problème maintenant c’est certains éléments incontrôlables de votre entourage. Je me pose la question de savoir si dans cette affaire de Me Babacar Sèye certains d’entre eux n’ont pas eu à jouer un rôle pas très orthodoxe, et que mis devant le fait accompli vous n’ayez d’autre solution que de les protéger parce qu’étant leur responsable moral. Sinon comment expliquer cet acharnement que vous mettez à vouloir absolument enterrer l’affaire Me Babacar Sèye alors que tout le monde s’attendait à ce que vous fassiez tout pour faire éclater la vérité.

    Je dis qu’actuellement vous êtes sérieusement prisonnier de votre entourage dans lequel il se passe des choses pas très claires et c’est vraiment dommage pour vous, parce que je vous avais prévenu que votre entourage actuel pourrait vous perdre.

    III – L’HISTOIRE DES DOMMAGES COLLATERAUX DE L’AFFAIRE Me BABACAR SEYE.

    Monsieur le président, je n’ai jamais voulu discuter à l’époque avec vous du problème du meurtre de Me Babacar Sèye et encore moins des dommages collatéraux très graves que ce meurtre avait provoqué chez de pauvres personnes complètement innocentes, parce qu’à l’époque votre innocence dans cette affaire ne faisait aucun doute à mes yeux et je reste encore convaincue de votre innocence. Mais depuis votre arrivée au pouvoir, les actes que vous posez dans cette sombre affaire sont en telle contradiction avec les attentes du peuple, que je me trouve aujourd’hui dans l’obligation de devoir porter à votre connaissance certains éléments que vous ne semblez absolument pas posséder sinon vous n’agiriez pas dans cette affaire avec une pareille légèreté et une telle désinvolture. 1/ Le meurtre de Me Babacar Sèye et ses conséquences immédiates. Monsieur le Président, le jour du meurtre de Me Babacar Sèye, je me trouvais chez moi à accrocher mes rideaux et à l’annonce de sa mort je faillis tomber à la renverse n’eut été une amie qui m’a retenue. A cet instant précis je ne pensais qu’à sa pauvre famille et à une de ses filles qui est une collègue à moi, mais j’étais à mille lieux de me douter que ma propre vie et celle d’êtres tout à fait innocents et qui me sont très chers, allaient basculer dans un enfer sans fin qui allait nous marquer à jamais. Je tairai ici toute forme d’identification concernant ces personnes-là par affection pour elles, mais aussi par respect pour leur tranquillité, ce qui m’amène à ne pouvoir tout dire.

    De tout ce qui va suivre, je n’en ai jamais parlé pendant douze longues années ni à vous, ni même à ma propre famille qui risque de tomber des nues en découvrant tout ce que j’ai pu endurer et garder secret.

    Dès l’annonce du décès de Me Babacar Sèye des doigts accusateurs se pointèrent aussitôt vers vous. A l’époque Monsieur le Président, vous étiez mon «père» et Me Babacar Sèye mon beau cousin par alliance, vous devez donc imaginer la situation dans laquelle je me trouvais alors, avec ces regards de travers et ces phrases à mots couverts qui voulaient simplement dire «Ton père a fait tuer ton parent…..».

    Je me retrouvais involontairement devant un vrai dilemme et un choix cornélien, et c’est sans la moindre hésitation que je choisis votre camp parce qu’à mes yeux mon «père» ne pouvait qu’être innocent. Et c’est ainsi que pour éviter tout incident familial, je décidais de prendre mes distances avec certains membres de ma famille que je n’ai pas fréquentés pendant plus d’une année, malgré toute la souffrance que cela a pu me causer à l’époque parce que j’ai toujours été quelqu’un de très attaché à ma famille comme le sont d’ailleurs tous les Saint-louisiens. De tout cela je ne vous ai jamais parlé «père», mais ce problème familial n’était rien par rapport à ce qui m’attendait.

    2/ LA DESCENTE PROGRESSIVE AUX ENFERS.

    Quelques semaines après le meurtre de Me Babacar Sèye, nous nous retrouvions une personne qui m’est très chère, ses jeunes enfants et moi-même pris dans un véritable engrenage, une horrible tourmente, un enfer sans fin dont nous ne savions même pas comment nous sortir parce que tenus au secret le plus total et au silence le plus absolu.

    Et-ce qui m’a fait le plus mal à l’époque et me révulse encore aujourd’hui, c’est que si moi à l’époque j’étais votre «fille» et étais parente par alliance de Me Sèye, ces pauvres personnes-là ne connaissaient ni de près ni de loin Me Sèye et vous même, sinon par presse et télévision interposées. Ce sont des personnes tout ce qu’il y a de plus gentil, de plus «cool» et de plus innocent, des personnes adorables et sans histoires avec lesquelles j’ai beaucoup partagé et nous nous adorions les uns les autres, des personnes qui ne s’étaient même jamais mêlées ni de près ni de loin à la chose politique et dont la vie basculait du jour au lendemain dans un enfer indescriptible que seul le pouvoir et ses démembrements ont le secret de vous faire vivre.

    Le geste de début le plus banal est toujours le téléphone sur écoute, mais cela vous vous en apercevez beaucoup plus tard. Puis ce sont les intimidations insidieuses et sournoises que vous avez du mal à comprendre au début parce que vous n’en voyez pas la raison et n’en comprenez pas le pourquoi. Et puisque vous ne comprenez toujours pas, alors on passe à la vitesse supérieure avec des menaces à peine voilées et de plus en plus précises par voie téléphonique ainsi que les visites d’étranges personnes à votre domicile. Alors là vous comprenez et commencez à prendre peur, mais votre éducation, votre dignité, votre honnêteté, votre sens civique et surtout votre intégrité morale ne vous permettront jamais de céder au chantage et à l’intimidation ; donc vous continuez à faire comme si de rien n’était, tout en étant quand même quelque peu vigilant en prenant quelques précautions.

    C’est alors que votre vis à vis s’énerve franchement et vous déballe le grand jeu en envoyant carrément, jusque devant votre porte, quelqu’un qui se chargera de vous faire comprendre le plus clairement possible que la vie même de vos propres enfants est en jeu si vous ne vous pliez pas à certaines volontés et que tout ceci n’est surtout pas de la blague. Alors là c’est le ciel qui vous tombe carrément sur la tête et vous restez complètement sonné et k.o. pour longtemps ! Mais malgré tout cela vous refuserez le chantage jusqu’au bout !

    Monsieur le Président, c’est dans cet engrenage-là, dans cette tourmente-là que ces personnes, tout ce qu’il y a de plus innocent, se sont retrouvées prises de façon inattendue, sans avoir jamais rien fait, sans avoir jamais rien dit, sans avoir jamais mérité une telle situation ; et moi aussi je me retrouvais à l’époque partageant leur enfer parce que partageant plus ou moins leur quotidien. Et tout cela à cause du meurtre de Me Babacar Sèye.

    De mon côté je n’étais guère épargnée non plus. Les écoutes téléphoniques, ma voiture très souvent suivie par une voiture banalisée au point de m’amener à me déplacer parfois en taxi ; en fait tout cela ne me dérangeait pas trop parce que j’étais habituée à tout ce cirque depuis bien des années. La seule chose qui m’inquiétait alors, vu la gravité des événements, était que ma vie même pouvait être en danger à chaque instant et à chaque coin de rue. Mais je ne pouvais me permettre d’y penser et refusais même d’y penser, parce que je me devais d’être très forte pour pouvoir soutenir ces personnes totalement innocentes dans l’horreur même de leur tourmente au quotidien.

    Je nous revois encore, dans ce geste maintes fois répété, enfants et adultes, tous blottis en plein jour dans le grand lit de la chambre à coucher, serrés les uns contre les autres à nous raconter des histoires drôles, juste pour nous donner du courage, juste pour ne pas avoir peur, juste pour ne pas penser à l’enfer que nous étions entrain de traverser. Enfer d’autant plus pénible que cette situation a duré de longs mois et que nous ne pouvions rien dire parce que tenus au secret le plus complet et le plus hermétique.

    Et de tout cela, je ne vous ai jamais parlé mon «père» parce que pour moi, dans cette affaire, vous étiez l’innocence même !

    3/ LA REVELATION DU SECRET.

    Monsieur le Président, à cette époque, je vous voyais régulièrement comme toujours, parce que pour moi vous étiez mon «père» et que mon affection pour vous n’avait alors pas de limites. Au fil du temps je vous voyais de plus en plus sombre, de plus en plus accablé, de plus en plus préoccupé et parlant de moins en moins. Je savais vos préoccupations, je savais vos soucis, je savais vos souffrances parce qu’à cette époque-là vos joies étaient les miennes mais vos peines aussi.

    Et plus le temps passait plus la situation devenait intenable pour tous, aussi bien pour l’innocente famille que pour vous et pour moi-même.

    Mais le plus dramatique à mes yeux était que l’étau que le pouvoir d’alors avait placé autour de votre personne semblait se resserrer chaque jour davantage et je sentais venir l’événement auquel mon esprit même s’était toujours refusé c.a.d. votre condamnation injuste pour complicité dans le meurtre de Me Babacar Sèye. Pour moi ,une injustice pareille ne pouvait être permise parce qu’à mes yeux, vous étiez totalement innocent, blanc comme neige, et ceci j’en étais farouchement convaincue.

    Et mon drame devint encore plus cornélien puisque j’étais au courant d’un secret qui devait aider à vous innocenter, il s’agissait d’un élément du dossier d’enquête sur lequel certaines personnes du pouvoir d’alors s’étaient complètement assises, mais malheureusement je n’avais pas le droit de révéler cet élément. Je me retrouvais exactement dans la situation du prêtre tenu par le secret du confessionnal et mon dilemme n’en était encore que plus atroce, parce qu’il ne s’agissait de rien de moins que d’aider à disculper mon «père». Aujourd’hui encore je ne puis trouver de mots pour qualifier les jours que je vécus alors et je me demande jusqu’à présent comment j’ai pu faire pour les vivre. Toujours est-il que finalement ma décision fut prise de vous révéler ce secret qui allait aider à vous disculper et nous libérer aussi par la même occasion.

    Mon «père», je me souviendrai toujours, comme si c’était hier, de ce matin tôt, où avant même d’aller à mon cabinet médical, je me précipitais au Point E pour entrer en trombe dans votre bureau. Vous étiez assis à votre table et devant votre air si triste, si préoccupé et si accablé, je ne pus me retenir et craquais complètement. Je me jetais contre vous, passais mon bras gauche autour de vos épaules et éclatais en sanglots. Vous avez alors relevé ma tête doucement et m’avez demandé d’un air étonné et d’une voix douce «Mais Mame Marie, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui t’arrive ?» Alors d’une voix hachée par les sanglots j’ai parlé, j’ai dit tout ce que gardais depuis si longtemps et qui finissait par m’étouffer littéralement.

    Je revois encore votre visage, votre regard où se mêlaient à la fois des sentiments d’incrédulité et de début de soulagement. Vous m’avez alors demandé si j’étais bien certaine de ce que j’avançais et je répondis par l’affirmative. Vous m’avez aussitôt crue parce que vous saviez que je ne vous avais jamais menti, jamais trompé. Il vous appartenait alors de faire le reste. En ce qui me concernait, j’avais fait ce que je pensais fermement être mon devoir de «fille» et je pouvais enfin aller en paix vaquer à mes occupations.

    Mon «père», je ne puis dire le bonheur que j’éprouvais alors d’avoir pu contribuer à arrêter la machine infernale qui s’apprêtait à s’en prendre à vous. Mais si pour vous le calvaire était fini, pour la pauvre famille innocente et pour moi-même le cauchemar était loin d’être terminé. En effet la machine à broyer du pouvoir de l’époque ne pouvait admettre sa défaite, il lui fallait faire payer à d’autres sa déconvenue. Elle ne pouvait plus menacer des vies, mais elle pouvait détruire des carrières et par là-même, briser des vies et c’est ce qu’elle s’employât alors à faire méthodiquement, jusqu’à l’atteinte totale de ses objectifs.

    En fait pour nous, la descente aux enfers s’est poursuivie, nous étions les dommages collatéraux dont personne ne soupçonnait l’existence. Nous avons donc continué à garder le silence, guidés par le seul espoir qu’un jour enfin Le Grand Soir viendrait et que tout ceci ne serait plus qu’un mauvais souvenir parce que justice serait enfin rendue dans les règles de l’art et de la démocratie. Nous avons donc continué à souffrir en silence et à espérer.

    De tout cela mon «père», je ne vous ai jamais parlé parce que pour moi vous aviez des choses plus importantes à faire, c’est-à-dire nous mener à l’Alternance tant attendue.

    IV – ET PUIS VINT L’ALTERNANCE QUI NOUS DEMANDE DE NOUS TAIRE ET DE TOUT OUBLIER.

    1/ Les ordres du pouvoir P.D.S.

    Monsieur le Président, tout le monde pensait qu’après tout ce que vous aviez enduré avec le meurtre de Me Babacar Sèye, votre souci premier après l’alternance serait de faire en sorte que la lumière la plus totale soit faite sur cette bien sombre et bien triste affaire. Pour le peuple sénégalais, qui a un véritable respect pour les morts, la résolution de ce douloureux problème passait bien avant toute proposition de construction de route, d’autoroute, d’aéroport ou de nouvelle capitale.

    L’on s’attendait à ce que justice soit enfin rendue à la mémoire du défunt, à sa famille, à ses proches et à tous les sénégalais épris de justice.

    Les pauvres dommages collatéraux que nous étions se disaient qu’ils pourraient enfin sortir de l’ombre et de l’anonymat et qu’à eux aussi justice serait rendue.

    Mais ce fut tout le contraire qui advint. D’abord on accorda la grâce aux assassins, puis on indemnisa en catimini la famille de la victime et pour boucler la boucle et couronner le tout on fit voter une loi d’amnistie pour nous dire : «Et maintenant silence ! Et rompez les rangs !»

    Monsieur le Président, sommes-nous au Sénégal, dans l’ancienne dictature de Pinochet ou sous une monarchie de droit divin pour que vous puissiez vous permettre un pareil comportement à l’égard du peuple sénégalais ?

    Je ne trouve même pas de mots assez forts pour décrire ce que votre comportement actuel et celui de votre parti provoquent chez moi. Je ne puis parler ni d’indignation, ni d’ulcération, ni même d’écœurement, je dirais plutôt que votre attitude et celle du PDS ont réveillé en moi la plus profonde nausée associée à la plus profonde révolte ! ! !

    Je ne puis simplement pas comprendre qu’après tout ce que des personnes ont pu voir, entendre, vivre, subir, endurer et souffrir avec le meurtre de Me Babacar Sèye, le parti au pouvoir, après les actes déjà tant décriés qu’il a posés dans cette affaire, puisse avoir l’audace, le culot, l’indécence et l’impudence de se réveiller un beau matin pour nous dire : «Bon maintenant ça suffit ! Et fermez la !»

    2/ Les erreurs du pouvoir P.D.S.

    Dans son manque total de jugement, le pouvoir en place a commis de graves erreurs : 1 – D’abord, il n’a pas su mesurer à sa juste valeur l’ampleur du traumatisme que le lâche assassinat de Me Babacar Sèye avait provoqué chez le peuple sénégalais.

    2 – Ensuite, il ne s’est pas rendu compte que les conditions dans lesquelles il est mort et que justice ne lui est pas encore été rendue avaient fait de Me Babacar Sèye non seulement un martyr, mais une icône aux yeux des sénégalais et particulièrement des Saint-louisiens.

    3 – Le pouvoir n’a pas compris que les conditions de sa mort, de même que ses conséquences sur de très nombreuses personnes dont certaines encore inconnues du public font que cette affaire n’appartient plus à la famille Sèye seulement, mais à tout le peuple sénégalais. Surtout que Me Babacar Sèye était un homme public, occupant de très hautes fonctions et assassiné dans l’exercice de ses fonctions, dans un climat particulier à l’époque et dans des conditions restées encore très mystérieuses.

    4 – Il n’a surtout pas compris que les actes troublants et très controversés qu’il avait posés dans cette affaire avaient déjà profondément et suffisamment choqué les sénégalais pour qu’il n’ait pas besoin d’en rajouter davantage.

    5 – Et enfin, méprise des méprises, que les sénégalais sont des gens très patients et tolérants, mais qu’il y a des limites à ne pas franchir avec eux, surtout en matière de liberté de pensée et de liberté d’expression qui nous sont de plus garanties par la Constitution.

    Mais pour intégrer ces données, faudrait-il d’abord que les gens qui nous gouvernent soient des gens intelligents, sensés, respectueux du peuple et des institutions de la République et ayant le sens de l’Etat ; des gens honnêtes faisant passer les intérêts de la Nation avant leurs intérêts bassement matériels ; des gens sachant faire preuve d’une certaine humilité, d’une certaine retenue et qui ne prennent pas le peuple sénégalais pour une serpillière sur laquelle on peut s’essuyer les pieds comme on veut et quand on veut.

    Et malheureusement pour nous, les gens qui nous gouvernent actuellement ne sont rien de tout cela et en sont même très loin.

    3/ L’arrogance du pouvoir P.D.S

    Vous savez Monsieur le président, cela fait des jours que je ne puis trouver le sommeil, que je n’arrête pas de tourner en rond dans la maison et que je ne cesse de me poser la question à savoir : «Sur quelle planète sommes-nous ? !»

    Parce que le PDS s’imagine qu’il peut se réveiller un beau matin, comme cela, tranquillement et se dandiner comme bon lui semble, la fleur à la main et la chanson au bout des lèvres pour décréter, avec la dernière des arrogances, l’amnésie de tout le bon peuple sénégalais. Ce qui revient à nous dénier le droit même à l’existence !

    Ensuite, vouloir nous faire croire que c’est le député «je ne sais qui» qui est derrière cette proposition de loi, alors que c’est un secret de polichinelle qu’aucune décision sérieuse ne se prend au PDS sans la bénédiction du Grand Manitou, Abdoulaye Wade. Vraiment, le ridicule ne tue pas !

    Vous savez, j’ai la vague impression que depuis le début de l’alternance, le peuple sénégalais a accepté d’avaler tellement de couleuvres et a laissé le pouvoir en place faire ce que bon lui semble, à tel point que celui-ci a perdu tout sens de la mesure.

    J’ai le sentiment qu’au PDS beaucoup de gens sont entrain de marcher sur la tête et ont sérieusement besoin d’aller consulter des psychiatres. Heureusement que nous en avons d’excellents à l’Hôpital de Fann et dans Dakar !

    Sinon comment expliquer qu’une minorité de gens, tout ce qu’il y a de plus insignifiant, puisse se réveiller un beau matin et décider en toute tranquillité de ce que le peuple doit penser, de ce que le peuple doit dire et lui ordonner, sans le moindre clignement d’yeux, l’amnésie collective. Je le répète encore : «Sur quelle planète sommes-nous ?»

    Le peuple sénégalais aimerait franchement savoir si au Pds : «Vous avez bu ou vous avez soif ?» pour vous permettre de vous comporter comme si vous étiez en territoire conquis et que nous serions vos sujets ou pire, vos esclaves ! Parce qu’en proposant et en faisant voter, par votre majorité mécanique, cette loi d’amnistie, tout ce qu’il y a de plus inique et de plus répugnant, il ne vous est pas venu au PDS, un seul instant, l’idée que vous aviez vraiment franchi le Rubicon et que vous risquiez de déclancher un véritable «Tsunami» qui pourrait vous emporter tous et à jamais ?

    Parce que vous pensiez en toute candeur, en toute ingénuité que non seulement la famille de feu Me Babacar Sèye, ses proches, ses amis, tous ceux qui l’on aimé, tous les Saint-louisiens, tout le peuple sénégalais mais aussi tous les dommages collatéraux connus et inconnus allaient tout bonnement se plier à votre fameuse et hilarante injonction : «Et maintenant silence ! Et rompez les rangs !».

    Si tel était le cas, alors je dis que soit vous êtes totalement dépourvus du moindre discernement, soit vous êtes tellement arrogants et imbus de vos personnes que vous avez fini par être atteints de cécité totale, et que quelque soit le cas, cela est d’une tristesse vraiment affligeante pour vous et à la limite même du pitoyable !

    C’est comme si le gouvernement américain se réveillait un beau matin pour ordonner au peuple américain de ne plus jamais parler de John F. Kennedy, et de l’effacer à jamais de sa mémoire. Je crois qu’il serait alors plus facile pour ce même gouvernement américain d’aller tenir son conseil des ministres sur la planète Mars que d’obtenir une chose pareille !

    Vous avez au PDS une curieuse façon d’honorer les morts. Parce que non contents de piétiner allégrement la mémoire de notre cher M’Baye Sèye dans l’enceinte même de l’Assemblée Nationale, vous en rajoutez encore en faisant brimer au dehors, par vos forces de l’ordre, sa veuve, ses enfants, sa famille, ses proches, ses amis et tous les sénégalais épris de justice venus clamer leur révolte devant votre attitude plus que répugnante !

    Je dis que ceci est moche, médiocre, petit, mesquin et que ça vole bas au PDS, mais vraiment très bas, parce que ceci n’est rien d’autre qu’un comportement de fasciste de la pire espèce !

    Les députés qui ont voté cette inadmissible loi d’amnistie sont de petits types, de GRANDS petits types et que la Honte soit sur eux ! Ils ne méritent rien d’autre que le plus profond mépris du peuple sénégalais !

    Depuis le transfert de notre capitale, jamais nous, Saint-Louisiens, n’avions reçu une gifle pareille ; mais soyez certains que ceci ne vous portera pas bonheur et que vous ne l’emporterez pas au Paradis !!!

    Au nom de la mémoire de Me Babacar Sèye, ce digne fils de Saint-Louis et du Sénégal,

    Au nom de sa famille, de ses proches, de ses amis et de tous ceux qui l’on aimé,

    Au nom de tous les Saint-louisiens et de tout le peuple sénégalais,

    Au nom de tous les dommages collatéraux connus et inconnus,

    Au nom des vies brisées, des carrières détruites et des enfants traumatisés,

    Au nom de toutes les souffrances passées et présentes,

    Au nom de la véritable justice que tout le Sénégal ne cessera d’attendre,

    Au nom de la liberté de pensée et de la liberté d’expression,

    Au nom de la LIBERTE tout court,

    Nous déclarons solennellement ici , nous opposer avec la dernière énergie , maintenant et à jamais, à la loi d’amnistie pour le meurtre de Me Babacar Sèye.

    Aujourd’hui je peux dire que : J’AI MAL A MON SENEGAL !!!

    4/ Les «Conseillers» du pouvoir P.D.S. Monsieur le Président, je ne sais quels sont vos «conseillers» qui vous ont conseillé cette loi d’amnistie, mais vous pouvez tout simplement leur décerner à chacun la médaille de «Cancre de la République» , parce qu’en lieu et place du silence et de l’oubli désiré et ordonné, vous allez tout simplement obtenir le bruit infernal des bavardages et des cris provoqués par le réveil de douloureux souvenirs et par la résurgence de souffrances longtemps enfouies. La preuve est là par moi-même : cela fait douze longues années que je n’ai jamais pipé un seul mot à qui que ce soit, même pas à vous, de ce que je gardais enfoui au plus profond de moi et voilà que le PDS a réussi l’exploit de me faire causer !

    Et croyez-moi, à partir de maintenant, cela risque de causer sec et d’un peu partout d’ailleurs, par effet de boule de neige, et pour vous : bonjour les dégâts !

    Bravo le PDS, je vous tire mon chapeau !!! V – CONCLUSION : MONSIEUR LE PRESIDENT, IL EST TEMPS QUEVOUS PARTIEZ, VOUS ET LES VOTRES.

    Monsieur le Président, ce que les sénégalais ne savent pas, c’est que depuis le début de l’alternance, je ne cesse de vous adresser par correspondance des contributions destinées à vous aider dans la bonne marche du pays. J’ai toujours travaillé pour vous dans la plus totale discrétion sans jamais rien vous demander, parce que j’ai toujours mis en avant l’intérêt de notre pays. Je ne vous dois absolument rien, ce qui me permet d’être très à l’aise aujourd’hui pour donner mon opinion sur la situation du Sénégal.

    La toute première chose que j’ai eue à vous dire, dès le début de l’alternance, est que le Sénégal vous a été simplement confié et non donné ou légué en héritage. Donc vous deviez en prendre particulièrement soin. C’est parce que dix millions de sénégalais ne peuvent diriger en même temps leur pays qu’ils se choisissent des dirigeants et un chef d’état. Et quand bien même le Sénégal vous aurait été donné ou légué, vous vous deviez de lui donner le meilleur de vous même, à plus forte raison lorsqu’il vous a été simplement confié.

    Je vous ai dit aussi que vous deviez respecter vos engagements à l’égard du peuple et surtout respecter le peuple qui s’est battu pour vous porter au pouvoir.

    Mais je vois aujourd’hui que de tout cela, il n’en est rien et qu’au contraire avec vous le Sénégal ne cesse de passer de Charybde en Scylla, au point que vous en êtes venu à vouloir carrément institutionnaliser la violence, le crime et l’impunité dans le pays qui vous a été simplement confié.

    Aussi, Monsieur le Président, je vous dis ici qu’il est grand temps que vous partiez, vous et les vôtres. Vous avez suffisamment commis de dégâts au Sénégal !

    Le problème pour nous n’est plus un problème d’amnistie ou pas, le problème pour nous est qu’il est maintenant urgent que vous partiez vous et votre équipe. Nous ne vous laisserons jamais détruire notre cher Sénégal.

    A cet effet, tous les patriotes et les dignes enfants du Sénégal à travers le monde ont l’intention de sonner la mobilisation générale en vu de préparer votre départ et nous allons tous nous y atteler, In Challah.

    Monsieur le Président, le peuple sénégalais avait mis un réel acharnement à vous conduire au Palais Présidentiel, soyez certain qu’il mettra le même acharnement à vous ramener au Point E, parce que vous l’avez totalement trahi et profondément déçu.

    L’alternance était absolument nécessaire, parce que nous n’en pouvions plus de l’arrogance et du mépris du P.S. d’alors à l’égard du peuple. Le seul problème est que nous nous sommes trompés d’homme au moment de la faire. Mais nous allons sérieusement remédier à cette erreur monumentale.

    Monsieur le Président, je vous informe que cette lettre étant une lettre ouverte, elle sera adressée au maximum de personnes possible, d’organisations nationales et internationales et de journaux à travers le monde parce qu’il est vraiment temps d’alerter l’opinion internationale sur la situation actuelle du Sénégal avant que ne s’installe le chaos tant redouté.

    Monsieur le Président, dans l’attente de votre départ du Palais, je vous souhaite une très longue vie, une excellente santé et beaucoup de bonheur. Veuillez trouver ici l’expression de ma très haute considération. Docteur Mame Marie FAYE

    P.S.1 Monsieur le Président, vous seriez bien aimable de dire à certaines personnes de votre entourage d’avoir, pour une fois, l’intelligence de s’arrêter un peu pour faire leur introspection et leur autocritique plutôt que de chercher à faire du zèle et à vous faire plaisir en se proposant de me répondre. Ceci est strictement une affaire entre vous et moi et nous sommes de «vieux amis».

    Vous leur ferez aussi comprendre qu’ici c’est l’Amérique et que vu les méthodes qui règnent actuellement au Sénégal, j’ai pris toutes les dispositions nécessaires me concernant et qu’il serait dans l’intérêt de tous que je n’attrape pas le moindre rhume.

    P.S.2 Nous prions toutes les personnes qui recevront cette lettre par email (courriel) de bien vouloir la transmettre à toutes leurs connaissances à travers le monde pour préparer la mobilisation générale pour le départ du Président Abdoulaye Wade du Sénégal. Merci

    Fait à New York le 15 Janvier 2005

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